15 000 likes pour avoir parler de Philippe Katerine ? Avec des fautes d’orthographe en plus ?? [LINKEDINCORE]

J’ai fait 15 000 likes pour un post qui a ensuite été relayé/utilisé par de grands médias nationaux. Ce post médiatisait ce qu’il se passait sur Red, un Instagram chinois, à propos de la performance de #Katerine aux #JeuxOlympiques. Il contenait une faute immonde. Voici mes learnings.

💡 Le contexte

Red (xiaohongshu, abrégé xhs) est un réseau social chinois qui est globalement un équivalent d’Instagram/Reddit. Depuis la cérémonie d’ouverture, les tableaux pensés par Thomas Jolly inspirent de nombreux artistes. Un en particulier focalise l’attention des internautes chinois : le catwalk et la performance de #PhilippeKaterine.

👨‍💻 Ce qu’il se passe & l’événement déclencheur

Les graphistes et artistes chinois ont réapproprié la performance de Katerine, générant buzz et engouement sur la plateforme. Ma conjointe et moi, nous nous échangeons des captures d’écran de cela, car fondamentalement, c’est très drôle.

L’événement déclencheur : je partage une capture d’écran avec un tweet écrit à la volée. À ce moment, je pensais juste faire rire quelques followers. Je ne relis pas la chose. Osef en vrai. 20 minutes plus tard, je reprends mon smartphone. Le tweet à plus de 500 likes. J’ai environ 30 notifs toutes les 2 minutes.

📣 La take principale

La singularité des tableaux de cette cérémonie a favorisé leurs appropriations artistiques partout dans le monde. Nul doute que le côté innovant de la cérémonie (sans non plus être à l’avant-garde) a joué pour cela. La recherche de cette singularité de chacun des artistes en se positionnant comme un « propulseur » de ces derniers doit être privilégiée pour assurer une « circulation » et une médiatisation de l’événement par phénomène d’appropriation = « à bas les stratégies de push, favorisons la confiance et laissons libres les artistes qui vont créer des propositions pour nous » (sur la base d’un contrat bien sûr).

📢 l’analyse personnelle sur la cas Katerine

À la fois surpris, à la fois peu étonné, mon tweet a suscité de nombreux engagements. Quelques 300 follows supplémentaires. Katerine est un habitué des coups d’éclat à l’international comme lorsqu’il avait été invité par #JimmyFallon pour chanter « Moustache ».

Cela étant, il ne faut pas pour autant minimiser l’artiste en évoquant un « coup de chance ». #Katerine était déjà présent et connu sur xhr depuis bien avant la cérémonie. Il y alimentait un compte officiel en vlog et autres. Également, l’artiste a tout au long de sa carrière toujours su « avoir le nez » concernant les tendances, et ce, dès son premier album « les mariages chinois » (ironique non ?) sorti en 1991. Des chansons courtes, des paroles faciles à retenir, une alternance des registres (humour, subversion, qui donnent la chair de poule, des gimmicks) rendent ses productions facilement diffusables auprès d’audiences au-delà de la francophonie.

📢 Et l’orthographe dans tout ça

Mon propre tweet a circulé dans des sphères sociales inhabituelles pour moi, au-delà du jeu vidéo et des media studies. Ce qu’il s’est passé ? C’est simple, les errances de la saisie gestuelle. Et ce n’est que trop tardivement que je m’en suis aperçu… Le tweet cumulait déjà plusieurs centaines de likes. Le bon point, c’est que j’ai appris à vivre avec l’exercice de la relecture. Seules les personnes qui n’écrivent pas (dans le sens où c’est leur métier) font ce genre de reproches. Les autres écrivent et savent que les fautes sont inhérentes à l’exercice. Malgré cette horrible faute (le « quelles » au lieu de « qu’elle »), la chose m’a apporté davantage d’opportunités. Et puis je peux toujours essayer de me convaincre qu’en termes purement stratégiques, maintenir l’engagement (même le négatif) est une façon de jouer avec les algorithmes des plateformes (je me serai tout de même bien passé de ce type d’engagement).

  1. C’est ma faute
    C’est ma faute
    C’est ma très grande faute d’orthographe
    Voilà comment j’écris
    Giraffe.
Jacques Prévert (1946). Mea Culpa.

📢 Une autre take sur la relation chercheur·euse / journalistes

Suite à mon tweet, c’est donc l’explosion. Pour un compte twitter/x comme le mien, faire 15 000 likes, c’est colossal, et cela n’arrivera pas de si tôt. En est-il que suite à ma publication, de nombreux médias ont repris l’information et clairement, cela a permis de constater à nouveau ce qui circule beaucoup dans les milieux scientifiques à l’égard de certain·e·s camarades du milieu journalistique. En effet, même si mon tweet originel était principalement à but humoristique, il révèle, comme beaucoup d’autres, des pratiques de recherches et de veilles quotidiennes sur moult sujets. Me concernant, ici, c’est mon travail de veille sur les pratiques numériques chinoises qui fut médiatisé, un peu malgré moi pour ce cas très précis. Quel déplaisir que de se voir ôter de son propre travail par des entreprises journalistiques qui sont venues prendre nos captures d’écran à ma conjointe et moi-même pour se présenter comme étant les personnes ayant déniché l’info ou ayant la primauté sur l’info. Cela explique pourquoi aujourd’hui, dès que je donne un entretien, je valide immédiatement les conditions de citation dans les entretiens. Combien de fois me suis-je retrouvé devant un article ne citant même pas mon nom, après des entretiens qui durent parfois plusieurs heures, parce que le journaliste n’a finalement pas utilisé un seul verbatim… alors qu’en fin d’entretien, ce sont les mêmes qui nous remercient d’avoir pu clairement formaliser leur angle en les nourrissant de nombreuses informations, données scientifiques et connaissances ? Philippe Katerine a également repartagé la chose sur ses comptes Instagram et Red, mais contrairement aux autres, il n’est pas journaliste.

