J’ai décidé d’arrêter de jouer au Monopoly pour les mêmes raisons qu’Allan G. Johnson. Le Monopoly
est un jeu qui oblige son joueur à se comporter de manière spécifique. Quand j’y
joue, j’ai tendance à être extrêmement impoli. Je veux aussi gagner par tous
les moyens. La question est : pourquoi jouer au Monopoly me fait ressembler à une personne cupide et sans merci ?
Pour répondre à cela, nous devons considérer ce jeu comme
une représentation incomplète et ethnocentrée de notre système social
occidental. Le Monopoly a une
matérialité, son plateau et ses pièces ; il a également ses propres règles qui
encadrent les relations entre les joueur·euse·s : ils et elles se comportent de
manières spécifiquement autorisées par le jeu. Une première conclusion à propos
de Monopoly est que ce jeu ne nous permet pas d’être gentil avec les autres
joueurs. C’est pourquoi j’ai décidé d’arrêter de jouer à Monopoly.
Bien sûr, nous pouvons interroger nos personnalités dans les
jeux mais ce qui est important ici, c’est de comprendre que le Monopoly est un
jeu qui nous rend avides et toxiques dans un contexte social particuliers :
celui-de son jeu. En tant que système, nous nous conformons simplement au
jeu : nous convenons d’appliquer les règles du Monopoly tant que nous y jouons. Bien que le Monopoly soit un jeu basé sur Landlord’s
Game d’Elisabeth Magie, un jeu anticapitaliste créé au début des années
1900, sa forme actuelle est profondément enracinée dans des idéologies telles
que le néolibéralisme et le laissez-faire.
Les joueurs doivent donc se comporter de manière rationnelle
sur un marché libre. Bien sûr, le Monopoly propose une représentation partielle
de la réalité sociale actuelle, car ses concepteurs de jeux ont choisi de se
focaliser d’un certain point de vue sur certains phénomènes plutôt que sur
d’autres. Comme le dit Mary Flanagan dans son livre Critical Games, les jeux déclenchent ce qu’elle appelle des apprentissages
fortuits (incidental learnings dans
son texte) : en se conformant aux règles et aux représentations proposées, les
joueurs apprennent incidemment des systèmes sociaux partiels. En jouant à
Monopoly, je n’ai bien sûr pas appris comment fonctionne l’ensemble de
l’économie. Néanmoins, j’ai été socialisé à adopter un comportement spécifique
avec les autres joueurs : être individualiste et cupide tout en cherchant
à ruiner ses camarades. C’est à ce moment que nous pourrons introduire l’un des
concepts majeurs de Johnson : les chemins de moindre résistance (paths of least resistance), qu’il
définit comme suit :
« for its part, a system affects how we think, feel, behave as
participants. It does this not only through the general process of socialization but
also by laying out paths of least resistance in social situations. At any given
moment, we could do almost infinite number of things, but we typically do not
realize this and see only a narrow range of possibilities. What the range looks
like depends on the system we are in. » (Johnson, 2014:16)
Les chemins de moindre résistance sont à la fois des
comportements possibles et des comportements que nous choisissons de
privilégier dans un contexte social spécifique. Par exemple, comme le mentionne
Johnson, être cupide ne dépend pas seulement de la personnalité, mais aussi du
système et des relations entre les individus et le système.
« Clearly I am
capable of behaving this way as a human being, which is part of the
explanation. But the rest of the explanation comes down to the fact that I
behave that way because taking all the money and property for yourself is what
the game of Monopoly is about. » (Johnson, 2014:15)
De plus, en appliquant des règles spécifiques (les règles du
jeu), nous avons tendance à tirer des conclusions générales à partir de situations
spécifiques : si nous remportons une partie de Monopoly, c’est parce que nous
étions plus forts, plus riches et plus chanceux que quiconque. En d’autres
termes, nous « méritons » cette victoire. Ce faisant, nous ne remettons
pas en question les défauts présents dans les règles du jeu.
Comme énoncé au début, le processus de création d’un jeu transforme des corrélations occasionnelles en causalités, les jeux (vidéo) tendent à valoriser certaines représentations des sociétés plus que d’autres. Par exemple, dans Monopoly, les acteurs ont tendance à légitimer les monopoles en tant que seule organisation viable pour tous les marchés. Même si les jeux ne représentent pas parfaitement les réalités sociales, on peut aisément soutenir l’hypothèse que les joueur·euse·s ont tendance à utiliser des systèmes de jeu pour expliquer des phénomènes réels : c’est plus facile à appréhender.
Considérant les jeux comme un système social tronqué et incomplet, on peut s’interroger sur le but de la conception de jeux. Si je poursuis avec les théories d’Allan G. Johnson, on pourrait conclure que le but réel de la conception de jeux est de créer des chemins de moindre résistance pour les joueur·euse·s. Je mentionne aussi qu’ici, c’est mon propre propos qui mobilise les théories de Johnson, je n’engage donc pas son nom. En tout cas et si on reprend un vocabulaire plus typique dans les game studies, il s’agit donc plutôt de créer des affordances.
Dans un jeu de Monopoly, il est plus facile de se comporter en personne avide. Cela signifie-t-il que je suis une personne cupide dans ma vie quotidienne ? Bien sûr que non. Néanmoins, dans des situations spécifiques, je peux me comporter comme tel, et c’est bien la force des propositions théoriques de Johnson. Jouer fait que l’on nous attribue un rôle et un statut particulier dans un système. Interroger ce statut, c’est remettre en cause ce système. Libre à nous ensuite, de lutter, ou non. ■
Ce n’est pas la première fois sur mon carnet de recherches que je m’amuse à publier des lectures relativement critiques de certains papiers de game studies que je peux croiser au fil de mes pérégrinations scientifiques. De même, ce n’est pas non plus la première fois que je me plonge dans de très vieux articles de la discipline et il faut bien avouer que derrière les critiques que j’adresse régulièrement aux articles que je lis – particulièrement ceux de psychologie sociale, j’éprouve une certaine tendresse car à force d’en lire, on finit par s’amuser des problèmes méthodologiques et des errements de leurs auteurs. Je suppose que le regard que j’ai sur ces papiers issus des années 80 et 90 sera le même que l’étudiant·e qui en 2060 lira mes propres articles.
Je partage régulièrement ces lectures sur twitter, ce qui me pose problème car ce réseau ne permet pas un archivage aisé. C’est un peu comme si je créais quelque chose qui tomberait immédiatement en désuétude et dans l’oubli. C’est pourquoi, même si cela a déjà été fait sur LCV, je démarre une catégorie de billets intitulée les Out Of Context Game Studies. Quitte à rire, autant assumer pleinement ces propos. De même, ces billets seront bien plus légers que la plupart du carnet.
De fait, cette série commence avec le papier « Video Game Players: Personality Characteristics and Demographic Variables » de Mc Clure et Mears (1984).
McClure, Robert F., et F. Gary Mears. « Video Game Players: Personality Characteristics and Demographic Variables ». Psychological Reports, vol. 55, nᵒ 1, août 1984, p. 271‑76.
Le texte commence par une brève exposition du problème : nous sommes en 1984, la typologie de Bartle des joueurs.euses n’existe pas encore… bref, c’est la hess académique
Encore heureux que Mc Clure fasse un bref état de l’art en citant Barnes et Miller. Leurs conclusions sont assez frappantes : le milieu informatique n’est peuplé que de jeunes hommes fringants introvertis. Premier problème donc.
Donc en gros, nous avons là des études qui soutiennent la doxa contemporaine des informaticiens isolés/geek/célibataire/peu intéressé par les relations sociales. Or aujourd’hui, on sait aussi que les années 70 ont marqué l’éjection des femmes de l’informatique. Toujours dans ce bref état de l’art, Mc Clure cite Trinkaus en disant que dans les gares ( et par inférence, les espaces publics), le ratio est de 2 hommes pour 1 femmes que l’on peut observer jouer. Jeanne Funk (1993) observa la même chose dans les salles d’arcade.
Sauf qu’elle interprète cela comme un rapport de domination masculine de l’espace. Sans être féministe (à ma connaissance), elle énonce sommairement que les joueurs occupent plus les espaces sociaux visibles que les joueuses, contrairement aux espaces privés de jeu (salon, etc.).
Bref, tout cela pour dire cet état de l’art, aussi maigre soit-il, permet à Mc Clure de poser 3 hypothèses. 1. les hommes jouent plus que les femmes 2. Le temps de jeu est corrélé à l’intelligence du joueur.euse 3. les temps de jeu suit une fonction inverse de l’âge du joueur
On est donc dans un papier typique de psycho social (« ouf, j’ai eu peur !« , ndlr). Le problème de ces hypothèses est que finalement, elles ne sont pas soutenues par l’état de l’art qu’a fait Mc Clure. Donc les auteurs fonctionnent plutôt par transposition que par inférence. On en vient donc à la méthodologie. Mc Clure et son pote ont administré un questionnaire dans un lycée du sud-ouest des EU. Premier soucis, cette méthode biaise leur hypothèse 3. En tout état, voici le questionnaire en question.
Les questionnaires étaient composés en deux partie. La première portait sur les pratiques des joueur·euse·s potentiel·le·s et la seconde était des mesures d’intelligence basées sur le « california personality inventory » que je ne connais pas. Avec un certain recul épistémologique de quelqu’un de 2019 qui observe un questionnaire de 1984, la formalisation des questions et le format des réponses me semblent plus que douteux. Cependant, le papier ne présente pas plus de détails sur la méthodologie. Vient la présentation du terrain, tout à fait typique. La où j’explose concerne quand même l’usage du mot « negro » pour définir une partie des enquêtés.
Alors oui, un pécore pourrait dire que ce n’était pas du racisme. Si, c’était du racisme banalisé, systémique pour être précis, dans les recherches académiques. Pour rappel, certains employaient déjà le terme « afro-américain » dès les années 70. Aucune excuse.
Un nouveau soucis que j’ai avec ce questionnaire concerne l’emploi des termes « brighter » et « duller ». En va de même de certaines conclusions pétées qui suivent peut-être une doxa typique de l’époque. Je vois pas comment ce papier aurait pu être accepté autrement.
Encore une fois vient les races et les genres comme paramètres différenciant. Les auteurs suggèrent des corrélations fortes entre ces paramètres et l’intelligence par exemple. C’est tout de même compliqué lorsqu’à ce jour, il y a toujours des méga controverses sur la mesure de l’intelligence. Et il n’y a absolument aucun consensus sur sa définition non plus. Un résultat qui m’étonne malgré tout concerne l’observation des chercheurs à propos de l’anxiété à l’égard des ordinateurs, qui selon eux, serait plus présente dans les ménages avec un haut revenu.
J’ai du mal à me représenter la chose puisqu’il n’y a pas d’explications données. De plus, on commence à peine la démocratisation de l’informatique (le mcintosh qui sort la même année en janvier). Je suis preneur de toute explication possible sur le sujet. Par contre, ce qui ne m’étonne pas du tout, c’est qu’il observe une corrélation entre le temps de jeu et les sorties (pop) culturelles style cinéma. La raison, non indiquée par Mc Clure est probablement lié au revenu familiale et à l’argent de poche de l’enfant (avec évidemment l’hypothèse typiquement keynésienne de la propension marginale à consommer).
