Et bien salut à toi Pier-re. A l’heure à laquelle je te parle, on est le 24 juillet 2020 et en fait, c’est très compliqué, le temps de remettre un peu les choses en forme, nous sommes maintenant le 2 août – mélange infini des temporalités.
C’est étrange parce que pendant toute cette saison, tu m’as adressé des messages vocaux au début et à la fin. De mon côté, c’est très paradoxal parce qu’au moment où tu vas voir ces mots rédigés, moi, je les aurais prononcés à travers un transcripteur et je m’amuse à penser que pendant que, toi, tu vas lire ces mots – peut-être tu t’imagineras ma voix en train de te parler – il y aura en réalité toute une remédiation complexe en réalité derrière ce texte.
Death Stranding est merveilleux, le plus beau jeu auquel j’ai joué cette année. Cependant, plus que le jeu en lui-même, en fait, c’est vraiment nos propos, nos paroles, qui me rendent heureux au moment où je t’écris, au moment où je te parle. J’ai eu beaucoup de plaisir à réécouter les épisodes de cette saison. C’était un peu étrange de s’entendre. Une sorte de dissonance cognitive que j’ai vécue pendant toutes ces vidéos.
C’était comme si deux étrangers communiquaient des propos que j’aurais pu tenir, mais sans avoir l’impression d’y avoir participer. Ce sont un peu ces émotions que j’ai eues à chaque épisode. Je me disais à chaque fois : « voilà, ils disent des choses avec lesquelles je suis d’accord. Ces personnes racontent des choses intéressantes et j’aurais bien aimé les penser moi-même ».
C’était très plaisant de discuter avec toi. Cela faisait tellement longtemps déjà que que toi et moi, on échangeait pour qu’on aille se faire plein de projets ensemble. Je ne vais pas mentir à qui que ce soit qui lira ce message. Clairement, je ne suis ni l’instigateur ni le créateur ni la personne qui est fondamentalement à l’origine de ce projet en tout le mérite, vraiment, te revient. Et je suis très heureux en fait, merci sincèrement car sans toi, cela n’existerait pas.
C’était une brève lettre que je voulais l’adresser afin de te partager le bonheur que j’ai eu à réécouter et à découvrir des propos qui me semblent à la fois être les miens, les tiens et ceux de deux parfaits inconnus.
Shigesato Itoi : Après tout, on pourrait même dire que j’ai seulement ajouté les lignes drôles et ridicules dans l’ensemble pour pouvoir y inclure une ligne déchirante. Il ne s’agit pas seulement des scénarios ou de choses comme l’effaceur de crayons[1] ; j’ai vraiment senti qu’il fallait ajouter une touche de « crève-coeur », même s’il s’agissait de simples lignes dites par des personnages voisins. Satoru Iwata : Sinon, ce ne serait pas MOTHER. (Itoi, Iwata, 2011, notre traduction[2])
Cet échange est extrait d’une discussion entre Shigesato Itoi, le créateur de la trilogie MOTHER et Satoru Iwata, ancien président directeur général de Nintendo de 2002 à 2015. Il fut publié dans le journal Brutus et traduit en anglais pour le site internet earthboundcentral.com. Si j’ai choisi de commencer cet article par cet échange, ce n’est pas par une véritable intention de contenir une vérité résumant l’intégralité de mon travail de thèse. Pourtant, il semble contenir les paradoxes que j’ai souhaité explorer dans mon travail de recherche.
Ce billet est une version pour internet d’une section de mon manuscrit de thèse que je prépublie. Cet article est soumis au droit d’auteur comme l’intégralité de ce blog. Pour citer cet article, merci d’utiliser la citation suivante : Grine., E., (2020).Le paradoxe discursif des jeux vidéo. Les Chroniques Vidéoludiques [Prépublication du manuscrit de thèse].
Au démarrage de mon travail de thèse, le corpus portait en réalité sur les expressive games, des jeux qui selon Sébastien Genvo « [exprimeraient] une problématique sociale, psychologique, etc. et qui permettrait conjointement au joueur de s’exprimer sur celle-ci » et qui nécessitent « de prendre en compte que l’expressivité provient à la fois des procédures induites par la structure du jeu et des actions menées par le joueur » (Genvo, 2012:129[3]).
En effet, j’ai toujours été intéressé par l’étude des discours que les jeux vidéo peuvent susciter, partager ou contribuer à construire. Les jeux expressifs semblaient alors être un corpus de choix quand on sait que ses parangons touchent des problématiques à la fois populaires et personnelles. Genvo, pour illustrer ses propos, s’inscrit dans une démarche de recherche-création et son travail à propos des jeux expressifs fait aussi références à deux jeux qu’il a réalisé en équipe ou seul : Keys Of A Gamespace (2011) et Lie In My Heart (2019). Pour leur auteur, ces jeux sont représentatifs des jeux expressifs car ils proposent, par leurs expériences, des « morales non moralisantes » (Genvo, 2018). Par ailleurs, sans être autobiographiques (Genvo en tant que game designer sans défendait), ces jeux portent sur des problématiques et des sujets particulièrement douloureux : le premier évoque la pédophilie dans son intrigue et le second aborde le suicide.
Au fil de mes pérégrinations académiques, ma perception de l’expressivité évolua, notamment à cause des interprétations que je pouvais développer à propos notamment d’Undertale (Toby Fox, 2015), que j’assimilais au début de mon travail de thèse en 2016 aux jeux expressifs et qui déclencha ce cursus académique. Dans Undertale, un jeu de rôle aux abords typiques[4], l’audience a systématiquement l’opportunité d’éviter les conflits et la violence par le dialogue. Autrement dit, l’audience a le choix entre comportements violents et non-violents. Ce détournement du game (c’est-à-dire de sa structure, Barnabé, 2019) par rapport au genre dans lequel le jeu s’inscrit fut une revendication claire et marquée par son auteur. Le slogan de sa publicité incarnait cette prise de position pacifiste : the friendly rpg where nobody has to die. Pourtant, si Undertale laisse son audience expérimenter plusieurs comportements et dilemmes moraux, donc aux semblants expressifs, le jeu semblait se montrer paradoxalement particulièrement persuasif pour soutenir un discours pacifiste. Autrement dit, le jeu m’apparaissait alors comme un persuasive game. C’est-à-dire un jeu qui, selon Ian Bogost, fait un usage particulier d’une forme de rhétorique propre aux jeux vidéo : la rhétorique procédurale qu’il définit brièvement de la façon suivante :
« La rhétorique procédurale est donc une pratique qui consiste à utiliser des processus de manière persuasive. Plus précisément, la rhétorique procédurale est la pratique consistant à persuader par des processus en général et des processus informatiques en particulier ». (Bogost, 2007:16, ma traduction[5])
C’est ce paradoxe qui pendant longtemps bloqua le choix de mon corpus : je n’arrivais tout simplement pas à m’arrêter sur un ensemble tant les jeux auxquels je jouais semblaient correspondre à la fois et plus ou moins métaphoriquement aux jeux expressifs tout en étant pourtant particulièrement persuasifs à propos de leurs morales. Par exemple, j’ai notamment souhaité intégrer des jeux AAA comme la série Uncharted (Naughty Dog, 2007-2017), Death Stranding (Kojima Productions, 2019) ou encore des productions dites indépendantes comme VA11 Hall-A (Sukeban Games, 2016). Cependant, j’ai décidé de revenir aux jeux qui ont fondé mes interrogations à propos du paradoxe qui m’animais : les mothertales.
Mothertales est un nom affectif que j’ai attribué aux jeux vidéo de la série Mother (Itoi, 1989 – 2006), Undertale (Fox, 205) et Deltarune (Fox, 2018). Par extension, cela me permet de faire aussi référence à tous les jeux qui en découlent, que cela soit des hacks, des jeux qui s’en inspirent, des fangames ou des univers alternatifs. J’aurais l’occasion d’élaborer plus longuement la présentation de ce corpus et de la notion que je mobilise pour le nommer.
Ces interrogations m’étaient récurrentes dans mon travail car dans la conception que j’ai des jeux vidéo, ces derniers sont à la fois discours et le support d’un discours. Pour reprendre la citation de Marshall McLuan : « le message, c’est le medium » (1968). Stéphanie Kunert pointait le paradoxe des catégories de discours car selon elles, celles-ci sont d’abord les résultats d’un ensemble de postulats établis au préalable par la personne les étudiant (2013). Selon elle, chaque discours réactualise aussi le ou les genres de discours dans lesquels nous serions susceptibles de les inscrire et ce, tout en s’inscrivant aussi dans une forme de convergence ou d’intrication avec des discours issus d’autres genres discursifs , d’autres sphères discursives. Dans sa conclusion, elle formule ce qui devint dans mon travail récurrent (et ce, sans connaitre encore son travail) :
[Ce paradoxe] nous amène à réviser la métaphore heuristique des « sphères discursives» […] pour penser le discours non pas comme partie d’une sphère, mais comme les fils constituants d’une vaste trame ou un continuum (les fils discursifs faisant plus que s’entretisser, ils sont constitutifs les uns des autres). (Kunert, 2013 : 109)
Ainsi donc, ce paradoxe discursif, qui fonde cette recherche, est incarné par une simultanéité des caractères expressifs et persuasifs au sein même de la discursivité des jeux vidéo qui ont nourri ce travail de thèse. Même si les persuasive games et les expressive games n’ont pas pour vocation d’être des catégories exclusives, je considère que leurs mises en perspective rendent fécond une réflexion plus générale sur les discursivités vidéoludiques, c’est-à-dire les caractéristiques des jeux vidéo à pouvoir être les supports de discours qui seraient co-construit par le studio et l’audience et ce, de manière intermédiée par l’objet, le jeu.