Pour rappel et à toutes fins utiles, les laboratoires de recherche sont notamment évalués sur la présence médiatique de leurs membres. Ce n’est pas le critère central des évaluations mais c’en est un. En choisissant d’invisibiliser les chercheurs et les chercheuses, la presse journalistique choisit de nuire à la recherche universitaire.

Merci à celles et ceux qui ont fait l’effort de me citer, parce que le sujet les intéressait vraiment ou par simple courtoisie. ⬛

esteban grine, 2024.

Les médias ayant cité le phénomène via nos partages à ma conjointe et moi

BFMTV : https://rmcsport.bfmtv.com/jeux-olympiques/il-y-a-une-energie-folle-pourquoi-les-jo-de-paris-reveillent-la-creativite-des-artistes-du-monde-entier_AN-202407310031.html

Konbini : https://www.konbini.com/popculture/jo-2024-depuis-sa-prestation-a-la-ceremonie-douverture-philippe-katerine-est-la-nouvelle-icone-des-reseaux-sociaux-chinois/

20Minutes : https://www.20minutes.fr/high-tech/by-the-web/4103766-20240730-jo-paris-2024-aquarelle-cosplay-chine-philippe-katerine-seduit-internautes-plus-creatifs

Demotivateur : https://www.demotivateur.fr/entertainment/jo-de-paris-2024-philippe-katerine-en-dionysos-l-artiste-schtroumpf-adore-des-chinois-40260

Le Soir : https://www.lesoir.be/613421/article/2024-07-31/jo-2024-philippe-katerine-est-devenu-une-star-en-chine

Le Parisien (qui a pris nos captures d’écran sans nous citer) : https://www.leparisien.fr/video/video-jo-paris-2024-philippe-katerine-lartiste-schtroumpf-devenu-star-des-reseaux-sociaux-chinois-30-07-2024-K4TE2Z5E5ZGOLIZ4CPKNFIRLUE.php

FranceTV Info (qui a repris l’information) : https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/jo-2024-un-judoka-se-blesse-en-celebrant-sa-medaille-philippe-katerine-coqueluche-des-reseaux-chinois-tour-d-horizon-de-ce-quatrieme-jour-olympique_6696393.html

La Provence (qui prend le tweet d’un compte ayant récupéré nos captures d’écran plutôt que de citer ce qui est finalement le travail de médiation de ma conjointe et moi) : https://www.laprovence.com/article/sports/1296129260997115/jo-2024-philippe-katerine-devient-une-star-en-asie-surnomme-lartiste-schtroumpf

Hyperdot Volume 1 – Hadès

HyperDot est un zine que je crée en stream afin de résoudre mes diverses obsessions et hyperfixations du moment. Ces dernières semaines, c’est la série de jeu Hadès, et particulièrement son second épisode qui me font mouliner jours et nuits.

Le lien pour télécharger le pdf du zine si vous voulez vous l’imprimer ou avoir une copie se trouve tout en bas de l’article.

Bonne lecture !

esteban grine, 2024.

Votre agenda secret

Je suis actuellement en train de préparer une communication pour un colloque. Et parfois, par manque d’inspiration, je retourne aux bases qui m’ont propulsé dans la recherche académique. Aujourd’hui, c’est à nouveau l’ouvrage de Jesse Schell qui m’émerveille, encore une fois, par sa complexité. Avait-il déjà tout vu quand il publia la première édition ? Probablement pas, mais il faut lui reconnaitre un certain nez pour ouvrir des portes heuristiques pour la réflexion, mais aussi pour comprendre les contextes de production. Quel plaisir que d’être capable de lire entre les lignes policées de son écriture, pour comprendre en réalité les véhémentes critiques qu’il rédige à l’encontre de l’industrie.

Le chapitre 33 de son ouvrage, bien que très court, porte sur la responsabilité des développeurs et des développeuses à faire des jeux « qui rendent meilleurs ». Ses propos, réunis dans le sous-chapitre « your hidden agenda », font mouche. C’est pourquoi je fais le choix de les publier ici. Nul doute qu’ils résonneront avec la réalité des camarades.