Ce qui nous amène à la conclusion du papier, je cite : « All three hypotheses were confirmed »
Étrangement, pour singer ce paragraphe, Mc Clure propose une explication intéressante à l’observation d’une anxiété à l’égard des ordinateurs chez les ménages les plus riches.
Selon mon interprétation de leur propos, les moins anxieux à l’égard de l’informatique seraient celleux qui finalement ont le moins d’expérience vis-à-vis de l’objet. 2 explications alors plus ou moins péjoratives : 1. l’informatique est nourrie par des mythes évangéliques. Explication la moins péjorative des deux. 2. l’argument complétement oppressif et paternaliste du « bienheureux les ignorants ».
Dans l’avant-dernier paragraphe de l’article, on retrouve encore cette distinction entre « brighter » et « duller« . C’est une critique que j’adresse régulièrement aux papiers de psycho sociale mais je la redonne ici : il faut des définitions à la mesure des prétentions de scientificité.
Nous avons là un paragraphe complétement dénué de sens puisqu’absolument rien n’est défini. à aucun moment. Exemple : en 1984, qu’est-ce qu’un jeu d’aventure ? Impossible de lier une forme d’intelligence à une préférence pour un genre de jeux. Enfin, au tout dernier paragraphe, l’article rappelle que les jeux vidéo sont des activités de bonhommes alors que femmes préfèrent parler.
A aucun moment le papier ne questionne sa propre méthodologie, ni ne met en place des garde-fous afin de circonscrire les conclusions. J’entends bien que l’une des bases de la socio (psycoso incluse) est de généraliser à partir d’un terrain. Cependant, là, nous avons là un exemple jusqu’au-boutiste des problèmes épistémologiques liés à l’hypotético-déductif. (je vais encadrer cette phrases) Dans ma thèse, je fais aussi de l’HD car je peux me le permettre. Ajd, y’a plein de méthodo qui permettent de prendre des précautions au croisement avec de l’inductif, grounded theory, etc. Le papier de Mc Clure et Mears est un exemple d’antithèse rédigé par des personnes sures d’elles. ■
Earthbound est un
jeu massif à cause de son héritage. Sorti en 1994, il a été développé par Ape
Studio avec à sa tête Shigesato Itoi. Le jeu nous met dans la peau de Ness, un
jeune garçon avec une destinée remarquable. En tout état, une simple météorite
tombée près de chez lui ainsi qu’un scarabée volant Bien nommé Buzz-Buzz
suffisent pour le convaincre de cela, ce qui au passage énerve son voisin Pokey
qui se met alors à le jalouser. On se retrouve donc à devoir sauver le monde de
Gyigas, une entité maléfique finalement peu définie mais au demeurant
effrayante qui répand le mal là où elle passe.
Heureusement, le jeu se termine sur la victoire de Ness et
de ses amis Paula, Jeff et Poo, tous aidés par les habitants de Chommo,
Foggyland et Eagleland : les trois contrées d’Earthbound. Aussi étonnant que
cela puisse paraître et malgré mes intérêts de recherches, je n’ai commencé à
jouer à earthbound qu’en 2019. Pourtant, c’est sa suite spirituelle, Undertale
sorti en 2015, qui me lança dans les recherches académiques. Ce n’est que
maintenant que je considère ce jeu comme incontournable, de par son héritage.
Ainsi, autant pour mes
recherches que par envie de développer une pensée sur le jeu, je vais me
concentrer dans ce premier billet sur la façon dont le jeu structure les
relations antagonistes dans le pays d’Eagleland. C’est l’une des premières
caractéristiques que j’ai observée dans le jeu : la progression des
ennemis et des problématiques sociales qu’ils représentent. Au tout début du
jeu, la police et un gang local sont tour à tour les antagonistes successifs de
Ness. Au premier abord, les premiers semblent plus potaches que méchants. En effet,
on apprend très vite que la police de Onett (la ville de départ) fait du zèle
et ce, en particulier concernant le blocage des voie piétonnes et routières.
Elle est d’ailleurs championne du monde à ce sujet si l’on en croit les divers
policiers que l’on rencontre. Peu après, on comprend que la ville est sous le
joug des Shark, un gang zonant autour de la salle d’arcade et gouverné par
Frank, un délinquant sans envergure. Une fois leur compte réglé, c’est la
police qui en veut à Ness. A tel point que le journal local, le Onett Time (dont je suppose un jeu de
mots avec « One at a time »), en fait une nouvelle.
Arrivé dans la ville de Twoson, on apprend que sa population
se fait actuellement recrutée par la secte Happy Happy. On découvre au passage
que des parents ont abandonné leurs enfants et que Paula, jeune fille aux
pouvoirs mystiques, fut capturée et emprisonnée par le leader du culte. Outre
le fait que l’on décide de sauver Paula tout en mettant un terme à cette secte,
c’est à ce moment que j’ai commencé à comprendre ce que le jeu nous faisait
faire en tant que Ness. Le jeu nous fait traverser des villes
dysfonctionnelles. Dans la ville de Threed, assiégé par des zombies. Après
avoir rencontré Jeff, l’équipe part vers la vallée Saturne. Elle découvre alors
l’existence d’une base secrète gérée par le monstre Belch. C’est à cause de
cette base et de la pollution qu’elle génère que les morts semblent se réveiller pour assaillir Threed.
Une fois les problèmes de la ville de Threed résolus, l’équipe part pour Fourside, tout en remarquant les problèmes que peuvent générer le trafic de voitures, surtout lorsque cela aboutit à un embouteillage colossale. Une fois arrivée dans ce qui semble être la mégalopole d’Eagleland, ce sont de nouveaux problèmes qui surgissent. En effet, le maire actuel, de son nom Monotoli (référence alors évidente aux situations de monopoles et au Monopoly), semble être empêtré dans des affaires louches à base de pots-de-vin et de collusions entre le service public et les affaires privées.
Le nombre de parallèles entre les situations que révèle EarthBound et les pays occidentaux est, il me semble, étrangement actuel. A Onett, on apprenait que la police se comportait en gang contre des enfants. Difficile alors de ne pas faire la comparaison avec des vidéos de policiers maltraitant des jeunes : autant aux Etats-Unis que récemment en France avec la scène surréaliste de Mantes-la-jolie. A Fourside, c’est un ancien magnat qui se lance en politique et qui selon le Fourside Post, ne répond à des problèmes de fond que par de légères actions sans véritable impact : « trop de crimes dans les contre-allées mal éclairées ? Qu’à cela ne tienne, les crimes auront lieux dorénavant à ciel ouvert ». Le groupe fini par s’occuper du maire véreux, en espérant que cela permettent aux fonds publics d’être adressés aux hôpitaux de la ville par exemple. Se faisant, nous résolvons les derniers problèmes d’Eagleland, avant bien sûr la bataille finale et nos péripéties à Foggyland et Chommo. Les deux dernières destinations contrastent avec Eagleland dans le sens où le récit même devient encore plus fantastique. C’est probablement notre rencontre avec Poo qui est le point de bascule.
Dans tous les cas, ce qui m’a marqué dans Earthbound, c’est que chacune des situations
dysfonctionnelles que nous rencontrons ne sont pas le fait d’une personne ou
d’un individu. Au contraire, ce sont les produits de systèmes incarnés par la
menace Gyigas et les différentes statues Mani Mani disséminées dans le monde et
qui ne sont que des relais de diffusion du mal. En ce sens et contrairement aux
jeux qui font d’un antagoniste la cause de tous les maux, Earthbound prend le contre-pied et porte ses accusations sur des
systèmes incarnés par Gyigas et ses statues. Finalement, les opposants que nous
rencontrons au fil de notre aventure sont des personnes qui décident de porter
le système. Le paroxysme de cela est incarné par Pokey qui ultimement s’est
allié à Gyigas par peur de ce dernier et il ne parviendra plus à s’extraire de
cette folie. Contrairement à Ness et ces amis qui décident, finalement plus par
sérendipité que par une volonté de faire face, de toujours choisir s’opposer
aux systèmes vicieux qu’ils rencontrent.
De manière totalement subjective, et pour sa défense car il
est un personnage plus ou moins détesté par la communauté, plusieurs facteurs nous
permettent de conclure que Pokey, avec tous ses torts, est aussi le résultat
d’un système toxique et vicieux. Pour rappel, au début du jeu, nous comprenons
que ses parents le battent, lui et son frère.
En ce sens, EarthBound
porte un discours sur la sociologie des plus intéressants qu’il m’est été
donné de jouer. Je rapproche beaucoup son propos de la pensée interactionniste
de Allan G. Johnson qui dans son livre The
Forest and the Trees énonce que chaque société « hérite » d’un
système social comprenant normes, règles, lois, etc. Ce système, par la mise en
place de « sentiers de résistance faible » ne nous obligent jamais à
nous comporter d’une certaine façon, cependant, il nous suggère que certains
comportements sont plus faciles à adopter que d’autres. C’est ce que je
retrouve dans EarthBound. Chacune des
villes se voit hériter d’une statue Mani Mani, connue pour diffuser le Mal. Ce
sont leurs occupants alors qui décident de perpétuer ce caractère vicieux au
système sans le remettre en cause. En ce sens, le jeu ne propose finalement pas
d’antagonistes humanoïdes particulièrement horribles. Même les Starmen, peuple alien, ne semblent pas
s’imposer comme de véritables ennemis voulant à tout prix imposer la
destruction. C’est à ce moment que le discours d’Earthbound sur les systèmes portent aussi ce qui peut ressembler à
la banalité du mal (Arendt, 1997 [1963]) : au final, les individus sont
insignifiants tandis que le Mal, sous la forme de Gyigas, semble intemporel.
Gyigas est quant à lui une figure intéressante dans le sens
où il incarne un Mal qui nous est impossible à appréhender. Contrairement à
Asgore et Flowey qui sont les deux antagonistes principaux de l’une de ses
suites spirituelles, Gyigas a finalement bien plus de points communs avec le
mythe de Cthulhu dont le sens où il nous est impossible de comprendre la forme
et les actions de Gyigas. Certaines théories sur internet sont en rapport avec
l’apparence de fœtus qu’il revêt. Cependant, je préfère d’avantage voir Gyigas
comme un système vicieux et intrinsèquement malfaisant.
Ainsi, chacun des ennemis et des bosses que nous rencontrons
sont plus simplement des êtres plus ou moins normaux qui ont décidé d’embrasser
le « système Gyigas ». Monotoli, après l’ultime bataille devient un
simple majordome de son immeuble. De fait, il me semble possible de dire L’un
des intérêts de Gyigas est précisément le fait qu’à aucun moment, celui n’est
incarné. C’est donc à mon sens contre une idée du Mal que l’on se bat, bien au-delà
de n’importe quel antagoniste ou manichéisme. L’une des clefs qui me fait
aboutir à cette conclusion est notamment la présence d’une statue Mani Mani à
Magicant, pays plus ou moins onirique se trouvant dans les pensées de Ness.
Bien plus qu’un antagoniste, Gyigas est le Mal en chacun de nous, présent dans tout système social. L’une des leçons que je tire de l’épopée de Ness et de ses amis est donc cela. Ce jeu nous interroge systématiquement sur la façon dont on (les joueurs et joueuses incarnées par Ness, Paula, Jeff et Poo) se positionne par rapport à un système : quel est les choix qui font que l’on va plutôt se situer du côté du bien et quels choix nous seront reprochés lors de notre aventure car fondamentalement, ceux-ci étaient des mauvais choix. Dans tous les cas, j’aurai l’occasion de revenir sur la façon dont EarthBound met en avant l’empathie du joueur ou de la joueuse pour ses personnages non-joueur·euse·s. ■
esteban grine, 2019.