Le paradoxe est d’autant plus intriguant que les catégorisations elles-mêmes sont sujettes aux façons dont les jeux vidéo modifient nos perceptions de ces catégories. C’est donc ce paradoxe que j’explore à travers la problématique centrale de mon travail de recherche : le play design des discours vidéoludiques.
[2] ITOI: After all, you could even say I only added the funny and ridiculous lines into the mix so that I could include one heartrending line with them. It’s more than just the scenarios or the things like the Octopus Eraser; I really felt there needed to be dash of “heartbreak” mixed in, even if it just happened to be in simple lines said by side characters.
IWATA: It wouldn’t be MOTHER otherwise.
[3] Genvo, S. (2012). Comprendre et développer le potentiel expressif, Understanding and developing the expressive potential. Hermès, La Revue, 62, 127‑133.
[4] Mais qui est aussi analysé comme un détournement du genre du Role-Playing Game (Barnabé, 2016)
[5] Texte original : « Procedural rhetoric, then, is a practice of using processes persuasively. More specifically, procedural rhetoric is the practice of persuading through processes in general and computational processes in particular. » (Bogost 2007:16)
Barnabé, F. (2019). Video Game Détournement : Playing Across Media. DiGRA Journal. https://orbi.uliege.be/handle/2268/238906 Bogost, I. (2007). Persuasive Games : The Expressive Power of Videogames. The MIT Press.
Genvo, S. (2012). Comprendre et développer le potentiel expressif, Understanding and developing the expressive potential. Hermès, La Revue, 62, 127‑133.
Genvo, S. (2018). Du game design au play design : Èthos et médiation ludique. 14.
Kunert, S. (2013). Le paradoxe de la catégorisation discursive. Le cas de la co-construction des discours publicitaires et antipub. Cahiers de recherche sociologique, 54, 95‑111. https://doi.org/10.7202/1025994ar
McLuhan, M. (1968). Pour comprendre les média—Les prolongements technologiques de l’homme. Mame / Seuil.
Tu seras un gamer féministe car dans le contexte dans lequel on vit, il est important de toujours inclure le plus grand nombre. Dans le contexte dans lequel on vit, il est toujours important d’éprouver de la sympathie et de l’empathie pour toutes les personnes que tu vas rencontrer dans ta vie.
Tu seras un gamer féministe ou un allié parce que dans une époque où le racisme, la misogynie et toutes les formes d’oppressions deviennent de plus en plus visibles, il est important que des oppositions existent et qui promeuvent des messages d’amour et de paix.
J’ai essayé de t’écrire cette lettre depuis des mois, je n’ai jamais les mots pour exprimer ce que j’ai envie de te partager. Cependant je n’arrête pas d’y penser. Tu seras un gamer féministe mon fils.
J’essayais de m’imaginer ce que pourrait être une éducation féministe aux jeux vidéo, je me suis demandé par quel jeu j’allais te faire commencer, te faire découvrir ma passion, mon travail et mes recherches. Maintes et maintes fois, je me suis dit que plutôt que de te faire jouer à des jeux récents. J’avais envie de te faire commencer comme moi par Super Mario.
Ces dernières semaines à mon travail, il y a de grands changements qui sont en train de se produire. Parce que ce n’étaient pas des gamers féministes. Le contexte dans lequel j’évolue à savoir le milieu du jeu vidéo est toxique pour les femmes, les LGBTQIAA+ et les personnes de couleurs, les BIPOC.
Tu seras un gamer féministe mon fils parce qu’il est important d’éprouver de l’empathie pour ces personnes et pour tout le monde en général bien sûr. Tu privilégieras les expériences qui promeuvent l’amour de son prochain plutôt que la haine.
Sache que ton père n’est pas féministe. C’est un allié et probablement un mauvais. Ton père profite d’un système qui plus généralement permet à de nombreux hommes de se positionner de manière avantageuse dans la société. Ton père profite d’un certain nombre de privilèges, ça ne veut pas dire qu’il fait partie des plus riches ou qu’il est tout simplement mieux situé socialement qu’une autre personne mais il profite de privilèges qui lui rendent la vie plus facile parce que c’est un homme blanc cisgenre.
Est-ce que ton père est une mauvaise personne pour cela ? Peut-être, je ne sais pas, ce n’est pas à moi d’en juger. Ce qui est important ici n’est pas d’être une bonne personne ou d’une mauvaise personne. Ce qui est important, c’est de savoir où toi tu te positionneras dans un système qui privilégie certaines personnes plutôt que d’autres. Où te positionneras-tu dans un système oppressifs dont tu hériteras, toi et ta génération ?
Quand je te regarde en train de sourire à agiter ton chapeau ou tes jouets. Je me pose ces questions : quelle personne seras-tu plus tard mon fils ? Aux alentours de tes 10 ans, est-ce que tu vas commencer à rencontrer des personnes sur Internet qui vont te dire que les femmes profitent des hommes ? Qu’il y a certaines entreprises qui poussent un agenda politique au profit des personnes de couleur ou des femmes ou des LGBT et que c’est une mauvaise chose ? Est-ce que tu vas discuter avec des personnes qui expliquent pourquoi certains groupes d’humains sont mauvais simplement à cause de quelques caractéristiques physiologiques ?
Ce sont des questions qui m’animent tous les jours, que je me pose tout le temps et qui me hante la nuit.
Est-ce que je vais être capable de discerner quand tu discuteras avec des personnes qui te partagent des idées qui ne permettent pas à l’empathie de s’épanouir ? Est-ce que je vais être capable de déconstruire certains a priori que tu pourras avoir plus tard quand tu seras grand ou pas, quand tu seras adolescent ? voilà d’autres questions que je me pose sans cesse.
J’aimerais que tu sois un gamer féministe mon fils. J’aimerais que tu commences à jouer à des jeux vidéo comme moi, j’ai pu le faire. Puis suivre des étapes qui te permettront personnellement d’entamer un lent processus de déconstruction. J’aimerais que tu puisses jouer à Call of Duty, à Mario à Zelda sans savoir pourquoi ces jeux diffusent des idées parfois toxiques ou oppressives. J’aimerais que tu joues par la suite à des jeux comme Beyond Good and Evil qui mettent en avant des femmes fortes et qui soutiennent des causes écologiques, féministes est définitivement progressistes. J’aimerais que tu joues à des jeux indépendants comme Undertale qui permettent de représenter des situations de vie parfois compliquées, complexes, et qui vont te proposer des dilemmes éthiques et moraux pour lesquels tu n’auras pas forcément de réponse immédiate. J’aimerais que tu joues à des triple A qui permettent de s’évader, de ne pas réfléchir, de profiter d’une expérience confortable, de marcher, de prendre des photos, etc.
Tu seras un gamer féministe mon fils mais comme ton père, tu seras peut-être lent dans cette déconstruction et tu feras peut-être des erreurs. Sache que ce n’est pas grave, que la déconstruction est une marche et non pas une course.
Au moment où j’écris ces lignes. Tu es devant moi. Toujours en train de jouer avec ton chapeau et tu as encore du mal à tenir du debout sans mon aide. Tu regardes les fourmis, l’herbe séchée. Tu prends dans tes mains un jouet. Tu me souris. tous ces problèmes sont bien éloignés.
Je passe beaucoup de temps à étudier ta génération mon fils, c’est mon travail. Il faut savoir que ta génération sera la plus diverse jamais connue. Tu auras avec toi pour camarades des personnes de tous les genres, de toutes les orientations sexuelles et de toutes les couleurs de peau. Toi même, tu seras concerné.
La génération de ton père n’est pas comme ça. la génération de tes grands-parents encore moins et ne parlons même pas de la génération de tes arrières grands-parents.
Tu seras un gamer féministe mon fils. Parce que toute ta vie, il faudra que tu te poses une seule et unique question. Comment se situer dans ce système de valeurs, de normes, de règles et de lois ? Comment en tant qu’individu unique, je me situe par rapport à certaines idées, à certaines idéologies ?
Toutes ces questions, Ce sera à toi d’y répondre. Mon travail de parent sera uniquement de te proposer quelques axes, quelques éléments de discussion. Au cours de ta vie, tu vas rencontrer de nombreuses personnes. qui partageront des opinions diverses parfois contradictoires parfois antinomiques et ces personnes aussi auront une influence sur tes opinions, tes idées et tes croyances.
Parfois, tu seras amené à travailler pour des entreprises dans lesquelles se produisent des choses horribles, parce que c’est un système entier qui les a rendues possibles, qui les a entretenues.
La question ne changera pas. Comment toi, mon fils, te situeras-tu dans ce système et par rapport à ce système ?
Je n’ai pas de bonne réponse maintenant. Peut-être que je n’en aurai jamais. Je peux seulement avoir des réponses pour moi. Et te les partager au moment où tu grandiras.
Tu seras un gamer féministe mon fils, parce qu’un jour, ta sœur, ta camarade, tes amies voudront jouer avec ou sans toi à des jeux vidéo.
Tu seras un gamer féministe car jamais tu ne seras coupable d’un système que les générations précédentes ont maintenu.
Tu seras un gamer féministe car toujours, tu seras responsable de tes choix dans ce système. ■
The Last Of Us Part 2 (2020) est un jeu qui a été présenté par son studio, Naughty Dog, comme une expérience qui interroge son audience sur ses principes moraux et éthiques. Sur la boîte du jeu, en guise de 4ème de couverture, il est écrit : « remettez en cause vos notions du bien et du mal en vivant les conflits moraux que vous impose la quête de vengeance d’Ellie ». Non, The Last Of Us Part 2 (abrégé TLOU2 par la suite) n’est rien de tout cela.