« Mais vous pourriez faire valoir que votre jeu est vraiment sûr, qu’il n’y a aucune chance qu’il puisse nuire. Et vous avez peut-être raison. Réfléchissez à ceci : est-il possible de trouver un moyen pour que votre jeu fasse du bien ? D’améliorer la vie des gens d’une manière ou d’une autre ? Si vous savez que c’est possible et que vous choisissez de ne pas le faire, n’est-ce pas, d’une certaine manière, aussi mauvais que de créer un jeu qui nuit aux gens ? Ne vous méprenez pas, je ne suis pas du genre à vous dire qu’il est de la responsabilité des entreprises de jeux d’améliorer l’humanité, même si cela implique de perdre quelques bénéfices. La seule responsabilité d’une telle entreprise est de gagner de l’argent. La responsabilité de faire en sorte que les jeux fassent du bien n’incombe qu’à vous. Suis-je en train de dire que vous devez essayer de convaincre la direction que votre titre sera meilleur s’il peut d’une manière ou d’une autre améliorer l’humanité ? Ce n’est pas le cas. La direction ne se préoccupera pas de cela – son travail consiste à servir l’entreprise, et l’entreprise ne se préoccupe que de faire de l’argent. Ce que je vous dis, c’est que si vous le souhaitez, vous pouvez concevoir vos jeux de manière à ce qu’ils améliorent la vie des gens, mais vous devrez probablement le faire en secret.

En général, il ne vous servira à rien de dire à votre direction qu’il est important pour vous d’utiliser le puissant média que sont les jeux pour aider les gens, car s’ils savent que c’est votre objectif, ils penseront que vos priorités ne sont pas les bonnes. Mais ce n’est pas le cas. En effet, si vous créez un jeu qui est vraiment bon pour les gens, mais que personne n’aime (la version jeu d’un smoothie au brocoli), vous n’avez aidé personne. Vos jeux ne peuvent servir l’humanité que si le plus grand nombre possible de personnes y joue. L’astuce consiste à trouver ce que vous pouvez mettre dans vos jeux les plus vendus et qui transformera les joueurs et les joueuses pour le meilleur. Vous pensez peut-être que c’est impossible, que les gens n’aiment que ce qui est mauvais pour eux. Mais ce n’est pas vrai. Il y a une chose que les gens aiment plus que tout, c’est qu’on s’occupe d’eux. Et si vous parvenez, grâce à votre jeu, à faire de vos joueurs et vos joueuses de meilleures personnes, ils ressentiront, apprécieront et se souviendront de ce sentiment rare que quelqu’un d’autre se soucie de ce qu’ils deviennent. » (Schell, 2014:520, ma traduction)

Schell, J. (2014). The Art of Game Design : A Book of Lenses, Second Edition. (2e éd.). A K Peters/CRC Press.

Speedons et Marathons, retour sur le speedrun de jeux vidéo: grand entretien avec Sacha Bernard

L’édition 2024 de SpeeDons s’apprête tout juste à démarrer et cette année, les attentes à l’égard du plus grand marathon français de speedruns sont hautes. Si l’an dernier, l’événement avait pu franchir la barre symbolique du million d’euros récoltés, certain·e·s espèrent bien que cette barrière sera franchie à nouveau et, pardonnez le langage, explosée. Cependant, ce n’est pas parce que l’événement réunit qu’il est un rassemblement connu de toutes et tous au-delà des communautés de joueurs et de joueuses. C’est pourquoi j’ai eu la chance de recueillir les propos de Sacha Bernard, chercheur consacrant ses travaux à l’étude des pratiques autour du speedrun. Il a eu la sympathie de partager ses connaissances pour faire, en quelque sorte, un état des lieux de ce qu’il se joue aujourd’hui avec SpeeDons, avec le speedrun et bien sûr, avec les runners et les runneuses.

Sacha BERNARD (il/lui) est doctorant à l’Université de Liège et membre du Liège Game Lab. Son sujet de recherche porte sur le speedrun qu’il étudie à travers le prisme de la médiation des connaissances. Son travail consiste à interroger la pratique où l’information, de sa création à réception, est au cœur de son écosystème. Il analyse le speedrun en tant qu’objet documentaire et propose une lecture ludico-informationnelle de la pratique. Son carnet de recherche se trouve ici.

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Les Pals, le capitalisme tardif et des gros guns

En moins d’une semaine, le jeu Palworld (Pocket Pair, 2024) est déjà devenu un nouvel étalon de mesure de l’industrie vidéoludique. Noté 8 sur 10 par IGN, le jeu revendique plus de 8 millions[1] de joueurs et de joueuses seulement 6 jours après sa sortie en early access. Sur le site officiel, il est présenté comme intégrant sans aucune porosité « des éléments de combat, de capture de monstres, d’entraînement et de construction de bases. Les joueurs disposent d’un large éventail d’armes, des arcs et lances classiques aux fusils d’assaut et lance-roquettes modernes » (Pocket Pair, sans date, traduction de l’auteur)[2]. Dès son annonce, le jeu optait pour un ton à la frontière de la satire et du sérieux dans la façon qu’il avait de présenter sa propre expérience. Entre second et premier degré,

les vidéos promotionnelles de Palworld subvertissent l’ambiance bon enfant typique de Pokémon, les monstres de dessin animé y tenant des mitraillettes au design réaliste. On y voit le joueur cribler de balles, de flèches ou d’explosifs ces adorables créatures, et armer celles qu’il a capturées. Dans Palworld, il est aussi question – sans que l’on sache très bien s’il s’agit ou non de satire –, d’esclavagisme et de cruauté envers les animaux. (Trouvé et al. In Le Monde, 2024)[3]