Bibliographie
Arendt, Hannah, Michelle-Irène Brudny-de Launay, et Anne Guérin. Eichmann à Jérusalem. 2e édition augmentée. Gallimard, 1997.
Les jeux de Baroque Decay se comptent sur les doigts d’une
main. Count Lucanor, sorti en 2016,
raconte l’histoire de Hans, jeune garnement de dix ans beaucoup trop sûr de lui
et parti à l’aventure suite à un désaccord avec sa mère. Même s’il reçoit
quelques objets et vivres pour survivre quelques temps, il les abandonne très
tôt. La nuit venue, il se réveille et les animaux qui auparavant ne lui
voulaient aucun mal souhaitent désormais le manger. Arrivé au manoir du comte
Lucanor, il apprend qu’il lui est possible de devenir le nouveau comte : s’il
réussit les épreuves qui lui sont proposées, alors il succédera à Lucanor,
depuis longtemps décédé. En se promenant dans le manoir, on comprend bien vite
que celui-ci a été maudit et l’apothéose de cette malédiction survient lorsque
l’on révèle que ses cachots emprisonnent encore une sorcière qui semble être l’origine
de tous les problèmes.
Attention ! Cet article révèle des éléments clefs de l’intrigue des jeux de Baroque Decay. Certains segments des histoires ont été simplifiés.
Contrairement au monde enchanté de ce premier jeu, Yuppie Psycho (2019), sous-titré « first job horror simulator » nous
met dans la peau de Brian Pasternack, un homme à l’apparence du jeune cadre
dynamique arrivant, on ne sait trop comment, à son premier emploi dans la
mégacorporation SintraCorp. Il nous est révélé par la suite qu’il a reçu une
lettre rouge d’offre d’emploi lui permettant d’accéder au rang A des catégories
sociales de ce monde au relent de (Le)Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley. A
la signature de son contrat, il découvre qu’elle va être sa mission dans l’entreprise :
abattre la sorcière qui empoisonne le bâtiment, transformant les salariés en
carcasses zombifères ou pire, en monstres tout droit sortis du film L’échelle de Jacob, de Adrian Lyne
(1990).
Que cela soit Hans ou Brian, chacun vont se retrouver plus
ou moins accompagnés par des personnages amis l’aidant dans leur quête. Bien
que leurs intérêts soient clairement distincts – Hans veut richesses et
merveilles tandis que Brian recherche plutôt une forme de simplicité – chacun finit
par résoudre les problèmes de ces lieux corrompus, d’un côté un manoir
féérique, de l’autre une entreprise.
On retrouve dans ces jeux les motifs principaux de l’actuelle
ludographie de Baroque Decay et de son game
designer : Francisco Calvelo. Un jeune homme relativement candide
arrive dans un lieu subissant les affres d’une forme de corruption dont la
cause est liée à une sorcière : Lucrezia dans le The Count Lucanor (TCL) et Domori dans Yuppie Psycho (YP). Il reçoit de manière plus ou moins directe l’ordre
de l’abattre, ce qui le conduit à une forme confrontation. Les systèmes de
sauvegarde sont liés à une forme de salvation ou de corruption. Dans TCL, en
jettant une pièce dans une des fontaines, on « sauve notre âme »
tandis que dans YP, en photocopiant notre visage, un finit par « partitionner »
notre âme et donc à la corrompre. Dans ce dernier cas, la signification est
alors similaire des fioles de sang dans Bloodborne
(From Software, 2015) : leur utilisation fait que nous nous protégeons
à court termes mais cela nous corrompt à long terme.
Les deux jeux prennent aussi une forme particulière pour ce
qui est du temps de la chose racontée. Tout d’abord il y a une unité de temps
et de lieu respectant, ou plutôt, reprenant de manière vidéoludique, les règles
du théâtre classique. Les histoires quant à elles dépassent finalement la
simple chasse aux sorcières, cette dernière ne se révélant alors qu’une
péripétie parmi d’autres. Enfin, elles se concentrent particulièrement sur la
représentation de formes d’aliénations. Dans TCL, Hans ne s’extrait jamais de
sa condition, tout comme les personnages que nous rencontrons (la mère et son
fils entre autres). Dans YP, chacun des salariés de l’entreprise sont
pleinement conscients de son caractère dysfonctionnel, pourtant chacun et
chacune ne peut s’empêcher de continuer indubitablement, malgré les monstruosités
rencontrées. Dans tous les cas, nous avons là deux jeux particulièrement
similaires dans leur fond et dans leurs formes. Les héros, aidés de personnages
non-joueurs navigue dans un espace à la frontière de ce qui leur est réel ou
imaginaire, en résolvant des énigmes, fuyant les monstres et métaphoriquement
mettre fin aux sorcières qui ne sont finalement pas les premières coupables de
la corruption des bâtiments, elles sont tout au plus complices volontaires ou
involontaires.
Si la métaphore dans The Count Lucanor s’arrête bien vite de par sa diégèse féérique, Yuppie Psycho arrive à porter un double discours bien plus significatif et c’est sur ce point que ce jeu me semble être important : en faisant de l’entreprise un lieu horrifique, le jeu formalise des situations effrayantes qui font échos à certaines formes de réalités professionnelles. Il faut se représenter une entreprise qui pousse ses collaborateurs à la folie ou au suicide. D’une manière générale, l’absence de hiérarchie fait que de nombreuses personnes travaillent dans le vide sans donner sens à leurs actions. Par ailleurs, on se retrouve dans des atmosphères toxiques de travail : certains salariés allant jusqu’à nous blesser si l’on s’approche trop près d’eux. Par exemple, Brian commence son travail dans un bureau dont l’atmosphère, on le comprend bien vite, est particulièrement toxique à cause d’un collaborateur en particulier : Mr. Hugo. Celui-ci joue des tours, ment à ses collègues, fait de la rétention d’informations et par-dessus tout, est le candidat favori à la succession de la présidence de l’entreprise. Il représente le collaborateur qui écrase les autres pour avancer. C’est par exemple quelque chose que j’ai vécu dans mon précédent emploi et c’est peut-être pour cela que j’y suis sensible dans ce jeu.
Les autres salariés ne sont pas plus sympathiques pour autant hormis quelques rares exceptions dont bien évidemment Kate qui elle aussi démarre son premier jour en même temps que nous. Cependant, elle aussi, aussi gentille soit elle, illustre une forme de collègue ne se révoltant pas contre des situations toxiques ou contre des aberrations. Au pire, nos collègues sont néfastes, au mieux ils sont sympathiquement inutiles pour la plupart. Un autre moment qui m’a particulièrement marqué se déroule lorsque nous explorons le service des ressources humaines pour trouver des collaborateurs et des collaboratrices se prosternant devant une bouche géante semblant être la seule étant capable de promouvoir ces personnes carriéristes.
Ainsi donc, Yuppie
Psycho porte un regard très critique vis-à-vis de l’organisation de travail
dans des structures internationales : absence de véritable hiérarchie,
absence de responsabilités des collaborateurs on nage en plein bullshit job théorisé par David Graeber
comme des métiers vides de sens faisant leurs apparitions au gré des modes. Un
dialogue apparaissant vers la fin du jeu illustre à mon sens tout ce que je
viens de rapidement énoncer :
Brian : This place is a nightmare. Why don’t people leave ? Why don’t we all leave ? Sosa : Because we can’t. Brian : What do you mean ? Sosa : We’re trapped. Her power is so great that, without realizing it, you are under Her influence from the very moment you enter the building. The more you get involved, the more time you spend working, the more you use those cursed papers… Brian : … Sosa : It’s sucking you further and further in. Brian : What are you telling me ? Is there no way out of here ? Are we locked in this nightmare for life ? Sosa : A lot of people jump from the rooftop… But there is a much better solution. The definitive solution. Brian : … Sosa : Kille Her. Brian : … Sosa : But you already knew that, didn’t you ? Brian : What do you mean ? Sosa : Mappy told me she saw you looking for that old book in the Archives. Brian : Huh ? Ah, well… That… I got lost and… Sosa : I’ve seen you use those papers from Her to photocopy your soul. You’ve been wandering around the building since you got here. And now the poison… You’re a Hunter, Pasternack.
Ultimement, les jeux de Baroque Decay ne proposent pas fondamentalement de résolution satisfaisante. Au contraire, celles-ci sont déceptives dans le sens où elles ne clôturent pas fondamentalement les histoires. Dans Yuppie Psycho, nous ne faisons que finir notre première journée. De même, certaines fins contiennent à mon sens des éléments annonciateurs d’autres phénomènes horrifiques. Ou plutôt, il indique que nos personnages sorte d’une aliénation pour en démarrer une nouvelle : les cycles ne se terminant jamais. Une étrange progression illustre cela dans Yuppie Psycho : les visages de Brian contre une glace. D’abord celle de l’imprimante, durant laquelle on peut effectivement observer la folie gagnant Brian puis enfin, celle du train. L’aliénation n’est alors qu’une perspective puisque la structure et le système restent les mêmes. C’est peut-être cela, le message caché des jeux de Baroque Decay: on choisit encore et toujours notre prison, revient à nous le devoir de la colorer avec de la peinture dorée ou non.
Je suis intervenu aux journées doctorales « Appropriation des objets numériques » co-organisées par l’OMNSH et le GReMS (UCLouvain). Une version sera uploadée ultérieurement sur Archives Ouvertes.
Pour citer cet article : Giner, E., (2019). Enjeux des photographies vidéoludiques : un état des pratiques. Communication donnée aux journées doctorales 2019 « Appropriation des objets numériques » organisées par l’OMNSH et le GReMS. Les 9 et 10 juillet 2019 : UCLouvain, Louvain-la-Neuve.
Giner, E., (2019). Enjeux de photographies vidéoludiques : un état des pratiques
Dans le cadre de cette communication, je
vais particulièrement me focaliser sur une pratique de joueurs et de joueuses
qui existe quasiment depuis le début du jeu vidéo à savoir, les photographies
prises en jeu. Si les photos ou les modes photos peuvent sembler être une
pratique de niche, leur prolifération au sein des jeux dits “triple A” est le
reflet d’un certain engouement pour cette pratique autant de la part des
communautés de joueurs et de joueuses, que des éditeurs. En témoigne par
exemple cette photographie vidéoludique d’Aloy, héroine du dernier jeu du
studio Guerilla Games : Horizon Zero Dawn (2017), qui fut utilisée par le site
d’information GamesRadar pour
annoncer une mise à jour de son mode photo. Cette illustration n’est pas non
plus anodine puisqu’elle me permet au passage de remercier le comité de
sélection et d’organisation de ces journées.
Lorsque l’on parle d’appropriation des
objets numériques, les photographies en
jeux semblent être un constat particulièrement visibles. A land to die in (Rauch, 2008) et Glitchscapes (Rauch, s.d.) sont deux projets photographiques qui
témoignent d’une forme d’appropriation encore peu observée au sein des études
francophones des jeux vidéo. Rauch réalisa des séries de screenshots représentant des corps inertes d’avatars dans la
première série et des environnements buggés
dans la seconde.