Attention, spoils mineurs dans l’article.
Ceci est un mensonge, car en 2020, cinq années après la sortie d’Undertale (Toby Fox, 2015) et presque quinze années après le premier opus de la série Mass Effect (BioWare, 2007), il faut bien plus qu’un récit narrant une énième vengeance pour interroger la morale et l’éthique des joueurs et joueuses. Il faut laisser l’audience faire des choix et non pas leur imposer une solution aboutissant à des violences si réalistes qu’à titre personnel, plusieurs fois le jeu a déclenché mes trigger warnings m’obligeant alors à poser la manette pour m’aérer. En 2020, il faut pouvoir proposer plusieurs fins voire plusieurs routes à la façon d’Undertale pour pouvoir prétendre interroger la morale de la personne qui joue. TLOU2 ne fait pas ça. TLOU2 impose un récit violent complètement dépassé par les tendances actuelles en termes de game design et de récit en général. Aucune question ne trouve de réponse étant donné qu’à aucun moment, le jeu ne prend le temps de poser ces questions.
Non, après 25 heures de jeu, la seule et unique question que m’a posé TLOU2, le seul dilemme que j’ai vécu au cours de ces longues et pénibles heures est : « le récit mérite-t-il de sacrifier son bien-être afin de voir la fin du jeu ? ».
La réponse est un non affirmatif et surtout définitif. Peut-être que la vengeance d’Ellie aurait été pertinente dans un cadre cinématographique et sur une durée typique d’un long-métrage. Tout comme Undertale ou même Death Stranding, le message de TLOU2, à savoir « la violence, c’est mal », est profondément simpliste. Avons-nous besoin d’avoir ce message martelé pendant 25 heures ? Probablement pas. Avons-nous besoin de voir le meurtre d’une femme enceinte ? Non plus. Faut-il montrer un génocide à l’écran ? Encore moins. Faut-il montrer à quel point la quête de vengeance d’Ellie est destructrice pour elle et pour les autres ? Peut-être, mais pas de cette façon. Par exemple, il aurait été plus intéressant de faire l’expérience de cette vengeance en incarnant Dina : «dois-je ou non accompagner Ellie ? Dois-je ou non la soutenir dans cette violence ?». Le jeu ne décolle déjà véritablement que lorsque nous incarnons Abby, d’abord présentée comme antagoniste, mais dont l’humanité transcende TLOU2 au cours de la dizaine d’heures à l’incarner.
The Last Of Us Part 2 est une formidable goutte d’eau dans la mer. Techniquement irréprochable, le jeu se complet dans son réalisme. Il accompagne désormais toute une série de regrets sur les choix qui ont été faits. Car le cœur du problème se trouve fondamentalement là : le jeu est particulièrement explicite sur le fait qu’il représente exactement les intentions du studio. En ce sens, le jeu est une réussite totale. Cependant, il m’est difficile de ne pas lâcher un : « Ok boomer, pas besoin de venir nous expliquer ce que l’on sait déjà mieux que toi ».
Le pire dans tout cela, c’est que le jeu se donne un éthos progressiste, notamment par la diversité de représentations de son cast. Or, le discours de TLOU2, « la violence, c’est mal », est quand même fondamentalement consensuel. Il n’y a aucun risque pris sur le fait d’interroger la violence de cette façon. Et surtout, cela ne pardonne pas le jeu de ruiner son « progressisme » dans une séquence de fin avec des propos lesbophobes. La plus belle séquence, celle qui avait émerveillé de nombreux commentateurs et commentatrices : la séquence du baiser entre Ellie et Dina lors d’une fête, cette séquence est ruiné car Naughty Dog a cru bon de (1) la mettre à la fin du jeu, une fois que l’audience est complètement épuisée mentalement, et (2) d’instrumentaliser ce baiser pour lâcher une insulte lesbophobe pour ensuite recentrer le récit sur la rélation entre Ellie et Joël.
Tellement fier de lui, TLOU2 ne remarque pas l’ironie de son récit qui reprend intégralement les thèmes d’Electre et d’Antigone (notamment la version D’Anouilh). Tellement fier de lui, TLOU2 ne remarque pas que son épilogue singe complètement celui de Red Dead Redemption 2 avec un setting (une ferme ou un ranch) et des péripéties relativement similaires (Sadie Adler et Tommy qui viennent informer notre avatar de la position de « l’ennemi à abattre »). Tellement fier de lui, TLOU2 ne remarque pas qu’il saborde son propre bateau en ne proposant aucune progression, aucun développement à son personnage principal. Tellement fier de lui, TLOU2 ne comprend pas que sa vision de l’être humain est profondément fausse et débunkée depuis longtemps. Tellement fier de lui, TLOU2 fanfaronne avec sa morosité, là où on a tellement besoin de hope punk et au solar punk. Ok TLOU2, je n’ai jamais eu besoin de toi pour comprendre tout ce que tu évoques. Je suis tellement dépité par ce jeu qu’au début, je comptais rédiger une véritable critique pour finalement n’arriver qu’à un texte à charge. Je n’ai pas la force de défendre des éléments ici et là d’un jeu dont la violence dessert le propos (sur la violence, quelle ironie).
Il y a bien des moments où le jeu devient merveilleux : les flashbacks, le tiers du jeu avec Abby. Cependant, à chaque début d’envolée poétique, lyrique et esthétique, le jeu nous rappelle à la violence, à son gameplay qui ravira les fans d’armements. C’est là tout mon problème finalement, j’aurai aimé faire l’expérience de ce que c’est que de vivre dans ce monde, à Jackson en suivant Ellie ou a Seattle en suivant Abby. J’aurai aimé que The Last Of Us Part 2 soit un imaginaire d’une vie post-apocalyptique. Il n’est qu’une vision arriérée et pessimiste de l’être humain. ■
La rédaction d’une thèse est un exercice complexe qui nécessite à la fois rigueur, méthode et sincérité. Ce postulat explique mon choix d’écrire à la première personne dans le cadre de ma recherche doctorale. Ce choix peut s’expliquer dans un premier temps par la volonté d’aligner mon positionnement épistémologique, le socio-constructivisme pragmatique, à mon écrit. En effet, un paradigme épistémologique met en perspective trois problématiques. Marie-José Avenier, citant Le Moigne (1995) énonce :
le questionnement épistémologique s’articule autour de trois questions, à savoir : la question gnoséologique, qui traite de la nature de la connaissance ; la question méthodologique, qui traite de la constitution des connaissances ; et la question éthique qui traite de la valeur ou de la validité des connaissances. (Avenier 2011:376)
L’emploi de la première personne du singulier est pour moi un outil me permettant de prendre en compte ces trois questions et ce, dans l’optique de proposer une production scientifique pertinente dans un cadre particulier qu’est celui de la production d’une thèse : les connaissances et théories proposées s’inscrivent alors dans un courant de pensée assumé qui n’a pas pour objectif de prétendre à une quelconque perfection.
Ce billet est une version pour internet d’une section de mon manuscrit de thèse que je prépublie. Cet article est soumis au droit d’auteur comme l’intégralité de ce blog. Pour citer cet article, merci d’utiliser la citation suivante : Grine., E., (2020) .L’emploi du je dans la thèse. Les Chroniques Vidéoludiques.
Dans un compte-rendu de l’ouvrage Écrire les Sciences Sociales de Howard Becker (2004), Samuel Lézé énonce : « écrire, c’est penser par version » (2005 : 215). Cette lapalissade est observable dans ma pratique de recherches qui repose en grande partie sur l’entretien d’un carnet de recherches (que je détaille dans la partie suivante). Par ailleurs, le « je » circonscrit mes propos : même si j’aspire à la rigueur d’une méthodologie scientifique, je ne prétends ni proposer des travaux visant une objectivité ni porter la parole d’autrui et ce même si j’avais effectué un terrain sociologique ou anthropologique. Au contraire, l’usage du « je » s’inscrit dans non pas dans la neutralité axiologique développée par Max Weber (1919). Il ne s’agit donc pas faire l’hypothèse que l’écriture permet aux chercheurs et chercheuses de suspendre leur jugement mais de reconnaitre :
au chercheur toute sa place dans le processus de construction des savoirs mais qui donne une réelle voix aux acteurs, qui ne sont plus seulement les outils d’une production de la science. Utiliser cette première personnel traduirait alors la capacité de chacun à « se rendre présent dans le texte »[7] en considérant la production de la science comme une relation entre un chercheur, son terrain, ses archives, ses acteurs. (Moummi, 2020)
Enfin, l’emploi du « je » permet d’aligner mon éthique de recherche à ma pratique. En effet, au-delà de mon travail de thèse, le jeu vidéo est un objet de passion comme pour de nombreux·ses autres chercheurs et chercheuses travaillant sur ce média. Comme le note Laurent Di Filippo :
il faut noter l’importance de la passion pour l’objet d’étude, une passion de longue date. Il y a donc un fort attachement émotionnel soutenu par des souvenirs précis de moments passés avec des camarades de jeu qui soulignent l’importance de l’aspect social du jeu dans mon parcours. (Di Filippo 2012:178)
Tout comme Di Filippo, ma pratique de recherche est mêlée à ma pratique de joueur. Il est donc rare pour moi de ne pas conserver une certaine charge mentale à propos de mes recherches lorsque je joue. Réciproquement, l’exercice de rédaction suscite des souvenirs de moments émotionnellement forts que l’emploi du « nous » ne saurait masquer. De même, un panel d’émotions accompagne mes sessions de jeu durant lesquelles des débuts d’analyses se formalisent. Autrement dit, mes analyses se construise alors que je suis engagé dans ma pratique de joueur. L’emploi du « je » permet alors de rendre compte de cela. Cela devient une question éthique donc que de montrer que les constructions de mes raisonnements se font aussi dans une alternance entre moments engagés dans une pratique et moments réflexifs. Cette pratique, entre engagement et réflexivité n’est pas une particularité mais explique les directions prises dans mon travail doctoral et les analyses qui y sont retranscrites. L’ensemble contribue à l’affirmation d’une singularité. Pour citer à nouveau Di Filippo :
« c’est pourquoi l’engagement ne doit pas être entendu comme une limite pour l’analyse, mais bien comme une partie du processus de recherche. « Créer en soi le choc d’une expérience étrange, par l’immersion dans un univers incertain modifie la connaissance » (Peneff, 2009 : 112) » (Di Filippo 2012:184).