Dès sa sortie, le jeu fut immédiatement comparé à d’autres. Immédiatement également, une partie de l’audience se mit à interroger l’intégrité des pratiques du studio et du processus de production qui fut nécessaire pour sortir ce jeu dans de telles conditions. Pour résumer brièvement, des soupçons de plagiat, d’utilisation d’intelligences artificielles portent sur le jeu, à tel point que Nintendo vient d’annoncer une enquête sur la ressemblance troublante entre les Pals (les monstres de Palworld) et les Pokémons[4]. Tout en étant par ailleurs relativement élogieux à l’égard du titre, le magazine IGN prend en considération la chose de la manière suivante :

Il est impossible de ne pas remarquer à quel point il reprend sans vergogne les idées et les designs de Pokémon, il y a quelques bugs et problèmes de performance peu surprenants, et le travail de maintien des réserves de votre base a besoin d’un peu de retouche – mais quand vous êtes sur le dos d’un dragon volant tout en tirant sur un canard bleu avec un fusil d’assaut, la plupart de ces imperfections s’effacent complètement. (Northup, 2024, traduction de l’auteur)[5]

Alors, avec tout ce contexte, il serait aisé de traiter Palworld comme un énième exemple illustrant l’impossibilité d’une consommation éthique dans le capitalisme. Il serait également aisé de se positionner soit en défense, soit en accusation de ce jeu comme par exemple en focalisant son regard sur ses éléments, le passif de l’entreprise, etc. Cela étant, un tel exercice ne permettrait au mieux qu’une prise de position dans un débat en cours. Or, Palworld est davantage qu’un simple élément permettant de se distinguer individuellement dans un débat. Il est également la dernière saillance d’un système qui rejette peu à peu les possibilités artistiques, culturelles et sociales des jeux pour inscrire ces derniers profondément dans une seule et unique identité d’objet de consommation de masse. Ce faisant, Palworld révèle dans une certaine mesure comment une partie de l’industrie du jeu vidéo conditionne ses propres futures productions à n’être que des produits marchands se dédouanant de toute innovation technique, créative et culturelle. C’est une ultime illustration d’un capitalisme tardif dans lequel l’industrie s’enfonce.

Idées clefs de l’article

  • Palworld n’est que la dernière saillance illustrant la convergence de tendances illustrant l’inscription de certains acteurs de l’industrie, gravitant autour du AAA et du jeu service, dans un capitalisme tardif avancé.
  • Le capitalisme tardif se traduit dans l’industrie du jeu vidéo par la plateformisation des outils de développement dans le but de proposer des expériences peu innovantes dans leur contenu de sorte à limiter les risques pris par les stakeholders.
  • Pour les joueurs et les joueuses, ce capitalisme tardif se traduit par la recherche d’expériences respectant des canevas ludiques typiques plutôt que véritablement novateurs.
  • Plus que Palworld et malgré tout une certaine incertitude sur son développement futur, c’est une victoire commerciale pour Epic et l’Unreal Engine.
  • Palworld illustre le fait qu’il y a une distinction qui s’opère entre l’idée d’un jeu telle qu’elle est médiatisée dans la communication du studio et la communauté joueuse et telle qu’elle se traduit matériellement dans l’expérience. Cette distinction se retrouve dans les stratégies marketing prédatrices de certains autres jeux comme Evertale qui capitalisent leur communication sur des contenus et des intentions artistiques qui sont absentes du jeu.
  • Les « Pokémons with a gun » ne sont finalement qu’une idée davantage partagée dans les discours que véritablement traduite dans l’expérience du jeu qui est, pour le coup, typique d’un jeu de survie en monde ouvert.
  • Les accusations de plagiats et d’usages plausibles d’IA, vérifiées ou non, révèlent davantage un processus de production incompatible avec une certaine idée de l’intégrité professionnelle des game designers. Mieux connaitre comment cette intégrité se cristallise dans les discours sera incontournable pour comprendre les trajectoires futures de l’industrie.

Dans la suite de cet article, plutôt que d’adopter cette problématique par la consommation, c’est donc davantage le système productif des jeux, et particulièrement Palworld, qui sont interrogés. Au-delà des critiques qui peuvent être adressées à Pocket Pair, c’est tout un ensemble de tendances qu’il faut remettre en exergue afin de comprendre finalement ce qui est en train de se jouer avec les Pals, mais en réalité, avec de nombreux jeux AAA et AA.