Loin d’être un épiphénomène, la
« photographie en jeu » (Gerling, 2018)[1] définit
une forme de transformative play dans
le sens où l’acte de jouer est un acte créateur (Salen et Zimmerman, 2003).Pour
autant, si originellement cette pratique pouvait être associée à une forme de
braconnage au sens de De Certeau, l’intégration progressive de ce phénomène au sein même du code informatique d’un
jeu nous suggère une pluralité de pratiques et de structures encadrant ces
pratiques. Les concours en sont un reflet.
Ceux-ci peuvent être organisés
directement par les communautés : en témoigne le concours organisé sur le forum
JVC consacré au jeu Red Dead Redemption (Rockstar, 2018). Ils peuvent aussi
être gérés directement par les studio et les éditeurs.
En 2018, Sony et le studio Santa Monica
organisèrent un concours de photographies. Ce concours a permis de générer un
nombre conséquent d’interactions et de contenus sur les réseaux sociaux comme
en témoigne l’abondance du hashtag #GOWPhotoMondeContestEntry sur Twitter.
Il y a donc dorénavant aussi des enjeux
commerciaux pour les éditeurs. Si d’un côté il est bien question d’une
appropriation artistique ou communicationnel, de l’autre, il est d’avantage
question donc d’UGC, de user-generated
contents. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en discussion les
pratiques amatrices et une forme de digital
labor, à savoir le travail social en réseau regroupant la production de
contenus et leur partage auprès de contacts d’un réseau (Casilli, 2019).
Malgré toutes ces formes de pratiques
dont les quelques exemples que j’ai présentés ne sont qu’une infime partie, il
apparaît que les photographies vidéoludiques sont encore peu étudiées dans le
milieu scientifique francophone et ce, même si les sciences populaires se sont
saisies du sujet,en témoignent par
exemple les essaies vidéo produits par les chaines Arté (2017), Pseudoless
(2018) et « Un Bot Pourrait Faire Ça » (2017). La presse spécialisée
s’est elle aussi déjà penchée sur le sujet. En témoigne par exemple le très
récent article d’Ellen Replay : “Les catalogues précis du jeu vidéo” publié le 9
avril 2019 sur CanardPC.
Cette communication s’inscrit donc dans
une démarche exploratoire dont l’objectif est de présenter un état de l’art et
des pratiques artistiques, archivistiques et communicationnelles des joueurs et
des joueuses et des entreprises. L’objectif sera d’aboutir à une typologie des
photographies vidéoludiques tout en prenant en compte l’ambivalence de ce
phénomène, entre pratiques et digital
labor. Nous étudierons donc aussi « les stratégies adoptées par les
concepteurs de jeux vidéo pour encourager ou, au contraire, brider de telles
appropriations ludiques qui dépassent le cadre de l’interprétation »
(Cayatte, 2016).
Après une première partie consacrée à une
histoire de la photographie en jeu et des enjeux actuels de la recherche, je
proposerai une analyse typologique des photographies vidéoludiques et des
pratiques en fonction de deux paramètres : les outils et les lieux de
publication. Je consacrerai la conclusion de ma communication à réencastrer la
photographie vidéoludique dans une tendance plus générale des acteurs du jeu
vidéo à monétiser le digital labor des
joueurs et des joueuses.
1. Une histoire de la photographie vidéoludique
Dès le début de l’informatique, on voit
émerger des outils permettant de photographier directement les écrans.De
manière plus amatrice, un simple appareil photo pouvait être utilisé dans une
salle d’arcade ou chez soi pour prouver un record. L’un des derniers records de
Wes Copeland, joueur de Donky Kong
est d’ailleurs illustré de cette façon. Dans un épisode de speed game, l’animateur Yan Chauvière expliquait avoir photographié
son temps ingame au jeu Super Metroid (Nintendo, X) dans le but
de participer à un concours. Dans ce cadre, la photographie est liée à un hardware externe à la machine.
Cette photographie d’écran n’était alors
qu’une technique parmi d’autres puisque très tôt, l’informatique intègre des
outils de captures d’écran notamment signifié maintenant soit par la touche imp écr, soit par l’outil
« capture » permettant de sélectionner tout ou une partie de son
écran. Le McIntosh d’Apple de 1984 intègre par exemple une commande similaire. C’est
par ce biais que des images de jeu vont pouvoir rapidement circuler sur
internet. Certains outils de photographie en
jeu reposent sur ces captures d’écran. C’est le cas de Steam ou de Uplay qui par
le biais de la touche F12, sauvegardent instantanément toute actualisation du
jeu qui se trouve être joué.
Directement dans les jeux vidéo et leur
code, on pourrait supposer son apparition avec les deux dernières générations
de consoles et les différents modes photos sur lesquels je reviendrai plus tard
mais pourtant, dès les années 1990, l’acte de photographier faisait déjà partie
du jeu. Particulièrement, il s’agissait alors de photographier l’audience, par
le biais de son avatar, à des moments précis des jeux de sorte à le valoriser,
comme dans le cas de Rayman (Ubisoft, 1995) où l’avatar est photographié. La
photographie est alors aussi un moyen de signifier le voyage parcouru. Dans les
jeux Zelda : Link’s Awakening (1993)
et Earthbound (1994), les héros Link
et Ness sont périodiquement photographiés. Pour le premier, les photos étaient
imprimables via le Game Boy Printer tandis que pour le second, les photos
faisaient leur apparition dans le générique de fin pour signifier tous les
lieux parcourus par l’audience pendant son aventure.
Par la suite, on trouve des jeux faisant
de la photographie le cœur de leur expérience-cadre, comme par exemple Pokémon Snap (Nintendo, 1994) ou encore Beyond Good & Evil (Ubisoft, 2001)
dans lequel nous devons photographier la faune et la flore d’une planète. La
photographie peut devenir ponctuellement l’enjeu central d’une quête comme par
exemple dans Gravity Rush 2 (Japan
Studio, 2017) dans lequel, à un moment, nous devons suivre un voleur et le
photographier. Ci-contre, une photo de moi, en train de le suivre et incarnant
Kat, l’héroïne du jeu.
2.
L’état de l’art actuel à propos de
la photographie vidéoludique
Les recherches anglo-saxonnes se sont
déjà intéressées à la question des photographies en jeu. Betsy Book l’associait
à des expériences touristiques (2003). Cindy Poremba quant à elle l’envisageait
plus largement comme « une expression créative qui peut survenir à travers
la remédiation de la capture d’écran et à travers l’usage de la photographie en
tant que structure ludique » (2007:57)[2].
A ce jour, cette communication s’inscrit
d’avantage dans les travaux de Winfried Gerling, professeur à l’université des
sciences appliquées de Postdam. Celui-ci définit la photographie vidéoludique
de la façon suivante : Il s’agit d’une forme de transformative play dans le sens où une audience s’approprie un
jeu, ses personnages, sa topographie par une activité qui ne s’inscrit pas
forcément dans le cadre du jeu, ou du moins dans ce qui est défini comme le
champ des possibles ludiques.
« Aside from a few games in which photography
is part of the gameplay, in a computer game, photography is
« transformative playing »43— i.e. an activity not within the rules of
the game. It is a creative and reflexive appropriation of the game »
(Gerling 2018:158)
Par le biais d’une caméra imaginaire
(Krichane, 2018), une audience peut donc explorer un espace-temps, un moment
suspendu dans le temps de la chose racontée (Cayatte, 2018) afin de s’essayer à
tout type de genres photographiques.
« All types of conventionalized photographic
genres are tried out: landscape, portrait, architecture, erotic/pornographic,
and documentary photography, among others. Photographers always seek out
remote, dilapidated, and destroyed places in the game and the aesthetics of
ruins » (Gerling 2018:159)
J’ajoute à la liste de Gerling les
selfies vidéoludiques qui font aujourd’hui le pont entre la tenue d’un carnet
de voyage, d’une pratique touristique et d’une mise en récit de soi dans l’acte
vidéoludique. On peut aussi faire mention de certains queer games qui se sont saisi des pratiques photographiques
contemporaines pour créer un jeu. On peut par exemple citer Cobra Club (Robert Yang, 2015) dont
l’objectif est de réaliser des photos de ses organes génitaux.
D’une manière générale, à ce jour, le
modèle dominant de photographies vidéoludiques semble être les « modes
photos ». Ces modes de jeu sont
particulièrement présent dans les jeux proposant des mondes très vastes à
explorer comme Assassin’s Creed Odyssey (Ubisoft,
2018) par exemple. Il s’agit alors de boîte à outils reproduisant de nombreux
paramètres de la photographie numérique : contrôle de l’obturateur, de la
luminosité, du focus, etc. A cela peuvent s’ajouter des fonctionnalités
inspirés de certains réseaux sociaux : ajout de filtres, de stickers, etc.
Théoriquement, il me semble pertinent de
formaliser ces modes photo, non pas comme quelque chose d’extra-diégétique mais
plutôt de para-diégétique dans le sens où il s’agit d’un outil mettant en pause
le jeu en action pour donner accès
dans une certaine mesure directement aux assets représentés et rendus. On
pourrait aussi les assimiler à des processus de disengamement qui selon Stéphane Goria, définissent des processus durant
lesquels on retire les marqueurs pragmatiques d’un objet ludique. Il est donc
important ici de constater ici des pratiques du côté audience, qui prend des
photos avec, mais aussi des entreprises développeuses puisque volontairement,
elles retirent les fonctions ludiques de leurs jeux.
Une caractéristique importante de ces
photographie semble être dans le rôle polyvalent de l’audience photographe puisque
celle-ci, en plus de la caméra, sont en mesure de contrôler dans certaines
mesures l’environnement, parfois le modèle qui possède des emotes, et
littéralement le temps puisque dans la plupart des cas, les modes photo
permettent d’explorer une actualisation à un temps T d’un calcul de rendu par
la machine.
Les modes photos actuels prennent aussi
dorénavant des fonctions sociales. Par exemple, la version playstation de AC Odyssey intègre la modalité de
partage constructeur, en l’occurrence le ps
share, mais propose aussi aux joueurs et joueuses de partager leurs photos
soit dans le jeu directement : AC
Odyssey permet de voir les photos des autres joueurs directement sur la
carte du monde, soit dans une base de données observable en ligne directement
sur un site d’Ubisoft.
A l’issue de ce premier état de l’art,
j’observe deux constats : le premier est qu’à ce jour, très peu de travaux
portent sur les photographies vidéoludiques. Une hypothèse expliquant cela
qu’il s’agit d’une pratique de niche chez les audiences et même si cela est
difficilement quantifiable, on peut supposer que les photographes de jeux vidéo
qui se définissent comme tels représente une infimes partie des joueurs et des
joueuses. A titre d’exemple, sur le serveur discord Gametography que je suis en observation participante, j’estime que
les photographes partageant leurs travaux représentent moins de 10% des
personnes présentes.
Un deuxième constat est plus intéressant
à mon sens : à ce jour, les distinctions qui semblent aujourd’hui opérantes
se font en fonction des intentions des joueurs et joueuses photographes. Betsy
Book l’associait à une pratique touristique. Gerling quand à lui préfère
distinguer les pratiques archivistiques des pratiques artistiques.