Par ailleurs, les jeux de mon corpus ont fédéré des communautés très importantes ayant produites de nombreuses analyses et interprétations. Par exemple, le forum de starmen.net organise régulièrement des concours dont l’objectif est de proposer des théories sur des décors, des lignes de dialogues et autres éléments du jeux (image hélicoptère et image réponse). L’emploi du « je » est donc un outil pour moi de ne pas m’accaparer les propos et les productions d’autrui.
Il semble aussi important de mentionner que j’envisage aussi ce travail de recherche dans une perspective autoethnographique dans le sens où ce manuscrit de recherche est un document définissant mon identité de chercheur à un moment donné dans le temps. Cette conception de l’identité, socialement construite par la mise à disposition de documents et de traces, est une perspective que j’avais soutenu lors d’un colloque sur le sujet des identités des chercheurs et chercheuses (Giner, 2019). Karine Rondeau définit l’autoethnographie comme « un processus de réflexivité » permettant d’analyser sa propre pratique et l’expérience subjective de sa pratique et ce, dans un contexte de production scientifique particulier (2011). Cette thèse est pour moi un outil futur sur lequel j’espère revenir dans ma carrière de recherche. Il est donc important de l’ancrer dans son contexte de production à savoir la décennie 2015-2025. L’emploi du « je » permet d’inscrire ce travail dans une période temporelle précise, tout en respectant mon intention de transparence avec les lecteurs et lectrices de ce travail doctoral. ■
Esteban Grine, 2020.
Avenier, M.-J. (2011). Les paradigmes épistémologiques constructivistes : Post-modernisme ou pragmatisme ? Management Avenir, n° 43(3), 372‑391.
Di Filippo, L. (2012). La dichotomie chercheur-joueur dans la recherche en jeu vidéo : Pertinence et limites. ResearchGate, 171‑192.
Lézé, S. (2005). Howard S. Becker, Écrire les sciences sociales. Commencer et terminer son article, sa thèse ou son livre. Préface de Jean-Claude Passeron. Paris, Economica, 2004, 179 p., réf. Anthropologie et Sociétés, 29(2), 214‑215. https://doi.org/10.7202/011917ar
Moummi, A. (2020, février 6). De l’usage du “je” dans l’écriture scientifique [Billet]. Rêves de laïcité. https://laicites.hypotheses.org/430
Rondeau, K. (2011). L’autoethnographie : Une quête de sens réflexive et conscientisée au cœur de la construction identitaire. Recherches Qualitatives, 35(1), 4‑28.
Weber, M., Aron, R., & Freund, J. (2002). Le savant et le politique. 10 X 18.
En 2020, le Gamergate est toujours un groupuscule d’individus reliés entre eux dans le but de militer ensemble contre un certain nombre de sujets : les collusions entre les éditeurs de jeux vidéo et la presse spécialisées, l’inclusivité dans les jeux vidéo et l’accessibilité du média aux femmes. Plus généralement, c’est un groupe qui s’encastre dans les manosphères, des groupes d’hommes qui s’organisent sur internet afin de promouvoir la masculinité hégémonique.
Dans un papier récemment publié, les chercheurs Christopher Ferguson et Brad Glasgow tentent de dresser un portrait représentatif de cette population et bien qu’il s’agisse, de l’aveu de leurs auteurs, d’une démarche exploratoire, c’est de cela dont il sera question dans cette note de lecture.
Pour citer leur article : Ferguson, C. J., & Glasgow, B. (2020). Who are GamerGate? A descriptive study of individuals involved in the GamerGate controversy. Psychology of Popular Media. https://doi.org/10.1037/ppm0000280
Pour citer ma note de lecture (cet article) : Grine, E. (2020). Qui sont vraiment les membres du Gamergate ? [Carnet de Recherches] Les Chroniques Vidéoludiques. URL :
Qui est Christopher Ferguson ?
il est important de contextualiser le papier de Ferguson et Glasgow. Je situe son premier auteur, Christopher Ferguson, chercheur en psychologie et en socio-psychologie, plutôt du côté des tenants la catharsis, même si sa position a largement évolué dans le temps. Cela signifie que globalement, il énonce que les jeux vidéo n’ont pas d’impact particulier sur leurs audiences. Par exemple, dans un papier de 2007, il rappelle que ses recherches n’ont abouti à aucune corrélation entre exposition à la violence et comportement violent. Il envisage et observe des effets positifs notamment à l’expression en jeu de comportements violents (2007a) mais aucun effets particulièrement négatifs dans un contexte familial typique :
« Ferguson et al. also found that, once family violence exposure was controlled, no correlational relationship between violent game exposure and violent criminal behaviors remained. Thus, any correlational relationship between violent video games and violent criminal activity may simply be a byproduct of family violence. » (Ferguson, 2007a:310)
En conclusion du même papier, il adopte une position qui, ironiquement et anachroniquement, ressemble fondamentalement à celle de l’OMS à propos d’un trouble de l’addiction. Dans la majorité des cas, il n’y a aucune corrélation, mais une population minoritaire à risque sembler exister :
« Although video game violence appears to be of relatively little concern for most individuals, it still may be worth examining whether there are special populations for whom video game violence may pose a particular risk. Specifically, individuals already at risk for violent behavior may respond more negatively to violent games than the majority of individuals. Although violent games are not likely a cause of violent behavior in such individuals, it may be possible that violent games may moderate existing violence predilections. » (Ferguson, 2007:315)
Qu’on ne s’y méprenne pas, il s’agit là d’un langage opérationnel de chercheurs pour satisfaire tout le monde dans un statu quo. Il suffit de voir la façon dont il fait référence aux travaux d’Anderson et Dill. Le langage est suspect : « claim », l’usage de » pour « proofs ». On peut envisager aussi que le contexte de publication de son papier de 2007 invitait alors les auteurs et autrices à attaquer directement les travaux des autres. En tout état, à l’époque, Ferguson fut aussi une personne qui se positionnait en préscripteur. Dans un autre papier de 2007, il étudie l’existence de biais dans les méthodes de recherches (2007b). Au passage, 20% de sa bibliographie pour ce papier fut cosignée par Anderson, plutôt versant dans l’apprentissage sociale. Ce qui peut être discutable méthodologiquement puisque cela rentre dans un débat en psychologie sociale qui dépasse largement le cadre de cette note.
L’objectif de Christopher Ferguson et Brad Glasgow
Maintenant que cette introduction est faite, on peut donc passer au cœur du sujet que propose d’étudier Ferguson : les #VréGamers. L’objectif de Ferguson et Glasgow est la rediscussion du stéréotype définissant un membre du gamergate. Dans le résumé : ce stéréotype est présenté comme ci-dessous :
Le papier commence donc en rappelant le contexte de départ du gamergate. Si les auteurs font mention de quelques noms célèbres de la controverse, il ne limitent pas cette dernière à ces noms : « Although several high-profile women were targets of harassment, the harassment was not limited to a few. » (Ferguson and Glasgow, 2020:2). Au contraire, les auteurs semblent prendre en compte la dimension systémique. Citant Chess et Shaw, Ferguson rappelle que la sphère académique est concernée par des théories complotistes à l’égard du #gamergate (2015). La perspective systémique est illustrée par la suite. Chez les harceleurs, il y a des personnes profondément misogynes et d’autres qui se positionnent en « trolls », ne comprenant pas ou alors rejetant, la dimension d’oppression systémique que ces personnes perpétuent.
« Harassers can be motivated by multiple issues. Some may truly have strong feelings about the particular issue at hand, in this case perhaps true feelings of misogyny toward women involved in gaming. Others may simply troll for the sake of trolling without actually caring about the issues. In other words, some harassers may harass not because they care about women in gaming or are particularly misogynistic, but rather because agitating someone, anyone, is amusing. » (Ferguson and Glasgow, 2020:2)
Pour le coup, je suis assez d’accord avec cela mais je ne le formulerai pas comme ça. A mon sens, il y a plutôt les harceleurs dont les motivations sont misogynes et les harceleurs dont les motivations s’inscrivent dans un système misogyne. La différence est peut-être subtile mais à mon sens, elle éclaire sur les champs d’actions possible. Dans le premier cas, on doit lutter contre une personne plus ou moins isolée alors que dans le second, on doit lutter contre le système lui-même. C’est pour cela qu’il ne faut surtout pas minimiser le groupe « trolls » : au contraire. C’est plus difficile, car beaucoup plus structurel et systémique. C’est pour cela que je nuance d’avantage la position des auteurs ci-dessous : toute forme de harcèlement s’inscrit nécessairement dans une culture vidéoludique à différent degré.