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Quelques jeux qui ont pavé mon chemin en 2023

Voici l’habituelle heure du bilan pour de nombreux·ses créateurs et créatrices de contenus. Il faut bien reconnaitre qu’il s’agit d’un contenu relativement facile à produire… Faire un top, donner quelques arguments qui auraient pu être générés par une intelligence artificielle et voilà ! Sur les Chroniques Vidéoludiques cependant, j’ai tout de même tenté d’apporter un twist à chaque fois que je me lançais dans cet exercice. Dans le State Of The Heart 2019, j’avais relié chaque jeu évoqué à une tendance sociale : Death Stranding et l’isolement social, Kind Words et la care wave, voilà deux exemples illustrant cela. En 2020, je m’étais amusé avec les « à peu près awards ». Plutôt que de rendre hommage à de véritables catégories qui pourraient légitimer le média (meilleur scénario, meilleure expérience multijoueur, etc.), j’avais opté pour des catégories plus atypiques. Ainsi, l’award du personnage le plus explosif revenait à Bob-Omb dans Super Paper Mario: Origami King. Les animaux avaient également pu être mis à l’honneur avec l’award des plus beaux ours vidéoludiques.

Cette année, je me contenterai de partager quelques notes issues d’un petit projet auto-ethnographique. Depuis 2022, chaque fois que je termine un jeu, je me force à documenter ma pratique en remplissant un questionnaire dans lequel j’indique des données quantitatives (le nombre d’heures passées) et qualitatives. Pour ces dernières, il s’agit alors de noter quelques idées, de sorte à ne pas oublier ce que le jeu m’a évoqué. En quelque sorte, il s’agit d’une prise de notes régulières au cas où cela me serait un jour utile. Les personnes qui me suivent depuis longtemps reconnaitront peut-être ici mon attirance pour la tenue de carnets et autres journaux plus ou moins intimes. Ma pratique du carnet a fait que j’ai quasiment toujours partagé de manière sincère et ouverte mes travaux, mais parfois aussi des problèmes plus personnels. Les Chroniques Vidéoludiques sont un exemple de « journal extime », plus qu’intime. Pour Serge Tisseron, l’extimité définit :

le processus par lequel des fragments du soi intime sont proposés au regard d’autrui afin d’être validés. Il ne s’agit donc pas d’exhibitionnisme. L’exhibitionniste est un cabotin répétitif qui se complaît dans un rituel figé . Au contraire, le désir d’extimité est inséparable du désir de se rencontrer soi-même à travers l’autre et d’une prise de risques. (Tisseron, 2011, 84-85)

Ici, c’est donc en toute extimité que je propose ce recueil d’expériences m’ayant marqué pour cette année 2023. La suite de cet article présente donc 5 jeux que j’ai finis et annotés en me disant qu’il y avait probablement de nombreuses recherches à leur consacrer. Certains textes sont écrits sérieusement, d’autres moins. Les heures inscrites correspondent au moment où le jeu a été fini pour la première fois.

Lisa: The Definitive Edition (Dingaling, 2023, 15 heures jouées)

Le diptyque de Dingaling (Lisa: The Painful, Lisa The Joyful) peut être conceptualisé comme une réflexion sur les masculinités toxiques et les répercussions des violences parentales inscrivant les personnes vivant cela dans un cycle de violence. La notion de cycle de violence est également fondamentale, car les deux jeux articulent ce mouvement perpétuel de sorte que l’audience joueuse en fait l’expérience de deux façons différentes. La première concerne une protection toxique contre le reste du monde tandis que la seconde porte davantage sur l’éradication de toute interaction par le massacre. Indépendamment de ces sujets, les jeux de Dingaling sont étonnamment un miroir du diptyque The Last Of Us.

En effet, les deux récits portent sur des parentalités brisées dans un contexte postapocalyptique entre un père adoptif et sa fille. Les deux pères (Brad et Joël) ont des comportements toxiques à l’égard de leurs filles qui dans la première partie sont toutes les deux, pour des raisons différentes, positionnées comme sauveuse d’un monde en ruine. Les deux pères aboutissent dans les deux cas à l’empêchement de cette mission, ce qui se résout par le massacre de factions considérées alors comme ennemies (les lucioles dans TLOU1 et le gang de Rando dans LTPR). Les deux filles (Ellie et Buddy), dans les opus suivants, partent toutes les deux dans des quêtes vengeresses aboutissant à l’annihilation d’ennemis, répétant ainsi le cycle de la violence. Au-delà de tout cela, le jeu porte également un message sur des questions de santé mentale. The Last Of Us est explicitement cité comme l’une des œuvres ayant inspiré Jorgensen. L’auteur positionne son jeu comme une réflexion sur l’humanité, sur ce que cela signifie d’être humain lorsque rien autour n’a de sens. Par ailleurs, le jeu se retrouve au milieu de controverses entre lectures féministes et oppressives (quelques passages racistes, possible transphobie selon quelques concerné·e·s). Il ne fait nul doute que le jeu ne parvient pas totalement à être explicite dans sa proposition à l’égard de ces sujets.

Diablo IV (Blizzard Entertainments, 2023, 35 heures jouées)

Il faut absolument que j’écrive sur les raisons me poussant à jouer à des jeux évoquant la fin du monde lorsque je fais des épisodes de burnout. Au-delà de cela, l’histoire du jeu est confuse. Les enjeux et les comportements des personnages ne semblent pas particulièrement bien écrits. Cependant, le chara design, la direction artistique et le gameplay comblent pour tout cela. Le jeu est très plaisant à jouer de manière complètement désinvolte, voire en sludge. C’est de la sorte que j’ai revu l’intégral de She-Ra, Nimona et même Se7en : en jouant à Diablo IV, et je ne regrette absolument rien.