Pour les pratiques archivistiques, nous
pouvons notamment mentionner les nombreux catalogues de photos alimentés par
des contributeurs socialement identifiés. On peut notamment évoquer deux
comptes twitter à savoir celui de Jess Morissette, professeur à l’université
Marshall, qui entretient le Video Game
Soda Machine Project : catalogue regroupant actuellement environ
3 000 distributeurs de sodas représentés en jeu. Plus récemment, le compte
@CanYouPetTheDog qui se présentent comme
un catalogue de tous les chiens que l’on peut ou pas caresser dans les jeux
vidéo.
J’ai aussi déjà évoqué quelques pratiques
artistiques, comme A Land To Die de
Rauch, mon terrain est particulièrement fertile à ce sujet. Organisé par jeux,
les photographes partagent des productions soit directement issues des jeux,
soit modifiées par l’usage de logiciel tiers directement dans le jeu, le cas de
ReShade, soit modifiées en post-production. Actuellement, les échanges portent
principalement sur la qualité des photographies. Très peu portent sur des
questions de méthodes. En parallèle, un premier ouvrage collaboratif va sortir
à la fin de cette année. Il regroupera des contributions de la communauté et
cet événement est important car cela va être l’un des premiers documents de
légitimation artistique des photographies vidéoludiques produites par des
joueurs et des joueuses. De même, ces pratiques et les formes de légitimations
liées sont des constats d’un changement de paradigme dans notre appréciation
esthétique des mondes vidéoludiques. Il y a une appréciation de la diégèse mais
aussi de l’objet industriel. A ce sujet, le compte de Henry Potter est
particulièrement révélateur puisque ce « Forzatographe », photographe
spécialisé dans les jeux de course Forza, alimente un catalogue appréciant le
jeu, son code, mais aussi les voitures modélisées.
3.
Pour une typologie dynamique des
photographies vidéoludiques
A l’issue de la partie précédente, il me
semble avoir présenté un large panel de pratiques et d’outils. Jusqu’à présent,
les modélisations se font en fonction des outils et des intentions. Or, dans le
cadre de notre problématique, c’est-à-dire l’ambivalence de la photographie
vidéoludique en tant que pratiques amatrices et digital labor. De même, les travaux s’inscrivent en science de
l’art alors que je souhaite d’avantage interroger cette pratique depuis la
sociologie des objets. En effet, les photographies vidéoludiques, qu’elles
soient des screenshots, des photos ou
des photographies d’’écran, sont rendus possible par la rencontre d’une
audience (qui font le cliché), des jeux, et des outils de capture. C’est
pourquoi dans la partie suivante, je vais présenter des synthèses permettant de
modéliser les interactions ancrées dans des lieux de socialisations en ligne et
hors ligne.
A partir de ce
que j’ai présenté, il semble premièrement que les outils peuvent être disposés
sur un continuum hardware ó software. Afin de révéler les formes de communications ainsi
que les enjeux liés aux photos pour les entreprises développeuses, j’ai
identifié à l’issue de mes observations six lieux de publication que je
formalise sous la forme d’un continuum d’exposition. A ce jour, en 2019, les
six outils de captations que j’identifie sont :
Les appareils externes (appareils photos,
smartphones)
La machine par l’intermédiaire d’un input dédié (la touche imp écr. le
bouton share)
Les logiciels tiers (qui sont associés à certains
composants de la machine comme le cas d’Ansel, une freecam développée par
Nvidia)
Les outils photo proposés par les plateformes (la
touche F12 sur Steam, GoG et Uplay)
Les appareils photos ingame (la caméra diégétique de Beyond
Good & Evil
Les modes photos (qui sont des fonctionnalités
issues du disengamement raccourciçant la relation entre l’opérateurice et la
machine).
A ce jour en 2019, j’identifie 6 lieux de
publications qui viennent cadrer les formes de socialités associés donc à ces
objets dans leurs contextes de publication :
Dans un lieu ou objet physique dédié à
l’exposition (musée, galerie, etc.)
Dans un lieu ou objet physique détourné ou privé
Sur un espace de stockage privé (serveur, disque
dur)
Sur une plateforme sociale propriétaire (le
playstation network, Steam)
Sur un réseau social lié au jeu (la carte d’AC
Odyssey, les sites des jeux)
Sur des réseaux sociaux tiers (Flickr, twitter,
imgur, etc.)
Cette matrice permet alors de révéler les artefacts issus d’une pluralité de pratiques. J’énonce donc ici, presque dans une tradition geertzienne que les documents sont révélateurs de pratiques.
Cette analyse typologique que je propose
illustre les différentes interactions qui peuvent avoir lieu entre les
personnes photographes et les créateurs de jeu vidéo. Ainsi, il semble important
de constater Plutôt que de prendre un positionnement tranché, la typologie que
je propose invite d’avantage à considérer chacun des croisements [Outils –
contextes de publication] définit un système dans lequel chaque individu peut
exprimer une pratique – on peut voir que je n’ai pas réussi à remplir
l’intégralité des cases – et la façon dont les autres acteurs, principalement
les entreprises, peuvent réutiliser ces pratiques en tant que formes de digital labor. Par exemple, une photo
réalisée directement avec le mode photo puis publiée directement sur un réseau
social lié au jeu contribue directement à l’augmentation du contenu lié au jeu.
La même photo publiée sur un réseau social tiers contribuera à la
visibilisation du titre auprès d’une audience non joueuse. L’ajout automatique
de Hashtag sur Twitter est alors une stratégie mercatique des entreprises afin
de profiter des pratiques photographiques tout en permettant une communication
gratuite.
Etant donné que cette communication est un premier pas dans le cadre d’une recherche exploratoire, il semble intéressant de conclure qu’en rappelant que si jusqu’à ce jour, les photographies vidéoludiques étaient définies principalement par le prisme de l’intention d’auteur, la matrice typologique que je propose me semble pertinente pour encastrer ces pratiques dans un contexte social de publication tout en étant liées à des outils technologiques soit proposés par les créateurs des jeux, soit apportés par une communauté directement à l’instar des freecams. L’intérêt de cette formalisation permet à mon sens d’envisager par le biais de cette pratique les enjeux et les objectifs variés voire contraire entre les acteurs de ce phénomène. De nombreux prolongements peuvent cependant être envisagés. Premièrement, il convient d’interroger d’un point de vue légal la propriété de ces productions. Secondement, si la matrice que je vous ai présentée n’est pas complète, la poursuivre semble une perspective passionnante.
Ultimement, si le sujet que j’ai abordé
dans cette communication semble trivial, il me semble pourtant être le reflet
d’une tendance plus lourde des directions prises par l’industrie du jeu vidéo à
savoir : la récupération et la concentration progressive de toutes les
pratiques parallèles du jeu. Si auparavant, la photographie se faisait en
dehors de tout cadre pensé par les éditeurs, elle est aujourd’hui complétement
réintégré dans leur giron. Il en va de même pour le modding qui se faisait de manière libre avant d’être régulé une
première fois par les plateformes telles que Steam Workshop pour dorénavant être directement intégré dans des
jeux bacs à sable dont l’objectif est dorénavant de créer d’autres jeux. On
peut citer notamment La Forge de Overwatch
ou encore Fortnite Creative.
Ainsi donc, au-delà des photographies vidéoludiques, il semble que l’étude de
cette tendance devienne primordiale.
Esteban (Grine) Giner, 2019.
Bibliographie
Book,
Betsy. Traveling through cyberspace: Tourism and photography in virtual
worlds. 2003.
Casilli,
Antonio a. En attendant les robots. Le Seuil, 2019.
Gerling,
Winfried. « Photography in the Digital ». photographies, vol.
11, no 2‑3, septembre 2018, p. 149‑67. Taylor and Francis+NEJM,
doi:10.1080/17540763.2018.1445013.
Poremba,
Cindy. « Point and Shoot: Remediating Photography in Gamespace ». Games
and Culture, vol. 2, no 1, janvier 2007, p. 49‑58. SAGE
Journals, doi:10.1177/1555412006295397.
J’ai récemment commencé à jouer à la série Mother de de Shigesato Itoi. Ayant beaucoup aimé Undertale, mes ami.e.s me poussaient régulièrement à essayer les jeux dont il s’inspire. J’ai longuement rechigné à la tâche mais la date butoir de la fixation de mon corpus se faisant de plus en plus pressante, il fallait que je me lance afin d’être sûr de l’intégrer, ou pas, dans la liste des jeux qui constituerons le centre névralgique des analyses que je proposerai dans mon manuscrit de thèse.
Tout cela pour dire que j’ai commencé à jouer à Earthbound (1994). Je viens à peine
d’arriver à Summers, l’une des villes du monde de Ness, Paula, Jeff et Poo et
cela fait maintenant donc un peu plus de deux semaines que je me promène dans
cet univers au gré de mes envies et de la musique. Cependant, je ne joue pas au
jeu dans son format d’origine. La version que j’utilise permet d’y réaliser des
captures d’écrans et des savestates.
Je fais un usage massif de ces deux features
et pour la seconde, la raison est simple : le jeu est difficile,
terriblement difficile.
Plusieurs raisons rendent ce jeu compliqué à appréhender. La
première concerne son système de sauvegarde qui fait usage des téléphones
disposés ici et là de par le monde que l’on explore. Dès lors, si dans les
villes nous avons des points de sauvegarde réguliers, c’est moins le cas dans
les donjons et autres séquences d’exploration. La mort devient alors très
punitive. Une autre raison concerne les conditions que peuvent avoir nous
personnages lors d’un combat : empoisonnements, champignons qui nous poussent
que la tête et j’en passe. Si l’on ne meurt pas pendant un combat, on mourra de
ses suites étant donné que la gestion des inventaires oblige une optimisation
constante des ressources. Pour toutes ces raisons, le jeu nécessite un effort
de la part du joueur ou de la joueuse pour lutter contre son abandon.
Ces quelques propos expliquent pourquoi je fais un usage
intensif des savestates. A l’instar
d’Outer Wilds (Mobius Digital, 2019) que
j’avais fini avec une solution, je me retrouve fondamentalement dans une
situation équivoque puisque techniquement je ne joue probablement pas dans les
conditions typiques ni celles attendues d’un chercheur qui setrait supposé « vivre
l’expérience dans sa plus pure expression ».
Ces quelques constats sont donc l’occasion pour moi d’évoquer ce que j’entends
par tool-assisted research. Tout
comme mon précédent travail sur la formalisation d’un protocole de captations,
j’ai le sentiment d’aborder des pratiques qui sont déjà largement présentes
chez les chercheurs. Or, je n’ai pas à ce jour constater de travaux portant sur
une réflexion épistémologique à propos des outils qui sont à notre disposition
dans le cadre de notre recherche.
Définir la tool-assisted research
Tout premièrement, il semble important de mentionner que
toute recherche est fondamentalement associée à des outils qu’elle peut soit
créer pour l’occasion, soit détourner d’un usage initial. Depuis cette
perspective, la notion de « recherche assistée par outils » ne fait
pas fondamentalement sens, sauf si l’on veut ajouter une qualification
superfétatoire. Ainsi donc, je définis la tool-assisted
research comme une méthodologie de recherches faisant un usage des outils
originellement conçus pour la pratique du speedrun
et du tool-assisted speedrun. Si
la première consiste à terminer un jeu le plus rapidement possible, la seconde
quant à elle fait un usage des outils mis à disposition dans le but de proposer
une appréhension assistée par ordinateur du jeu. Par exemple, je faisais
mention tantôt de mon usage des savestates.