On en vient donc à l’énoncé clair de la problématique : Selon Ferguson et Glasgow, les preuves ne sont pas suffisamment solides pour vraiment appuyer une représentation typique d’une personnes se revendiquant du gamergate. De fait, les auteurs veulent résoudre cela en lançant une étude exploratoire sur le sujet. Pour cela, leur méthode, quantitative cette fois, doit solidifier, ou infirmer, les précédentes études : « The remaining four (e.g. Chess & Shaw, 2015; Massanari, 2017) were largely anecdotal or theoretical in nature rather than empirical. » (Ferguson and Glasgow 2020:3).
Etude de la méthode
Afin de soutenir ce travail, les auteurs ont recruté 725 personnes, vraisemblablement sur twitter, qui soutiennent ont ont soutenu le gamergate. L’étude ne précise alors pas la période durant laquelle ce soutien fut exprimé.
Afin de caractériser leur population, les auteurs ont élaboré un questionnaire. Je mets un caveat ici mais il semble qu’ils ont été les seuls à élaborer les questions. Une copie de ce questionnaire se trouve à l’adresse suivante : https://imgur.com/a/tnMlk
Les auteurs ont aussi mobilisé des outils de sondage du Pew Institute qui est un très gros organisme d’études aux USA. C’est aussi l’une de mes sources principales à titre personnel pour comprendre les groupes sociaux aux US. Pour le recrutement, celui-ci s’est fait sur Twitter mais aussi sur r/KotakuInAction, un subreddit inscrit dans les manosphères, des groupes d’hommes militant pour la masculinité hégémonique comme déjà dit mais je revois aux travaux de Marwick et Caplan pour plus d’informations à ce sujet (2018).
Ferguson et Glasgow ont tenté d’être très rigoureux sur le recrutement pour empêcher le « brigading ». C’est important de le mentionner car (1), cela renforce leur étude et (2) cela met aussi en exergue les difficultés que la recherche peut avoir avec certains groupes sociaux. On peut aussi de loin supposer que l’étude a fonctionné car elle a été menée par deux hommes. L’intensité du brigading n’aurait peut-être pas été la même si deux femmes avaient voulu recruter des membres du gamergate. Ceci étant, pour les comptes ne fournissant pas suffisamment de preuves au premier recrutement, une exploration de leurs publications fut effectuée.
Autrement dit, méthodologiquement, la procédure de recrutement est hyper solide. Quoi qu’on dise des travaux de Ferguson et de ses associés, cela fait 20 ans qu’il est dans le « game ». Niveau méthodologique, il a les moyens et cela fait longtemps qu’il les éprouvent.
Etude critique des résultats de Ferguson et Glasgow
Les résultats qu’ils obtiennent sont à la fois habituels et étonnants. Tout d’abord, l’évidence : une écrasante majorité de cis (97%) hommes (89,1%), caucasiens (74.5%), hétéro (74,1%). Autrement dit et simplifié, 3 membres du gamergate sur 4 attestent le stéréotype.
Par contre, ce qui est étonnant, ce sont les opinions politiques : la majorité tend vers une position libérale. Selon le Pew Intitute, les libéraux sont en désaccord avec Donald Trump, énoncent que l’état à un rôle à jouer dans la répartition des richesse, etc. Du coup, cela interroge quand même sur leur questionnaire. Comment expliquer cela ? La réponse provient notamment des items choisis par les auteurs pour déterminer les positions politiques des enquêtés. S’étant basé sur la méthodologie du Pew, c’est donc normal que Ferguson et Glasgow trouvent des résultats similaires. L’explication est il me semble simple. Le Pew Institute observe déjà que les millennials et les GenZ sont bien plus libéraux que leurs ainés aux US.
Ce que l’étude ne mentionne pas (et ne peut pas, par faute d’items dans le questionnaire) ce sont les différences *au sein même* des personnes qui se revendiquent libérales (au sens anglosaxon). Par ailleurs, on pourrait aller encore plus loin en montrant les désaccords entre les générations qui se revendiquent conservatrices. Par exemple, le Pew observe que les Gen Z républicains sont en désaccord sur des sujets clefs.
Donc finalement, une fois expliqués, ces résultats ne sont plus du tout aberrants. C’est typique que les membres du gamergate soient libéraux, voteront probablement Joe Biden au prochaines élections, militent plutôt pour une assurance sociale, etc. Le papier n’est donc pas en mesure d’aller observer les désaccord *au sein* des différents mouvements libéraux. Une piste d’exploration serait par exemple d’aller observer directement certains groupes issus du conservatisme libéral, du conservatisme post-moderne, etc.
Cependant, on ne peut pas reprocher cela à Ferguson et Glasgow étant donné qu’ils précisent clairement qu’il s’agit d’une étude exploratoire.
Etude des conclusions
On en vient donc à la conclusion du papier. Les auteurs rappellent l’absence de précédent et que leur étude est donc une première dans cette discipline, donc 6 ans après l’explosion du gamergate. A première vue, les conclusions des auteurs sont surprenantes. Pourquoi le sont-elles ? Tout d’abord parce qu’ils positionnent leur étude en opposition avec la doxa, les récits stéréotypiques à propos des membres du gamergate.
Pareillement, les auteurs énoncent que leurs résultats à propos de l’orientation sexuelle des membres contredisent la représentation. En somme, 1 membre du gamergate sur 4 n’est pas hétérosexuel dans leur étude. Or, en réalité, les datas ne sont pas si étonnante que cela. Je vais m’attarder ici uniquement sur le groupes des gamergate bisexuel·le·s. Pourquoi ? Car selon le Pew, c’est le groupe le plus important en taille. Mais surtout, parce que c’est quelque chose de connu. Par ailleurs, en 2018, une étude, menée par Ipsos Mori et reprise par The Telegraph, énonce qu’un tiers des jeunes entre 16 et 22 ne se considère pas comme exclusivement hétérosexuel.
La comparaison de ces deux études semble pertinente dans le sens où, 1 jeune personne sur 3 n’est pas hétérosexuelle (selon Ipsos Mori) alors que chez les gamergates, c’est 1 personnes sur 4 (selon Ferguson et Glasgow). Il y aurait donc moins de diversités chez les membres du gamergate sur ce sujet.
Il faut tout de même, par honnêteté intellectuelle, nuancer mon propos de deux façons :
l’étude de Ferguson et Glasgow comporte tous les âges, ce qui peut expliquer un pourcentage plus faible ;
il y a comparaison entre une étude publique et une étude privée.
La conclusion du papier, résumée par la citation ci-dessous, est donc discutable dans le sens où les auteurs énoncent quelque chose sur lequel il y a déjà concensus à savoir : oui c’est un stéréotype et oui les personnes qui utilisent ce stéréotype sont déjà au courant. Par ailleurs, ils positionnent leurs résultats en opposition à la doxa alorsq ue j’ai plutôt le sentiment que leurs datas renforcent les hypothèses sur la constitution du gamergate :
« Taken together, it appears that the stereotypical image of GamerGate as White, male, heterosexual, socially regressive individuals is more a stereotype than an accurate portrayal. We question whether portraying GamerGate in such terms is likely to constructively add to debates about the social environment of gaming. Naturally, more research is certainly welcome. » (Ferguson and Glasgow 2020:5)
Encore une fois, à mon sens, le véritable apport (génial, osons le mot) du papier, c’est que les auteurs constatent que les membres du gamergate ne sont pas majoritairement des personnes conservatives, républicaines, etc. Même si ce n’est pas étonnant en prenant compte des différentes études du Pew que j’ai sollicitées, c’est une véritable piste passionnante à poursuivre. Ultimement, le papier se conclut sur le besoin d’avancer avec plus de nuance lorsqu’il s’agit des membres du gamergate. Ce à quoi je pense que tout le monde est déjà d’accord.
Ceci étant, il serait difficile de de reprocher à des chercheurs et chercheuses qui ne sont ni en sociologie, ni en psychologie, de ne pas utiliser les méthodes quantitatives des ces disciplines. L’inverse est vrai aussi. ■
Esteban Grine, 2020.
Bibliographie
Ferguson, Christopher J. (2007). Evidence for publication bias in video game violence effects literature : A meta-analytic review. Aggression and Violent Behavior, 12(4), 470‑482. https://doi.org/10.1016/j.avb.2007.01.001
Ferguson, Christopher J., & Glasgow, B. (2020). Who are GamerGate? A descriptive study of individuals involved in the GamerGate controversy. Psychology of Popular Media. https://doi.org/10.1037/ppm0000280 Ferguson,
Ferguson, Christopher J., (2007). The Good, The Bad and the Ugly : A Meta-analytic Review of Positive and Negative Effects of Violent Video Games. Psychiatric Quarterly, 78(4), 309‑316. https://doi.org/10.1007/s11126-007-9056-9
Marwick, A. E., & Caplan, R. (2018). Drinking male tears : Language, the manosphere, and networked harassment. Feminist Media Studies, 18(4), 543‑559. https://doi.org/10.1080/14680777.2018.1450568
L’écriture inclusive est actuellement un sujet de vif débats à propos de son usage dans les textes académiques francophones. Comme le rappellent Danièle Manesse et Gilles Siouffi, l’écriture inclusive vise à « “inclure” toutes les personnes qui peuvent se sentir non représentées par une désignation, qu’il s’agisse de sexe, d’ethnicité, de religion » (Manesse et Siouffi, 2019 : 7, cités par Steuckardt, 2020). Or, bien que cela ne soit pas une question centrale de ma thèse, mon corpus se retrouve concerné par cette problématique, en particulier parce que précisément, les équipes ayant travaillé sur ces jeux ont inclus des représentations variées et inclusives.