Super Mario Bros. Wonder (Nintendo, 2023, 15 heures jouées)

Premier jeu intégralement parcouru avec Hugo, SMBW propose un véritable « buddy mode » avec ses personnages ne pouvant pas mourir. Je ne sais plus qui en parlait de la sorte sur les Internet, mais j’ai véritablement pu le constater aux premières loges. Cela permet véritablement aux enfants en très bas âge (4-5 ans) de pouvoir s’essayer au jeu sans mourir en permanence. Hugo a été capable de finir de nombreux niveaux seul et c’est merveilleux de le voir éclater de rire à cause des animations particulièrement attachantes de chacun des personnages. Clairement son personnage préféré (le yoshi rouge) est également devenu le héros de quelques histoires du soir que je lui raconte avant de dormir : cela constate mine de rien le lien émotionnel fort qui s’est développé. En tant que parent, j’ai été plus qu’heureux de le voir s’émerveiller devant un jeu vidéo. Si par le passé, il avait pu essayer quelques-uns de mes jeux, je pense notamment à Sonic Adventure dans lequel il voulait jouer le robot, c’est vraiment la première fois que je le vois s’amuser véritablement ! Hâte de voir comment il va évoluer dans sa pratique du jeu vidéo !

Petite Update après Noël : le père Noël nous a offert Mario Kart 8 et Hugo adore également le jeu. Il y joue avec toutes les options d’assistance et c’est fantastique. Dorénavant aussi à la maison, je lui fais découvrir des jeux plus anciens de la franchise. Il y a donc d’un côté « LE Mario de Hugo » (Wonder et MK8) et « les jeux Mario de quand papa était petit ». Cela me permet de lui faire découvrir le rétrogaming et donc de commencer sa culture vidéoludique tout en approfondissant la mienne. Comme il aime particulièrement Yoshi, on a lancé Yoshi’s Island sur la console virtuelle de la Switch. Du coup, je vais bientôt le finir pour la première fois.

The Legend of Zelda: Tears Of The Kingdom (Nintendo, 2023, 130 heures jouées)

TOTK arrive à faire passer BOTW pour un « proof of concept ». L’histoire, sublime, est porteuse de véritables émotions. J’ai systématiquement pleuré à chacun des souvenirs. Contrairement à BOTW que j’avais découvert de manière isolée, TOTK surfe sur une vague de surmédiatisation de par ses aspects bacs à sable poussé à l’extrême. Cela étant, contrairement à un studio lambda souhaitant créer le prochain fortnite ou le prochain roblox, Nintendo a davantage eu la démarche inverse : intégrer les éléments de la réussite de Fortnite dans sa franchise Zelda. Les UGC [user generated content, ndlr] sont aujourd’hui un constat de cette réussite tant les utilisateurs et utilisatrices parviennent à faire émerger de nouvelles appropriations qui dépassent très probablement les intentions de l’équipe développeuse.

Baldur’s Gate 3 (Larian Studio, 2023, 180 heures jouées)

BG3 est un jeu remarquable de par la complexité de ses mécaniques (interagissant entre elles) et la multiplicité de ses récits. Il y a tellement de choses à raconter que le jeu mériterait une journée d’étude dédiée. Globalement, c’est beaucoup trop pour un seul commentaire. Il faudrait notamment écrire sur la construction des personnages à partir de traumas d’enfance, les différentes luttes intestines et les façons dont elles font écho à des situations réelles. Par exemple, le conflit entre les druides et les tieffelins dans le premier chapitre est en soi une étude de cas. Mais également, il serait intéressant également de clairement étudier les façons dont le jeu représente les déplacements de populations dus à des guerres et autres querelles. Assurément, tous les sujets sont présents dans BG3 ,de la sexualité contemporaine aux pratiques religieuses jusqu’aux problèmes posés par le système libéral et capitaliste. Peu de choses arrivent à sortir tant il y a à dire. Voilà, c’est le jeu sur lequel il faut organiser un colloque sur l’année qui vient.

Mention Spéciale

Endless Monday: Dreams and Deadlines (hcnone, 2023, 5 heures jouées)

Jeu absolument incroyable ! Il peut nécessiter une petite aide externe pour résoudre certains passages, mais globalement, c’est un banger absolu. Relativement court (environ 3h) il m’a suffi de rajouter une petite heure pour atteindre la meilleure des fins et boudiou qu’elle valait le coup ! J’ai joué au jeu dans une période particulièrement tendue professionnellement parlant (entre emploi salarié et fin de thèse). Voir les problèmes professionnels des personnages du jeu m’a également permis de gérer les miens et d’envisager la suite. Dans l’une des fins, la personnage principale se fait licencier et décide de monter sa propre entreprise, à défaut que cela soit exactement ma propre situation, cela permet malgré tout de se projeter dans un futur peut-être un peu plus souhaitable.

Par ailleurs, étonnamment, le jeu propose une critique assez acerbe des IA génératives, ce qui est particulièrement bienvenu et nécessaire dans une période où la doxa est plutôt optimiste (pour des arguments tout à fait légitimes) voire évangéliste (lorsqu’il n’y a plus aucune prise de recul).