Ce sont des outils qui se distinguent de la sauvegarde rapide permise dans
certain jeu du fait que dans ce cas, ce sont les émulateurs qui enregistre une
sauvegarde et non directement les jeux. De même, la commande est une commande
qui a un impact directement sur l’émulateur et non sur ce qui est émulé.
Maintenant que j’ai situé cette notion, il convient d’en
exprimer le but. La tool-assisted
research a pour objet d’étude les objets vidéoludiques. Les jeux vidéo en
sont la grande majorité mais il peut y avoir aussi d’autres objets. L’objectif
de la tool-assisted research est de
simplifier l’accès aux informations, aux documents et aux assets (tout élément représentatif) d’un jeu et ce, tout en
limitant le nombre de biais liés à la démarche. Ou du moins, il s’agit de les
rendre visibles. De fait, la tool-assisted
research se présente comme une méthodologie d’études des contenus et/ou des
discours plutôt que comme une méthodologie dont l’objet serait d’analyser l’expérience
socialement construite en relation avec le joueur ou la joueuse. Enfin, dernier
point, la tool-assisted research est plus
ou moins fonction du déterminisme des jeux vidéo. Cela signifie donc que le
joueur ou la joueuse soit en mesure de contrôler les paramètres et la RNG (random number generator, pour
simplifier, il s’agit du hasard).
L’une des problématiques liée à cette méthodologie qui se
pose est la prise en compte de la rhétorique procédurale (Bogost, 2007) et
l’èthos vidéoludique (Genvo, 2013). Pour rappel, Bogost définit la rhétorique
procédurale de la façon suivante :
« Following the contemporary model, procedural rhetoric entails
expression—to convey ideas effectively. Procedural rhetoric is a subdomain of
procedural authorship; its arguments are made not through the construction of
words or images, but through the authorship of rules of behavior, the
construction of dynamic models. In computation, those rules are authored in
code, through the practice of programming. » (Bogost 2007:42)
Genvo, quant à lui, définit l’èthos vidéoludique comme :
« Puisqu’il est envisageable,
comme le montre Ian Bogost, de tisser des liens entre rhétorique et jeu vidéo,
nous considérerons que ces caractères qui ont pour vocation de persuader leur
destinataire de leur identité ludique et de faire œuvre de médiation ludique
constituent ce que nous nommons l’èthos ludique de l’œuvre. » (Genvo 2013:46)
En effet, la tool-assisted
research peut modifier ces deux paramètres importants de l’étude des
discours vidéoludiques. Un exemple simple peut être par exemple l’usage de
savestates dans la série Dark Souls (From Software). Dans ce
contexte, l’usage des savestates modifie
la rhétorique que le jeu peut avoir sur la difficulté. De même, cela peut
priver son joueur ou sa joueuses d’une partie de l’expérience. Dans Dark Souls, la mort n’aboutit pas à un
retour à un à un état initial. On devient une « carcasse » qui ne
bénéficie alors pas d’une santé maximale, etc. Il est donc nécessaire de faire
un usage attentif des outils utilisés de sorte à ne pas porter atteinte aux
éléments de discours que l’on souhaite étudier, tout en ayant la possibilité d’altérer
d’autres paramètres. Il me semble que c’est le cas dans la façon que j’ai de
jouer à Earthbound : finalement,
en aucun cas les boîtes de dialogues ne sont modifiées peut important le nombre
de mes victoires et de mes échecs en combats. Si je souhaite étudier les
interactions que l’on peut avoir avec les personnages non-joueurs ayant lieux
uniquement dans l’overworld (à savoir
la zone connectant tous les niveaux, donjons, lieux à explorer), alors je peux
me permettre de mobiliser les savestates.
Ainsi donc pour résumer brièvement, je définis la tool-assisted research comme une
méthodologie :
dont l’origine se situe dans les pratiques du tool-assisted run et du speedrun ;
qui se distingue de la user research dans le sens où l’objet n’est pas l’expérience ;
dont le but est l’étude des objets vidéoludiques
et des éléments de discours qu’ils contiennent ;
dont l’objectif est de simplifier l’accès aux
assets, à la rhétorique procédurale, aux éléments de représentations et aux éléments
de discours contenus dans un jeu ;
permettant d’objectiver le recueil de ces
données tout en les rendant réfutables ;
qui permet l’étude des discours ;
qui ne permet pas l’étude de réceptions ;
reposant le caractère déterministe des jeux
vidéo.
Dans la suite de cet article, je vais m’attacher à présenter
les différents outils à la disposition des chercheurs et des chercheuses
souhaitant mobiliser la tool-assisted
research. Sous la forme d’un tableau, je vais donc présenter les outils,
les objectifs de recherches pour lesquels ils peuvent être mobilisés.
Typologie des outils de la too-assisted research
Outils
Objectifs
Biais potentiels
Exemples
Les outils
constructeurs de captures ou les overlays
machine
Permettent
de capturer immédiatement une séquence ou une image…
… mais
décontextualisent une action d’un contexte de jeu sur une plus longue période.
De même, le système d’annotations est d’abord pensé pour des interactions
sociales sur des réseaux comme twitter.
Bouton Share
de la PS4
Les
émulateurs
Réduisent les
coûts de transactions dans le but d’accéder à un objet vidéoludique…
… mais ne
permettent pas de constater les défauts techniques liés à l’exploitation du
code par la machine d’origine.
SnesX9
Les overlays plateformes ou logiciel
Permettent
de capturer immédiatement une séquence ou une image…
… mais
décontextualisent une action d’un contexte de jeu sur une plus longue période.
De même, le système d’annotations est d’abord pensé pour des interactions
sociales sur des réseaux comme twitter.
L’overlay Steam ou de certains
émulateurs
Les savestates
Permettent
de diminuer la difficulté d’un jeu dans son parcours. Elles autorisent aussi
de répéter certaines séquences.
Cependant,
elles peuvent modifier la rhétorique procédurale liée à certaines mécaniques,
ce qui empêche de faire de ces mécaniques un objet d’étude.
Les
touches « fonction » de certains émulateurs comme SnesX9
Les Free-cameras
Permettent
une exploration libre des espaces modélisés…
… mais peuvent
engendrer des phénomènes de surinterprétations liées à la découverte de lieux
ou d’artefacts originellement cachés aux joueurs et joueuses mais toujours
présent dans le jeu.
Ansel de
Nvidia. La chaine Boundary Break sur
YouTube en présente une foultitude.
Les glitchs
Permettent
d’exploiter les limites d’un jeu et d’y révéler un sens caché même aux yeux
de ses créateurs…
… mais
peuvent être le point de départs de phénomènes de surinterprétations.
Certaines
théories complotistes à propos de jeux comme Majora’s Mask.
Les memory hacking software
Permettent
de voir un grand nombre de données liées au code du jeu en train d’être « lu »
par la machine…
… mais
rationalise la perception que l’on peut avoir du jeu.
Permettent
de construire des cadre permettant de capter plusieurs phénomènes (l’écran,
le ou la joueuse, le tchat d’un service de streaming)…
… mais
détourne l’étude des discours pour une étude d’un dispositif médiatique plus
large aux discours en jeu.
OBS
Les plateformes
de streaming
Permettent
de capter des moments collectifs de jeu avec une communauté…
… mais
créent un certain sensationnalisme lié à la performance sociale du streamer
ou de la streameuse. Le sens d’une interaction ingame peut se voir modifiée du fait de ce contexte pragmatique
de jeu.
Twitch
La tool-assisted research comme méthodologie scientifique
Ainsi donc, la tool-assisted
research est, il me semble, une méthodologie qui est pratiquée aujourd’hui
de manière plus ou moins informelle. Le cas de certains outils peut faire débat
(typiquement les savestates) et sont
donc des points nécessaires de formaliser dans le cadre d’un travail de
recherches. L’une des difficultés que l’on peut observer est la difficulté de
définir les biais liés à chacun des outils que j’ai brièvement présentés. Il me
semble que le plus important – et qui me semble transparaitre dans mon texte –
est la nécessité d’assurer un alignement entre l’objectif de la recherche (c’est-à-dire
ce que l’on souhaite observer en jeu) et les outils mobilisés. L’intérêt est
alors de s’assurer que l’utilisation de l’outil soit pertinente pour la
recherche sans pour autant créer de biais supplémentaires à ceux qui pourraient
déjà exister. Par exemple, ma façon de jouer à Earthbound est en partie conditionnée par mon expérience d’Undertale, ce qui est problématique
puisqu’anachronique. Les savestates que
j’utilise par contre ne pose pas de problème à mon objectif de recherches
puisque celui-ci est la découverte des échanges que le joueur ou la joueuse
peut avoir avec les personnages non-joueurs.
Dans une certaine mesure, le travail que j’avais proposé sur
les captations vidéo font partie de ce que je nomme maintenant la tool-assisted research. Plusieurs pistes
de réflexions peuvent alors être envisageable. Dans une certaine mesure, il me
semble important de formaliser toutes les pratiques qui rentrent dans le cadre
que je propose et ce, dans le but de les légitimer scientifiquement. Si l’on
peut critiquer les savestates faites
sur émulation, car il s’agit d’une pratique en dehors du cadre légitimé (et
légal), les constructeurs proposent aujourd’hui de nombreux outils de TAS ou de de TAR nativement. C’est le cas de Nintendo qui permet ces savestates avec les Nes et Snes Mini. De
fait, je peux par exemple aisément justifier ma pratique de la savestate dans EarthBound puisque c’est dorénavant une pratique pensée par
Nintendo sans besoin qu’il y ait détournement. La notion de tool-assisted research est alors un
outil qui propose un cadre méthodologique tout en militant pour la légitimation
de ces outils dans une perspective scientifique.
Cela fait très longtemps que je souhaite parler de VR Chat, d’une façon ou d’une autre. La raison est assez simple : ce jeu est à mon sens un parangon de la façon dont je conceptualise les objets vidéoludiques, à savoir des systèmes sociaux lacunaires. Systèmes car ils sont le fruit d’interactions entre une structure et des individus ; sociaux car ils s’inscrivent dans un contexte socioculturel particulier et qu’ils représentent et donnent à jouer des relations sociales avec d’autres joueurs/joueuses ou tout simplement des PNJs ; lacunaires car ils sont simples : les représentations (du monde par exemple) sont partielles et le game design remplace les corrélations par des causalités immédiates tout en représentant ce que l’on croit être là réalité. Chaque action a un effet immédiat, ce qui ne saurait être systématiquement le cas dans la réalité. J’aurai l’occasion de développer prochainement sur le sujet puisqu’il s’agit d’une idée que je développe de plus en plus dans mes travaux de recherches.
En tout état, il me semble important d’aborder une pratique que je suis depuis quelques mois maintenant à savoir : les documentaires réalisés à partir de captures réalisées en jeu que je distingue des documentaires faisant usage de captures de jeu dans un but d’illustration. Comment identifier et catégoriser ces nouveaux contenus ? Y’a-t-il des distinctions fondamentales entre cette forme de documentaires et des créations plus typiques ?
Note au lecteur / à la lectrice : cet article est pour moi l’occasion de noter mes quelques pensées sur le sujet. Maintenant, je suis sûr au moins de ne pas les oublier.
Nouveau genre ou transfert des codes du documentaire ?