Ce billet est une version pour internet d’une section de mon manuscrit de thèse que je prépublie. Cet article est soumis au droit d’auteur comme l’intégralité de ce blog. Pour citer cet article, merci d’utiliser la citation suivante : Grine., E., (2020).L’écriture inclusive et son usage dans mes travaux de thèse. Les Chroniques Vidéoludiques.
En effet, EarthBound, Mother3 et Undertale sont trois jeux qui incluent une grande diversité de représentations au sein de leurs personnages. Ces représentations font référence à un spectre très large et parfois intersectionnel. Par exemple, dans Earthbound, le personnage de Tony, ami avec Jeff (l’un des enfants du groupe de héros) a longtemps été l’objet de discussions au sein des communautés de fans à propos de son orientation sexuelle. Le traducteur du jeu pour la version américaine, Marcus Lindblom, a confirmé en interview l’orientation du personnage et a tenté d’intégrer cela avec finesse (Lindblom, 2015). Clyde Mandelin, auteur de la fan-trad de Mother3 et de l’ouvrage Legend of Localization Book 2: Earthbound, cite une interview de Shigesato Itoi dans laquelle ce dernier énonce :
Well, for example, there’s a gay person in MOTHER 2. A really passionate friend who lives in an England-like place. I designed him to be a gay child. In a normal, real-life society, there are gay children, and I have many gay friends as well. So I thought it would be nice to add one in the game, too. (Itoi, 2003, traduit par Mandelin, 2015)
Dans Mother 3, ce sont particulièrement le groupe des Magypsies qui cristallise l’importance de l’inclusivité étant donné qu’il s’agit d’un groupe de personnages non-binaires. Du moins, il est expliqué dans le jeux qu’iels ne s’inscrivent ni au genre masculin, ni au genre féminin. Plusieurs discussions entre fans ont porté sur la représentation des magypsies afin de déterminer si leur représentation s’inscrit dans un registre queerphobe, transphobe ou non. En effet, l’équipe créative s’est reposée sur des stéréotypes à l’égard des personnes transgenres et s’est inspirée de la culture drag. Il en résulte des interprétations variées au sein des communautés de joueurs et joueuses qui ont déjà été notamment discutées sur les forums historiques des joueurs et joueuses de la série comme earthboundcentral.com et Starmen.net. J’aurais le temps de revenir sur le sujet un jour dans un billet dans lequel j’aborderai plus en détail les formes de discursivités liées au character design. En tout état, j’utiliserai le pronom «iel» lorsque je leur ferai référence, ainsi qu’à tout personnage non-binaire afin d’assurer une continuité entre le lore du jeu et les propos tenus de cette thèse.
Enfin, Undertale et Deltarune offrent aussi une large variété de représentations. Tout d’abord, les avatars que sont Frisk et Chara dans le premier et Kris dans le second sont nommé·e·s en recourant au they épicène. Ensuite, les jeux proposent des personnages aux orientations sexuelles variées. Dans Undertale, Undyne et Alphys, deux deutéragonistes, forment un couple lesbien tandis que RG01 et RG02, deux gardes royaux s’avouent leurs sentiments (réciproques, tels que cela est suggéré) lors d’un combat que l’audience a avec eux. Deltarune ne fait pas non plus exception : il est possible de découvrir que Noelle Holiday, un personnage non-joueur mineur, développe « un crush », c’est-à-dire des sentiments amoureux, à l’égard de Susie.
Ainsi donc, je considère que le corpus de jeux que je mobilise pour cette thèse sont une invitation à faire un usage de l’écriture inclusive. Le Haut Conseil pour l’Egalité a proposé en 2015 un ensemble de dix recommandations afin d’effectuer une communication publique sans stéréotype de sexe (HCE, 2016 : 19). Mon interprétation de leur recommandations intègre aussi les stéréotype de genre. C’est pourquoi en général, les expressions neutres sont privilégiées («l’audience» à la place «des joueurs»). Si cet usage porte à confusion dans un contexte particulier, c’est l’usage du féminin et du masculin systématique («les joueurs et les joueuses» pour distinguer l’audience qui joue de l’audience qui regarde par exemple) qui s’impose. Enfin, le pronom «iel» est employé pour les personnes et personnages non-binaires ainsi qu’un usage systématique du point milieu pour les adjectifs les concernant. Ce point milieu, vaste sujet de débat, n’est par contre pas du tout constat dans ma pratique tellement cela varie d’un texte à un autre, d’un paragraphe à un autre.
Si je consacre tant de place à cette question et ce, même si mes travaux de thèse, de vulgarisation, de blogging,etc. ne s’inscrivent pas dans les études de genre, c’est parce que je considère mon manuscrit comme mon blog comme des formes de communications publiques. Cela fait donc référence aux recommandations du HCE. Aussi je souhaite que mon travail s’inscrive dans la période à laquelle il est produit et qu’il soit aussi un produit de cet époque ainsi que des débats se déroulant au moment de son écriture. Enfin, de par son contenu, mon travail n’aborde que très peu les questions liées aux genres. L’usage de l’écriture inclusive est donc pour moi aussi une façon de répondre à l’invitation proposée par Fanny Lignon dans l’introduction de l’ouvrage collectif Genre et jeux vidéo dans laquelle elle écrit :
Derrière cette démarche, la volonté d’ouvrir grand la porte sur un champ encore en friche et l’espoir que cette publication donnera envie à d’autres chercheur·e·s de s’engouffrer par cette ouverture pour explorer ce qu’il y a au-delà. Car il nous semble que le genre et les jeux vidéo, parce qu’ils ne sont pas encore tout à fait reconnus sur le plan académique, parce qu’ils sont le lieu où se déploient des enthousiasmes jeunes, ont tout à gagner à se rencontrer. (Lignon, 2015 : 9)
Je n’ai pas la prétention d’explorer un champ encore en friche sur lequel des collègues sont bien plus en avance, mais j’espère que l’emploi de l’écriture inclusive ici nourrira aussi et à sa mesure l’enthousiasme de futurs chercheurs et chercheuses pour ces questions et surtout, que cela participera à l’entretien de ce débat dans les sphères académiques.
Esteban Grine, 2020.
Bibliographie
Genre et jeux vidéo. (2015). Presses Universitaires du Midi.
Mandelin, C., Kuchar, T., Mandelin, H., & Lindblom, M. (2016). Legends of Localization Book 2 : EarthBound (1st edition). Fangamer.
Steuckardt, A. (2020). Danièle Manesse et Gilles Siouffi éd., Le féminin & le masculin dans la langue : L’écriture inclusive en questions. Mots. Les langages du politique, n° 122(1), 136‑142.
«Une fin infinie» est l’une des techniques apprises par Cloud Strife dans le remake de Final Fantasy 7, jeu que j’ai enfin terminé hier soir, après une longue et lente descente aux enfers pour mon expérience. Le titre de cette technique sonne un parallèle étrange avec les dernières heures passées sur ce merveilleux jeu. Du coup, plutôt qu’un billet hautement fourni en référence ou qu’une série de tweets belliqueux, autant rédiger ici les quelques pensées, éparses et incohérentes que j’ai à l’égard de ce jeu. Par ailleurs, je précise que même si j’aime FF7 et son récit, je ne suis pas suffisamment passionné pour avoir cherché à obtenir l’intégralité des jeux afin de comprendre toutes les ramifications du récit original.
Attention, l’article contient des spoilers.
Final Fantasy 7 Remake, abrégé par la suite FF7R, est une expérience que j’ai beaucoup aimé. Cependant, c’est aussi profondément une expérience en demi-teinte, mal inspirée et paresseuse pour ce qui est de son ambition en terme de narration.
Le premier regret qui m’est venu à l’esprit une fois la manette posée est un problème fondamentalement structurel pour ce jeu : le fait d’avoir voulu proposer «un jeu de rôle en couloir», certes typique des productions SquareEnix, mais profondément anachronique pour 2020, année de sa sortie. On se retrouve donc finalement avec une expérience proche de ce qu’a pu être Final Fantasy X, sorti en 2001. Contrairement à Final Fantasy XV dont la formule proposait un monde vaste et explorable, FF7R, n’a pas poursuivi l’ambition de proposer Midgar en tant que ville ouverte et explorable, dans l’intégralité de ses secteurs. Ce qui est un écart majeur entre l’expérience dont je rêvais, et son constat. Par ailleurs, les RPG en couloirs était un standard tant que les jeux d’aventure en couloir tels qu’Uncharted n’existait pas encore. D’où mon second regret : ne pas avoir embrasser un game design collant au level design tel qu’il est maintenant. Ce n’est malheureusement pas les quelques chapitres ouverts qui viennent réparer la chose étant donné la maigreur des quêtes annexes et leur inconsistance en termes de world building ou de lore propre au récit que l’on vit (exception faites des quêtes liées à l’Ange Gardien qui apportent quelque chose de plus).