Petit récit de recherche sur Beyond Good & Evil

Novembre est un mois spécial car c’est celui de la sortie de Beyond Good And Evil. Ce jeu est sorti quand j’avais 13 ans et il ne m’a jamais quitté depuis. Petit récit de recherche.

C’est ce jeu qui a nourri ma recherche d’expériences vidéoludiques parlant de thèmes comme l’empathie, la compréhension interculturelle, la biodiversité mais que disent les MediaStudies qui lui ont été consacrées ? 📚

🔎 * Jade, incarnation racisée de la Tomboy *
Contrairement à l’hypersexualisation de Lara Croft, Jade est présentée comme une tomboy, c’est à dire une femme dont les comportements ou les traits caractéristiques subvertissent les expectations de genres. Cela peut passer par un look androgyne, des comportements ou encore un vocabulaire qui se distinguent des représentations hypergenrées.

🔎 * Une complexité de dilemmes moraux *
Les jeux vidéo sont des espaces dans lesquels les joueurs et joueuses peuvent explorer en sécurité des dilemmes et des discours moraux. BG&E en est un exemple remarquable. Mary Flanagan et Helen Nissenbaum observent que le jeu ne présente pas un ennemi clairement défini dans le sens où le « camp du mal », rhétorique typique en temps de guerre, n’est pas clairement abordé de manière simpliste. A travers l’évolution de son récit, le jeu révèle une complexité et un soucis du détail révélant comment des systèmes deviennent « maléfiques » (pour reprendre Hannah Arendt) sans s’en rendre compte.

🔎 * La non-violence comme gameplay et comme structure de jeu *
Si BG&E propose des séquences de combats, ce n’est pas pour autant qu’il met l’emphase dessus. Son gameplay et son récit se déploie autour de l’identité de journaliste photographe de Jade. Tout un gameplay a été développé de sorte à récompenser les audiences à partir de la prise de photos. Cela se formalise par des interactions « meaningful », des éléments de récits, des situations humoristiques, etc. L’une des forces du jeu, c’est de ludiciser (c’est-à-dire rendre ludique) des comportements quotidiens empathiques, sensibles et finalement, profondément humain.

Voilà ! C’est la première fois que je fais un billet très « linkedin-core », c’est d’ailleurs là-bas qu’il a été publié pour la première fois aujourd’hui. J’espère que sa lecture vous aura plu et que cette petite synthèse vous intriguera pour ce qui concerne les jeux vidéo comme des expériences émotionnelles fortes. N’hésitez pas à me dire si vous souhaiteriez découvrir régulièrement ce genre de petite synthèse.

esteban grine, 2023.

🔺 Pour en savoir plus :
📔 Cordaro, D. (2007). The rhetoric of oppositional gender: Beyond Good and Evil as perspective by incongruity.
📔Flanagan, M., & Nissenbaum, H. (2014). Values at play in digital games. MIT Press.
📔Wilde, P. (2022). Beyond Good and Evil… and Gender and Humanism?: Exploring Jade as a Posthuman Protagonist. Reclaiming the Tomboy: The Body, Representation, and Identity, 187-208.

D’un besoin de comprendre quelques jeux vidéo à la proposition d’une ludologie socio-constructiviste : sentier et défense d’une (petite) thèse de doctorat

Tout d’abord, avant de véritablement commencer cet ultime exercice dans la trajectoire d’un doctorant, permettez-moi de saluer formellement chacun et chacune des membres du jury et de les remercier une nouvelle fois. Merci à madame Bonenfant et monsieur Gheeraert d’avoir accepté le rôle de prérapporteuse et prérapporteur. Merci à madame Monnier et monsieur Dozo pour vos rôles d’examinatrice et examinateur et enfin, merci à monsieur Genvo qui m’a accompagné durant toutes ces années de recherches.

Je remercie également les personnes présentes dans l’assistance qui sont venues me soutenir durant ces quelques heures que nous allons passer ensemble. Non sans humour, cela me conforte dans l’hypothèse que ce travail doctoral ne fut possible que par le soutien d’un réseau d’actants dont un échantillon, certes non représentatif, mais présent dans mes remerciements, se trouve ici.

Cet ici et maintenant est une occasion privilégiée pour un jeune chercheur, mais également un exercice complexe puisqu’il doit à la fois présenter son travail scientifique, mais également son cheminement en tant qu’humain acteur de sa recherche. À titre personnel, ce qui enclencha la préparation de cette soutenance, c’est une remarque de mon fils. Il venait me voir avec son nouveau carnet, un petit agenda offert par sa grand-mère et s’exclama alors en regardant mon manuscrit : « ah bah moi, j’ai un petit carnet et toi papa, ton carnet, il est très grand ! »

Cette exclamation me rappela un de mes articles : « ma thèse, c’est mon blog ! ». Je soutenais alors qu’une production scientifique à l’instar de cette soutenance peut, dans une certaine mesure, également être identifiée comme un document biographique. C’est pourquoi ma responsabilité aujourd’hui est donc de présenter comment, de questions quotidiennes, je suis venu à formuler des questions scientifiques nécessitant la construction d’un appareil théorique suffisamment flexible pour être diffusés, pour enfin aboutir à des méthodologies d’analyse qui ambitionnent d’être réappropriées dans le quotidien de futurs chercheurs et chercheuses, dans les milieux académiques et industriels.