Depuis quelques mois, j’observe avec grande attention des
séries de discussions dans VR Chat entre joueurs/joueuses et un enquêteur (en
l’occurrence les vidéastes Disrupt et Syrmor). Les vidéos auxquelles je fais
référence sont donc des témoignages sur des tranches de vie particulièrement
difficiles ou tristes ou encore potaches. Toutes sont marquantes à leur façon.
Pourtant, on peut s’interroger s’il s’agit, dans une certaine mesure d’un
plaisir pervers de découvrir la vie d’une autre personne. Les vidéos auxquelles
je fais donc référence reposent sur des marqueurs pragmatiques de genres
télévisuels et cinématographiques bien identifiés : la télé-réalité et le
film documentaire. Par exemple, la pratique de Disrupt s’inspire fortement des
micros-trottoirs voir des guerilla
researches dont la méthodologie est d’approcher rapidement un individu en
lui posant des questions sur un objet ou une problématique (Jones, 2019). S’en
suit tout un montage de plusieurs répondants dont les propos se répondent.
Syrmor quant à lui privilégie des entretiens plus longs voire sur plusieurs
sessions (c’est par exemple le cas de sa courte série avec Jordan Lagreco, un
enfant ayant un avatar de chat-ange).
Contrairement à certains mockumentaires (certains faux documentaires) tel que l’excellent Farcry 5 – The story begins de Neebs (2018), les démarches de Syrmor et Disrupt sont proches de celles de journalistes vidéastes souhaitant révéler la vie de personnes pour le premier et répondre à une problématique pour le second. Ce qui m’intrigue aussi, c’est que l’on peut voir que le professionnalisme des démarches est progressif. Syrmor est bien plus dans un registre humoristique dans ses premières vidéos, en particulier avec Jordan où on les voit jouer en même temps, tout en le mettant parfois mal à l’aise (Jordan, probablement élevé dans une famille chrétienne tombe des nues par exemple lorsqu’il découvre que personne autour de lui ne semble croire en l’existence de Dieu) mais au fur et à mesure, il adopte une démarche bien plus sérieuse. De même, très tôt, on peut observer une recherche de l’émotion, ce qui invite à une discussion sur le sensationnalisme de ces documentaires en jeu. Les dernières vidéos de Syrmor reflètent plutôt cela puisque les sujets portent sur, entre autres, un enfant papillon, un homme en train de mourir, etc (kotaku, 2019).
Pour conclure brièvement cette partie, il semble qu’associer ces vidéos à de la télé-réalité semble erronée dans le sens où on ne fait pas face à un « système de cruauté » comme on peut l’être face à par exemple des gamedocs tels que Loft Story et les jeux de télé-réalité qui ont suivi. Je rapproche d’avantage les vidéos de Syrmor et Disrupt des productions audiovisuelles comme Strip Tease : l’objectif est alors de montrer la réalité d’une situation de vie. Pourtant contrairement aux documentaires typiques, l’audience n’a aucune image pour constater la réalité telle qu’elle se présente. Ce sont des avatars, potaches, mignons, zoomorphes, issus de mangas, dans des lieux virtuels qui évoquent des parcours de vie complexe. Cela m’amène donc à me questionner sur le dispositif médiatique effectif de ces documentaires.
L’authenticité de l’anonymat
La vidéo qui m’a lancé dans le visionnage de l’ensemble est
celle de Disrupt. Dans celle-ci, le vidéaste partage les plus grands regrets de
ses enquêtés. On a alors droit à des registres variés : un parlant de son échec
scolaire, un autre évoquant son service militaire. Puis, la vidéo met l’emphase
sur le témoignage de ce qui semble être un homme d’une trentaine d’années
racontant sa relation avec son étrange mère. Cette dernière avait pour habitude
de parler aux arbres de son jardin et le jour de sa mort, l’enquêté découvre
pourquoi sa mère parlait aux arbres. Selon ses propos, il découvre qu’avant de
l’avoir, elle fit trois fausses couches et les fœtus furent enterrés sous des
pousses d’arbres.
Ce qui m’interpelle ici est la force évocatrice de ce récit
qu’il faut maintenant imaginer comme une histoire racontée par un petit panda
dans le monde virtuel de VR Chat. Les vidéos de Syrmor contiennent aussi cette
rupture entre d’un côté des sujets profondément sérieux et des cadres visuels
aux contenus aberrants. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, j’ai le
sentiment que ces incohérences renforcent d’autant plus ces récits. Le
dispositif médiatique fait alors un usage intensif de la capacité des avatars
de VR Chat à susciter des émotions. Plus particulièrement, et contrairement à
d’autres vidéos mettant en scène des avatars, VR Chat permet l’expression d’un
langage verbal direct via microphones et d’un langage corporel non verbal
authentique puisque c’est par exemple en bougeant les contrôleurs que l’avatar
va disposer ses bras différemment. Je distingue ici ce langage corporel
non-verbal authentique du langage non verbal intermédié (les emotes en font
partie entre autres). De même, ce type de dispositif met en avant une forme
d’anonymisation de récits personnels. Contrairement à ceux que j’ai pu voir par
le passé, l’anonymisation en jeu renforce l’empathie tandis que l’anonymisation
que j’ai pu voir dans des films documentaires déshumanise les enquêtés. Je fais
donc l’hypothèse que l’anonymat en jeu renforce l’empathie que l’on peut
éprouver dans des situations de communication en jeu.
« God is a Cloud »
Je n’ai malheureusement pas le temps de faire des recherches plus poussées et j’ai l’impression que ce billet est plus brouillon que d’autres que j’ai pu rédiger ici. Je sais juste qu’on est loin du « système de créauté » évoqué par Couldry et Raynolds pour définir la téléréalité. Cependant, cela me tenais à cœur de pouvoir aborder la réalisation de documentaires permises par les jeux vidéo ; et en particuliers VR Chat. De même, je ne prends pas le temps de faire une recherche d’un potentiel état de l’art. Cependant, je suis assuré qu’il y a là un artefact des pratiques vidéoludiques émergentes à ne pas laisser de côté. Peut-être que dans le futur, la recherche pourra se saisir de cet objet, de cette pratique afin de mieux la théoriser qu’ici.
Esteban Grine, 2019.
Bibliographie et Vidéographie
Couldry,
Nick, et Pierre-Élie Reynolds. « La téléréalité ou le théâtre secret du
néolibéralisme ». Hermes, La Revue, vol. n° 44, no 1,
2006, p. 121‑27.
Outer Wilds propose quelque chose d’inoubliable pour le joueur que je suis : le jour de la fin du monde, rien de mieux que de partir en camping et manger des guimauves cuites sur le feu tout en jouant de la musique. Car ultimement, rien d’autre n’a d’importance.
Note : attention, cet article contient des informations clefs sur l’intrigue du jeu.
Hier j’ai obtenu en guise de cadeau le dernier livre de Miguel Sicart : Play Matters (2014). Et j’ai pu exclamer ma joie sur les réseaux à ce sujet. A partir de cela, on est venu me demander pourquoi j’appréciais autant Sicart. Il se trouve, au passage qu’en effet, je possède dorénavant l’intégralité de ses livres. En réalité, je ne connais absolument pas la personne et je n’ai aucune connaissance d’un comportement toxique de sa part. Pour autant, les propos qu’il tient m’interpelle. La raison est finalement assez simple : je suis avec une très grande attention la controverse entre lui et Ian Bogost. Ces deux chercheurs sont originellement à la base de nombreux de mes travaux et je m’appuie beaucoup sur leurs théories. Et quand j’évoque le terme de controverse, c’est parce que ces deux-là se répondent publiquement aujourd’hui par livres interposés (et donc à la vue de tout·e·s). Pour moi, Play matters est une réponse aux propositions théoriques de Bogost dans ses précédents ouvrages, dont Persuasive games (2007). En 2016, ce dernier critique ouvertement Miguel Sicart dans Play anything (2016), son dernier ouvrage en date. De facto, j’éprouve de la sympathie pour ces deux auteurs car j’éprouve de l’intérêt pour cette controverse.
Dans cette lettre ouverte, j’ai envie de formaliser brièvement l’un des grands désaccords entre Sicart et Bogost : l’adjectif « ludique ». Pourquoi brièvement ? Simplement parce que je ne suis pas en mesure, dans le contexte de la rédaction de ce billet, de proposer autre chose qu’une réflexion basée sur mes souvenirs de lectures. Pour être transparent, j’ai lu pour la dernière fois Play Anything fin 2016 et Play Matters en 2017.
Ainsi donc, l’un des points centraux de ces deux livres concerne l’attribution du ludique. En 2014, Sicart argumente que c’est le comportement des êtres humains qui peut être ludique. Il s’agit donc dans ce cas-là d’une façon d’appréhender le monde. Pour Sicart, seuls les vivants peuvent donc être ludiques (par leurs comportements). il s’agit donc d’une façon d’appréhender ce qui nous entoure dont seules les espèces vivantes peuvent se targuer d’avoir. Cela fait référence à des auteurs qu’il ne mentionne pas forcément (par méconnaissance peut-être) comme Jacques Henriot puisqu’au sein des études francophones sur le jeu et le jeu vidéo (1989), c’est ce dernier qui est régulièrement associée à la notion d’attitude ludique. En 2016, Bogost formule une opposition en énonçant que ce sont les objets qui révèlent plus ou moins une caractéristique ludique. Il indique dans la foulée que si les humains ne voient pas les caractéristiques ludiques des objets, c’est à cause de leur façon d’appréhender le monde tout en restant distant, second-degré et critique de celui-ci. Il emploie d’ailleurs le néologisme ironoia pour définir cette peur des objets et cette peur d’appréhender le monde tel qu’il se présente devant nos yeux.
Ainsi donc, pour Sicart, ce sont les humains qui font preuve
d’une attitude ludique tandis que pour Bogost, le ludique est une
caractéristique des choses. On pourrait s’arrêter ici, or, les implications de
ces deux axiomes sont pourtant bien plus profondes. Associer le ludique à l’humain,
c’est donc faire l’hypothèse qu’il n’existe pas de structure qui soit ludique
en soi. Associer le ludique aux objets, c’est donc supposer que tout peut être
jeu et que c’est notre « travail » de le révéler. Ces deux axiomes,
aux semblants antinomiques, interrogent aussi la notion du « créateur »
ou de l’auteur. Sicart considère les structures comme des terrains de jeu. Les
jeux (vidéo) sont alors des playgrounds spécifiquement
pensés par ce qu’il nomme des architectes pour susciter une attitude ludique. A
l’inverse, Bogost intègre que tout objet peut révéler une part ludique si,
selon ses propos, « on est capable de la percevoir ». Un créateur n’est
donc pas nécessaire fondamentalement. Ainsi donc, on s’aperçoit alors que la
cause de ce qui est jeu n’est pas la
même. Pour Sicart, si l’on ne s’amuse pas dans
un terrain de jeu, c’est finalement parce que celui-ci a été mal fait. Pour
Bogost, si l’on ne s’amuse pas avec un objet, c’est parce que l’on n’est pas
capable de voir sa dimension ludique (à cause de notre ironoia).
Je pourrais encore creuser plus longuement cette distinction qui me semble au cœur de la controverse entre Sicart et Bogost car il me semble que cela révèle des ancrages sociopolitiques bien plus profonds : Sicart présente une distinction implicite entre ce qui peut devenir jeu et ce qui ne l’est pas avec sa notion de playground tandis que Bogost, de mémoire, légitime l’idée que tout peut être jeu (même les situations les plus horribles si l’on est capable de voir leurs caractéristiques ludiques). Rien que par l’interprétation que je propose (et donc critiquable), on peut entrevoir des pentes glissantes à l’argumentation de Bogost.