Cette question du world building et du lore me permet de toucher mon troisième regret à l’égard de ce jeu : un relatif manque d’ambition lié au traitement des personnages, en particulier à l’égard du groupe principal mais aussi à l’égard de Biggs Wedge et Jesse. Jesse est d’ailleurs finalement la seule à mourir à l’écran. Par ailleurs, je vois plusieurs personnes saluer la relation entre Tifa et Aerith. J’en suis moi-même heureux (le jeu a passé le test de Bechdel autour de la vingtième heure de jeu pour moi). Cependant, comment ne pas voir que cette relation souffre de la comparaison avec d’autres sororités dans d’autres triple A ? En particuliers, il m’est impossible d’être satisfait des quelques lignes de dialogues que Tifa et Aérith échangent lorsque je me remémore la relation entre Chloe Frazer et Nadine Ross dans Uncharted: The Lost Legacy. Par contre, j’ai aimé le traitement de Barret dont finalement le jeu d’acteur est bien plus nuancé. Je chérie chaque moment où il retirait ses lunettes : son visage était pour moi le plus expressif et tous ses échanges avec Marlène sont des moments merveilleux. Il est probable ici que j’en ai cette image car je suis moi même jeune parent. Si maintenant on s’attarde sur le deuxième groupe, c’est tout simplement honteux. Biggs, avant de s’évanouir (car il ne meurt plus dans FF7R) à l’un des étages du pilier du secteur 7, lâche une dernière pic grossophobe à Wedge. Leur relation d’amitié ne se résume qu’à cela d’ailleurs dans FF7R (mais je ne vais pas paraphraser des propos déjà exprimés par ailleurs, notamment par Thais_PxC) et Jesse est finalement la seule à mourir du groupe et cela m’énerve.
D’une manière générale, malgré les regrets que j’ai exprimés jusqu’alors, mon parcours du jeu fut merveilleux jusqu’à la fin du chapitre 14, à savoir l’effondrement du pilier et son après. Il est important donc de mentionner maintenant, avant d’exprimer mon quatrième regret, que j’ai parcouru le jeu en slowrun, c’est-à-dire uniquement en marchant. Cela m’a pris au total 42 heures, dont 29 environ dédiés à ces 14 premiers chapitres. C’était 29 merveilleuses heures à me promener dans les environnements qui de loin sont très beaux mais dont les textures sont discutables, quoi qu’on en dise. Cela ne m’a pas fondamentalement dérangé mais je considère que pour un jeu sur deux blu-rays, il y a une interrogation à poser.
Et finalement, le problème transparaît de lui-même : un quart de mon expérience fut dédiée uniquement à l’ascension de l’équipe et à la tour Shinra et donc au tunnel de fin composé de boss à la chaîne. Inutile de dire que ce quatrième regret est dédié à ce problème fondamental de rythme lié aux derniers moments du jeu. Contrairement à des jeux qui focalisent leur fin sur une envolée et une accélération comme par exemple Death Stranding ou Red Dead Redemption 2 (pour ne parler que de AAA), j’ai vécu l’inverse dans mon exploration de la Shinra. Particulièrement, la séquence entièrement dédiée au laboratoire d’Hojo n’apporte finalement rien de fondamentalement concret au nouveau récit de FF7R. Je suis ressorti particulièrement fatigué de ce tunnel qui fut beaucoup trop long. Par ailleurs, ayant fait le jeu en facile, je n’étais absolument pas intéressé par le système de combat. Je peux donc comprendre que pour les personnes appréciant cette partie du game design, je peux comprendre pourquoi ce tunnel plaît. Cependant, la seule chose qui m’intéressait portait sur l’histoire, la marche et l’exploration : d’où mon désintérêt complet pour cette fin déceptive, étant donné finalement que tous les ennemis s’en sortent.
Ce qui m’amène à mon cinquième et dernier regret : le jeu ne m’a apporté aucune satisfaction vis-à-vis des interactions entre Avalanche et les ennemis qui, exception faite du président de la Shinra, parviennent toutes et tous à s’en sortir. En dehors des «grands méchants», il est dommage qu’aucun des «petits ennemis» que sont Hojo et particulièrement Don Cornéo, ne soient finalement jugés pour leurs actions. Don Cornéo cristallise cet suspension du dénouement qui caractérise ce jeu, présenté par certain·e·s comme une introduction, même si je me refuse personnellement d’attribuer cette adjectif à ce jeu qui se tient en tant que tel.
Je n’aborde finalement que très peu les éléments que je considère comme les plus réussis du jeu. Ce billet n’avait pas cet objectif. Cependant, il m’est difficile de ne pas saluer les efforts des équipes pour illustrer les conséquences des actes d’Avalanche, la séquence où Aérith va chercher Marlène (globalement tous les moments avec Aérith sont savoureux), où tout simplement le fait de marcher pendant ces quarante heures qui fut une lutte permanente entre le game design et mes habitudes de joueur. Dans un contexte de confinement, c’est cela qui me restera de Final Fantasy 7 Remake.
Cela fait maintenant huit semaines que je suis confiné chez moi, à télétravailler, dormir, manger, profiter de ma famille et de mon bébé. Cela fait aussi depuis qu’il est sorti que je joue au remake de ce qui fut mon premier Final Fantasy, échangé contre un Crash Bandicoot en 1999. Sans être particulièrement bluffé par le jeu, je dois bien avouer que je prends plaisir à le parcourir en le slowplayant. Plus particulièrement, cela fait maintenant plus de 27h que je traverse Midgar en marchant, uniquement.
Or, depuis que j’ai acheté Final Fantasy 7, j’essaie de comprendre pourquoi le fait de marcher dans ce jeu est devenu pour moi la seule façon de l’appréhender. Car au-delà du plaisir de prendre son temps ou de me rendre disponible à émerveillement que procure la découverte de Midgar (Auray & Vétel, 2013), j’avais le sentiment que cette slowrun était bien différente des autres slowruns que j’ai pu faire sur Zelda, AC Odyssey ou encore Death Stranding.
Pendant plusieurs semaines, j’ai donc cherché à comprendre les émotions que me prodiguait ff7. Je pense avoir compris maintenant. Généralement, ces déclics entraînent chez moi des questions de recherche, c’est pourquoi dans cet article il va être question des jeux vidéo en tant que coping strategies ou stratégies d’adaptation.
Au sens large, une stratégie d’adaptation, ou un mécanisme d’adaptation, est un processus permettant à un individu de faire face à une problématique anxiogène, stressante, etc. Faisant référence à toute une littérature dédiée aux mécanismes d’adaptation, Loton et al définissent ces derniers de la façon suivante :
L’adaptation fait référence aux « efforts cognitifs et comportementaux en constante évolution pour gérer des demandes externes et/ou internes spécifiques qui sont évaluées comme taxant ou dépassant les ressources de la personne ». (Loton et al 2016:570, ma traduction)
Dans la littérature académique, il apparaît avec le très bref état de l’art que j’ai mené, que généralement, les mécanismes d’adaptation sont étudiés au prisme des troubles potentiels de l’addiction que des joueurs et joueuses peuvent développer à l’égard d’une pratique de jeu qui peut leur être nocive. En particulier, les premières études que j’ai parcourues ont pour objectif principal d’interroger ces mécanismes comme pouvant potentiellement être des causes à un trouble du jeu vidéo (Plante et al, 2019). D’autres études portent plutôt sur les façons dont certains groupes de joueurs ou de joueuses mettent en place des mécanismes d’adaptation de sorte à pouvoir faire l’expérience d’un jeu vidéo tout en limitant l’environnement toxique dans lequel peut se dérouler le jeu. Jesse Fox et Wai Yen Tang ont étudié auprès d’un échantillon de 293 femmes les stratégies que ces joueuses mettaient en place afin de faire face à la toxicité des jeux en ligne (2016). Afin de limiter le harcèlement en ligne, Fox et Tang notent que leurs enquêtées évitent le tchat, choisissent des avatars d’un autre genre, s’exprime de manière neutre, se font passer pour des enfants quand leur capacité vocale le leur permet, etc. (2016).
Ainsi, même si considérer les jeux vidéo comme des mécanismes d’adaptation semble pertinent, les recherches que j’ai parcourues semblent surtout questionner les liens que ces mécanismes ont avec un potentiel trouble du jeu vidéo. Or ce qui m’intéresse ici, en prenant en compte mon expérience récente avec Final Fantasy 7, c’est fondamentalement ces mécanismes d’adaptation. Ou plutôt, ce qui m’intéresse, c’est de formaliser ici que le fait de jouer, et plus particulièrement le slowplay et les slowruns, sont en soi des stratégies que j’ai mises en place afin de soulager mon stress et mon anxiété, deux paramètres générés à la fois par la quantité de travail que j’ai l’impression d’avoir en étant en télétravail et le confinement, qui plus largement est causé par une pandémie globalisée.
Le phénomène du coping by gaming comme un mécanisme permettant de gérer une réalité, un phénomène et le stress lié à cela est déjà documenté, notamment avec des audiences en situation de handicap. The Washington Post a d’ailleurs recensé quelques témoignages intéressants à ce sujet :
“I don’t think about being disabled when I’m in my gaming setup and talking to everyone,” Reece, 33, said. “Just Jackson ‘pitbullreece,’ just sitting here playing, and that’s what makes me me.”
In the United States, one in four people have a disability, according to Centers for Disease Control and Prevention. Gaming allows many of them to do things in a virtual space they could only dream of in reality. It also helps them connect and overcome social anxiety and feelings of depression.
“It’s my escape,” said Brian “Wheely” McDonald, 31, who has arthrogryposis, causing the normally elastic tendons in his hands to stiffen. “I’m not disabled in video games. I have people telling me all the time how amazing I am at games.”