Pour citer cet article :
Giner, E., (2023). D’un besoin de comprendre quelques jeux vidéo à la proposition d’une ludologie socio-constructiviste : sentier et défense d’une (petite) thèse de doctorat. Communication donnée à la soutenance de thèse d’Esteban Giner. Metz, Université, le 13 novembre.

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En attendant les robots joueurs.

There’s a bear down there. I almost went down without looking. Hello Mr bear, how did you get here and what do you eat to survive ? Give me answers! Silly me, bears don’t talk but Stones do. (Self-Aware Lara Croft, 2023, épîsode 1)

Self Aware Lara Croft, épisode 1 (FoxMaster, 2023)

Depuis août 2023, une série de vidéos publiées régulièrement sur YouTube expérimente les usages des intelligences artificielles dans les façons de mettre en récit, en fiction, le fait même “de jouer”. Cette série, nommée “Self Aware Lara Croft Plays Tomb Raider”, propose déjà un peu moins d’une dizaine d’épisodes narrant le playthrough, c’est-à-dire la session jouée, d’une IA incarnant Lara Croft. Cela semble être le premier fait d’armes de son auteur, FoxMaster, au-delà de sa communauté. Ce qui est passionnant avec cette série, c’est qu’elle renégocie l’intérêt des IA et leur pertinence dans le divertissement. C’est pourquoi aujourd’hui il en est question. Nous avons là un premier exemple de contenus dont la création vient ouvrir un tout nouveau champ de possibles pour la fiction et ce, sans objectif de remplacer l’humain dont le contexte de sa production. Il s’agit potentiellement d’une toute nouvelle forme de régime d’expérience pour le jeu vidéo qui va au-delà de la consommation de contenu diffusé par d’autres joueurs et joueuses. En somme, l’expérimentation donne vue sur un futur plausible et même engageant pour les jeux vidéo, car cela ne vient pas remplacer, mais bien s’ajouter à tout le reste : c’est une nouvelle richesse qu’il convient alors de documenter de manière critique.

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Aujourd’hui, j’ai déposé ma thèse. Ou peut-être hier, je ne sais pas.

Aujourd’hui, j’ai déposé ma thèse. J’avais pourtant prévu de jouer à Baldur’s Gate 3 dès le réveil et pourtant, j’ai déposé ma thèse.

Une erreur de click. Ou encore, j’ai simplement vrillé. Au lieu de lancer le jeu, j’ai ouvert le document « 2023.09.01. MANUSCRIT ESTEBANGINER – Gold Edition Version Finale 14 – Sans Commentaire – FR – avec Résumé FR et Ang – relecture SG Validée Ultimate Edition ».

Que voulez-vous, on croit passer une bonne journée, qui s’annonce pleine de jeu vidéo, et non. En réalité, j’ai passé cette journée à faire une ultime relecture, vérifier les dernières virgules, checker les caveat suprêmes; corriger les citations définitives, exporter la version finale, voir une nouvelle faute ou un nouvel oubli et recommencer.

Il est 21h23, c’est la troisième fois que je dépose le document.

A 21h30, je dormirai probablement.

« Quelle aventure. Quelle aventure » pourrait s’exclamer le capitaine Haddock.

« Mais enfin capitaine, ce n’est que la PREMIERE thèse » pourrait répondre Tintin. « Et l’HDR ? Et les Livres ? Et la Qualif’ ? »

« Et qu’en est-il du second petit-déjeuner ? » couperait enfin Pippin, posant ultimement les seules questions qui comptent.

Aujourd’hui, ma thèse est déposée. Ou peut-être hier, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que je suis plus qu’heureux de ces 650 pages. Cela ne signifie pas encore que je vais soutenir, mais je suis heureux de pouvoir dire qu’elle a été remise en bonne et due forme. J’ai hâte de lire les retours de mon jury. J’ai hâte de tout ce qui va suivre, positif ou négatif. Je suis juste impatient pour ce qui vient. De retrouver mes projets laissés de côté à cause de la rédaction (dont ce carnet de recherches) et des futurs livres, vidéos, etc. j’ai bien quelques idées…

Merci infiniment à toutes les personnes qui m’ont suivi pendant toutes ces années. 8 ans de ma vie passée à l’étude des jeux vidéo. D’abord sous la forme d’une chaine YouTube, puis d’un blog et enfin un projet doctoral. 8 années passées à se construire en tant que chercheur et en tant qu’être humain, le quart d’une vie à l’instant présent. 8 révolutions calendaires à avoir la chance merveilleuse d’être entouré par tant de personnes fantastiques. 7 ans véritablement passés dans le milieu académique. Je n’ai pas pleuré en déposant ma thèse. Mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir les larmes aux yeux en écrivant ces lignes. Je réalise tout le chemin parcouru, chemin qui s’est fait assurément en marchant.

esteban grine, 2023.