Ben entendu, il est hors de question de comparer ma situation à celles évoquées par The Washington Post. Elles ne sont ni équivalentes, ni pertinentes. Cependant, cela révèle une pluralité de raisons pour lesquelles une personne peut être amenée à utiliser le jeu vidéo comme une stratégie d’adaptation. Sans creuser plus cela car ce n’est pas non plus l’objectif de cet article, il est possible de représenter ces causes sur un axe micro <=> mezzo <=> macro. Par exemple, si je joue à FF7R en ne faisant que marcher, c’est pour gérer mon anxiété à l’égard du télétravail (mezzo) et pour gérer mon anxiété à l’égard du confinement et de la pandémie. Techniquement, cette pratique du jeu vidéo n’est pas non plus isolées, dans une enquête reprise par The Independant, mais que je n’arrive pas à retrouver, 55% des joueurs et joueuses utilisent les jeux comme un moyen de ventiler, de gérer son stress. Dans un article publié en 2018, Bowditch et al notent l’existence de relation entre coping et escapism. Même si le sujet de leur travail portait sur les impacts négatifs dû à un escapism considéré comme une stratégie de coping, les autrices concluent en constatant l’existence d’effets positifs sur le stress ressenti tous les jours :
« this study demonstrated that having an engaged, problem-focused style of coping with everyday stressors was not only associated with fewer negative outcomes in relation to escapism; it also seems to play a role in protecting individuals against negative gaming outcomes more generally. » (Bowditch et al 2018:94)
Cependant, caractériser ma pratique actuelle simplement comme une coping strategy ou comme échappatoire ne suffit pas. En effet, les travaux que j’ai parcouru alertent justement sur le fait que le coping fait référence à de nombreuses stratégies et mécanismes qui peuvent être bénéfique ou non. Bowditch et al notent justement cette complexité dans leurs travaux (2018). Loton et al considèrent deux grandes « familles » de stratégies d’adaptation : les stratégies d’approches et les stratégies d’évitement. « L’approche » fait référence aux efforts de concentration pour gérer un événement stressant et « l’évitement » comprend « des activités ou des changements cognitifs pour éviter des situations par le biais de la diversion (distanciation cognitive) ou du retrait » (Loton et al, 2016:570, ma traduction). De la même façon que pour les causes micro, mezzo ou macro, il ne s’agit pas ici de catégories exclusives. Ma slowrun de Final Fantasy 7R semble, selon mon ressenti, à cheval entre efforts de concentration et diversion. A un niveau micro, le fait de marcher dans FF7R me donne l’impression d’être maitre de mon rythme, ce que le télétravail m’empêche. A un niveau macro, jouer à FF7R est une façon pour moi de gérer l’actualité liée au confinement et à la pandémie.
Globalement, à partir de ces deux échelles, il me semble possible de cartographier les différents mécanismes d’adaptations utilisant les jeux vidéo comme support. Cette cartographie me semble importante car elle permet de formaliser clairement les raisons d’une telle pratique tout en étant susceptible de faire des hypothèses sur les effets positifs ou négatifs par une stratégie particulière sur les joueurs et joueuses qui en font usage. A l’issue de mes sessions sur FF7R, il m’est possible, dans une démarche autoethnographique, de formaliser les mécanismes d’adaptation ou de coping que je déploie dans le contexte actuel.
A l’issue de ce travail, relativement court et nécessitant d’être discuté, il me semble tout de même possible d’envisager le jeu vidéo comme une stratégie d’adaptation ayant des impacts positifs sur les joueurs et les joueuses, particulièrement en situation de crise sanitaire. Comme d’habitude, c’est fondamentalement ma pratique d’un jeu vidéo qui m’a suggéré cette question et finalement cette hypothèse : si je joue à FF7R en slowrun, actuellement, c’est principalement parce que cela me permet de gérer le stress et l’anxiété que le confinement suscite chez moi. J’aurai aussi tendance à penser que ces propos sont partagés par de nombreuses personnes. Surtout lorsque l’on voit que l’OMS soutient des initiatives comme #PlayApartTogether dont l’objectif est de sensibiliser les audiences à la distanciation sociale, le confinement, la santé mentale, etc. Etant donné que cet article ne s’inscrit dans aucun de mes axes de recherches doctorales, je ne pense pas que je poursuivrai la discussion. Ceci étant, rien que le fait d’avoir écrit et partagé mon ressenti et ces quelques recherches sont aussi, dans une certaine mesure, une façon pour moi de gérer mon anxiété. ■
Esteban grine, 2020.
Bibliographie indicative
Bowditch, L., Chapman, J., & Naweed, A. (2018). Do coping strategies moderate the relationship between escapism and negative gaming outcomes in World of Warcraft (MMORPG) players? Computers in Human Behavior, 86, 69‑76. https://doi.org/10.1016/j.chb.2018.04.030
Can games improve your mental health? PAX panel explores the rise of games as a coping mechanism. (2019, septembre 3). GeekWire. https://www.geekwire.com/2019/can-games-improve-mental-health-pax-panel-explores-rise-games-coping-mechanism/
Fox, J., & Tang, W. Y. (2017). Women’s experiences with general and sexual harassment in online video games : Rumination, organizational responsiveness, withdrawal, and coping strategies. New Media & Society, 19(8), 1290‑1307. https://doi.org/10.1177/1461444816635778
Loton, D., Borkoles, E., Lubman, D., & Polman, R. (2016). Video Game Addiction, Engagement and Symptoms of Stress, Depression and Anxiety : The Mediating Role of Coping. International Journal of Mental Health and Addiction, 14(4), 565‑578. https://doi.org/10.1007/s11469-015-9578-6
Plante, C. N., Gentile, D. A., Groves, C. L., Modlin, A., & Blanco-Herrera, J. (2019). Video games as coping mechanisms in the etiology of video game addiction. Psychology of Popular Media Culture, 8(4), 385‑394. https://doi.org/10.1037/ppm0000186
Il y a peu, une collègue de recherche, qui se reconnaîtra peut-être, m’a partagé un appel à communication pour lequel je pense faire une proposition. Cependant, là n’est pas le sujet. En échangeant avec cette collègue, je lui énonce à un moment que j’ai une proposition toute prête à être partagée. En réponse, elle me dit alors qu’elle se doutait bien que l’appel pouvait m’intéresser.
En réalité, ce bref échange s’est fait en trois tweets. Cependant, cela m’a quand même interpellé car cela fait écho à une problématique que je vis en tant que chercheur-doctorant, blogueur, analyste et de temps en temps, vidéaste streamer. En effet, je suis en « slasheur » : quelqu’un qui cumule une variété de métiers différents mais relativement connecté. Ce statut s’accompagne dans mon cas d’une caractéristique particulière : l’impossibilité d’être anonyme en tant que chercheur.
J’ai le sentiment que mon existence contredit les protocoles scientifiques académiques. La façon dont je vis mon expérience de thèse rend caduques certaines pratiques. En particuliers dans mon champs disciplinaires : les sciences du jeu.
De base, les sciences du jeu, ou les game studies, sont un tout petit monde francophone. J’estime que nous sommes maximum 150 personnes en Europe et Amérique de nord à effectuer des recherches que le jeu vidéo en français. Et probablement que je surévalue ce nombre.
Si l’on veut faire un trait d’humour, les game studies francophones respectent parfaitement le nombre de Dunbar, nombre erroné mais célèbre indiquant le nombre de relation qu’un individu est capable de maintenir au sein des réseau. Donc de fait, mon champ disciplinaire est si petit qu’en réalité tout le monde de connait. Probablement que tout le monde a lu au moins une fois un papier de tout le monde.
Par ailleurs, chacun·e a ses spécialités. Je travaille sur les discours dans les jeux vidéo, forcément que je m’entends bien avec Sébastien Genvo (la chance, c’est mon directeur), Rémi Cayatte, l’expressive game lab, etc. On travaille littéralement sur les mêmes sujets. Par ailleurs, mon corpus de thèse est composé des mothertales. À ce jour, dans les publications francophones, on est deux à avoir fait de ces jeux des objets d’études : Fanny Barnabé (2016 pour sa mention d’undertale dans sa thèse, 2019) et moi (2017, 2020). Accessoirement, on sait aussi qui travaille sur Fortnite, sur Zelda, sur Minecraft…
Tout cela pour dire une chose simple : dans le champs : tout le monde connaît tout le monde. Si, en colloque, le comité scientifique reçoit une proposition sur Undertale ou Earthbound, ce comité aura toutes les raisons de parier sur le fait que c’est moi qui l’ait proposée.
Cependant, ça, c’était globalement quelque chose que j’avais accepté. Or, on peut dire que j’ai une double peine de part ma position médiatique, notamment via l’animation de mon blog.
En effet, mon blog, ou carnet, est pour moi un véritable outil de recherches en allant. Et je pèse ici mes mots. Cela signifie donc que je considère chacun de mes articles comme une part de mon travail de recherches, même si ce travail n’est pas publié en respectant un processus de relecture par les pairs. D’ailleurs, certains de mes articles de blog sont cités dans des publications académiques. Certains concepts que je propose gagnent parfois une certaine légitimité : les mothertales ou encore le slowplay en sont deux exemples. Cette reconnaissance médiatique intervient cependant avant une reconnaissance académique : c’est là un dilemme.
En effet, chacune de mes publications sur mon blog est susceptible d’alimenter une production académique personnelle. Par exemple, en ce moment, je cherche un colloque durant lequel je pourrai présenter plus longuement le slowplay. Or, la seule évocation de ce terme est susceptible de permettre à un comité de reconnaître la personne faisant la proposition.
Bien entendu, c’est le cas dans une autre mesure pour tout chercheur et chercheuse. Cependant, dans mon cas, il est acceptable de faire l’hypothèse que chacune des propositions que je fais pour une communication ou une publication trahissent mon identité.
Ceci étant, et même si la pratique de recherche fausse systématiquement les protocoles scientifiques, j’ai résolu ce dilemme en évitant de me le poser autre part que dans cet article.