A mon sens pourtant, c’est une discussion plutôt drôle étant donné qu’il me semble qu’un ancrage sémio-pragmatique permet de largement répondre à la question de savoir à qui revient la caractéristique ludique. La notion de play design, antérieure à la controverse de Sicart et Bogost,est aussi à mon sens une réponse convaincante puisque Sébastien Genvo la définit de la façon suivante en 2008 :
« Sur le plan ludique, ce qui différencie toutefois Word d’un logiciel comme Tetris c’est que la structure de ce dernier a été conçue de sorte être reconnue comme potentiellement ludique. Les structures de jeu s’inscrivent de la sorte dans une culture particulière au sein de laquelle elles puisent leurs éléments types pour être reconnues et actualisées de façon ludique. » (Genvo, 2008:18)
« De sorte à caractériser les spécificités de l’expérience du jeu à son ère numérique, i l y a donc à notre sens une nécessité d’analyser les jeux non pas en terme de game design mais plutôt en terme de « play design ». Puisque la signification de jeu n’est pas donnée par avance mais se construit, il n’est pas possible de prendre pour acquis la dimension ludique d’un objet » (Genvo, 2008:18)
Pour conclure :
« Néanmoins il ne faut pas pour autant ignorer la structure de jeu, car cela reviendrait à ignorer une partie importante des facteurs qui rendent la médiation possible, plus particulièrement le rôle que revêt l’objet dans celle – ci. L’étude du jeu à son ère numérique incite de la sorte selon nous à adopter un cadre de référence interactionniste, qui cherche à placer l’objet et le sujet sur le même plan de sorte à comprendre comment s’opère la médiation ludique au travers des contradictions et complémentarités qu’engage cette mise en relation. » (Genvo, 2008:32)
Ce que je note fondamentalement pour résumer très succinctement l’une des idées sous-jacentes du play design, c’est clairement la représentation interactionniste du jeu et donc de l’adjectif « ludique ». Une structure peut être ludique car elle s’appuie sur des constructions socialement et historiquement interprétées comme ludiques et un individu peut avoir une attitude ludique de part son processus de socialisation. Voilà donc où moi aussi je m’arrête pour ce billet qui peut être le premier d’une série sur la controverse entre Miguel Sicart et Ian Bogost. A suivre donc !
Esteban Grine, 2019.
Bibliographie
Bogost, Ian. Persuasive Games: The Expressive Power of Videogames. The MIT Press, 2007. Bogost, Ian. Play Anything: The Pleasure of Limits, the Uses of Boredom, and the Secret of Games. Basic Civitas Books, 2016. Genvo, Sébastien. Caractériser l’expérience du jeu à son ère numérique : pour une étude du « play design ». 2008, p. 17. Sicart, Miguel. Play Matters. The MIT Press, 2014.
Dans le cadre d’une recherche académique sur les phases d’accostage (ou d’unboarding) dans les jeux vidéo, j’ai passé une journée entière à capter les premières heures de chacun des jeux sortis sur console de salon de la série Uncharted. Au total, j’ai donc passé environ 1h30 à parcourir chacune des introductions de Drake’s fortune (2007), Among Thieves (2009), Drake’s Illusion (2011), A Thief’s End (2016) et enfin The Lost Legacy (2017), seul épisode à ne pas faire de Nathan Drake le protagoniste principal.
Dans un article du Monde publié le 11 février 2018, William Audureau rapporte les propos de Carl Therrien lors d’une conférence donnée à la Sorbonne Nouvelle : « les youtubeurs sont en train de créer la seule trace de milliers de jeux auxquels les futurs chercheurs auront accès » (in Audureau, 2018). En face de la recherche se positionnent des agents historiographiques qui captent (1) les moments de jeu et (2) ce qui reste des jeux une fois l’expérience vécu. Pourtant, il ne s’agit pas là d’une volonté particulière de conflit : les let’s play et autres pratiques de mise en récit de l’acte de jouer à un jeu vidéo sont légitimés par les systèmes médiatiques contemporains. De même, on peut contraster le pessimisme de Therrien en évoquant les chaînes de longplays qui consistent à effacer le plus possible le joueur ou la joueuse de l’acte : il ne s’agit donc que de conserver le jeu en train d’être joué par une personne supposée connaisseuse.
Malgré cela, plus j’avance dans mes travaux et plus je suis convaincu qu’un·e chercheur·euse doit produire ses propres enregistrements. Il ne s’agit pas de dire ici qu’il ou elle doit forcément jouer pour analyser. Il est plutôt question du contrôle du contexte pragmatique dans lequel les enregistrements sont produits, et encore, cela dépend de la question de recherche, etc. Dans tous les cas, mon dimanche passé à faire des captations fut le terreau de nombreuses questions auxquelles je n’ai pas trouvé de réponses dans la littérature académique. Globalement ces interrogations rejoignent une question générale qui serait : Quelle méthodologie pour le·a chercheur·euse en game studies pour réaliser des captations de sessions de jeu vidéo mobilisables dans un contexte académique ?
Définir la problématique, le but de la captation et la méthode
A l’instar d’un terrain sociologique que l’on souhaiterait étudier avec une méthode qualitative (observation participante, entretien, etc.), il semble nécessaire de rédiger les enjeux d’une captation car contrairement à des formes médiatiques linéaires, les jeux vidéo sont généralement des espaces explorables offrant une plus ou moins grande contingence à son audience. Ainsi, par son double statut de jeu et de fiction (Juul, 2005), nous ne sommes pas seulement observateur mais aussi un des actants, voire l’actant participant principal. De fait, notre comportement ingame est déterminant dans le matériau discursif (la captation) que nous allons récupérer (contrairement au visionnage d’un film par exemple).
De fait, il semble que la première étape soit la rédaction d’une proposition de recherche ou de projet de captation. Il n’existe pas de document type pour rédiger cette proposition mais suivant les propos d’Alami et al (2009), celle-ci doit prendre la forme d’une contractualisation que le·a chercheur·euse formalise (envers un commanditaire qui peut être soi-même) qui met en perspective : (1) la problématique de recherche et de création des captations et (2) les moyens mobilisés pour rendre les captations réfutables ou falsifiables (et donc inscrire notre travail de captation dans un cadre épistémologique.
Cette proposition de recherche n’a pas besoin d’être un document long. Cependant, il doit permettre à une audience de comprendre la démarche dans laquelle s’est située la captation. Voici la proposition de recherche pour mes captations des jeux Uncharted. L’exemple est partitionné de sorte à être reproductible aisément pour qui veut. Les titres de chacune des parties sont suffisamment évocateurs ou brièvement défini. Ce modèle est celui d’une démarche qualitative proposée par Alami et al appliqué aux JV :
Rappel du contexte : comprendre la question et les enjeux du commanditaire Dans le cadre d’une communication s’intitulant « entre didacticiels et politiques : les jeux vidéo comme supports d’apprentissages », je souhaite réaliser une étude de cas des phases d’accostage des jeux Uncharted dans le but de mettre en exergue les approches pédagogiques mises en place dans le game design dont l’objectif est d’enseigner aux joueur·euse·s les différentes manipulations permises dans le gameplay. Problématique et objectifs détaillés : la reformulation et l’inscription du sujet dans un état de l’art L’enjeu de la création de ces données concernent l’évolution des approches pédagogiques au fur et à mesure du développement des jeux de la série. La production de ces données doit donc répondre à une première question : « quelles sont les situations de communications proposées lors des phases d’accostage ? » Secondement, étant donné le corpus, nous pouvons nous demander : « sur quoi chacune des itérations met l’accent dans sa phase d’accostage ? » Enfin, on peut se questionner sur la façon dont les phases d’accostage de ces jeux invitent leurs joueurs et joueuses à une certaine appréhension du jeu ? » Méthodologie : découpage et technique d’observation Dans le but de répondre à ces questions, nous jouons les séquences demandés en suivant la trame narrative sans un degré de complétion obligatoire à atteindre (concernant les collectibles). Les observations seront faites lors du dérushage des séquences et ce, de manière chronologique. Certaines parties des rushs pourront être agencées de sorte à représenter des situations similaires. Les séquences ont déjà été jouées plusieurs fois chacune avant la captation mobilisée pour cette recherche. Le joueur (Esteban Grine) est donc déjà compétent pour appréhender les Uncharted. Seule la captation du jeu est envisagée. Calendrier, Equipes et références (si besoin, ici j’étais seul) L’intégralité des productions ont été réalisée par Esteban Grine. Les captations ont été réalisée le dimanche 5 avril 2019. Livrables : ce qui sera produit à l’issue de production du matériau Les captations concerneront les débuts de chacun des jeux définis par le démarrage d’une partie en difficulté « explorateur » jusqu’au moment où Nathan Drake obtient la carte (ou l’objet autre) lui révélant l’emplacement du trésor dont la découverte est l’enjeu principal du jeu. La séquence captée s’arrête une fois que les protagonistes principaux se sont mis d’accord pour partir à l’aventure. Concernant les trois premiers épisodes de la série Uncharted, ceux-ci ont été parcouru dans leur version remastered sortie sur ps4 (2015). Budget & conflits d’intérêt (si besoin) Le budget total des captations a été d’environ 60 euros payés sur fond propre. Les personnes en charge des captations n’ont pas participé à la création et la diffusion des jeux vidéo.
Clairement, il s’agit là d’un projet de captation précis qui
n’est pas forcément nécessaire à toutes les situations que nous pouvons
rencontrer. C’est aussi un format que l’on peut se permettre dans une thèse
mais pas forcément dans un article scientifique puisque l’on se doit d’être
concis vu la quantité de caractères généralement autorisée (30 000 signes
en général). Par exemple, dans un papier à paraitre j’ai écrit :
Pour cet article, XXX
a été parcouru de deux façons. Premièrement en ligne droite : nous avons suivi
la trame principale du jeu sans nous préoccuper des récits annexes. XXX est un
jeu mettant l’emphase sur les discussions que XXX peut avoir avec XXX :
narration par des dialogues, textes multiples sur XXX, etc. Lors du second
parcours du jeu, nous avons donc systématiquement discuté avec l’intégralité
des PNJ lors des temps d’exploration de sorte à révéler l’ensemble des récits
annexes. Dans le but de dévoiler le plus possible XXX, nous avons
systématiquement opté pour les lignes de dialogue entrainant une réponse explicative
de la part du ou des PNJs participants (inférence, questions, etc.). (Giner,
2019, à paraitre)
Cependant, la présence d’une structure permet au lecteur de
mieux appréhender les raisons et les façons dont ont été joués les jeux d’un
corpus. Par exemple, dans les deux propositions que j’ai partagées ici, à
chaque fois sont précisées les conditions et les perspectives de l’acte de jouer
et cela permet de rendre l’ensemble cohérent par rapport à la problématique que
j’ai posée. Etant donné que je veux constater les approches et les pratiques
pédagogiques de Uncharted, je n’ai
pas besoin de m’assurer d’un degré total de complétion. Cependant, le second
cas nécessite un haut degré de complétion et je peux le prouver avec l’existence
de ces captations.
Finalement, l’important ici est d’avoir un document
permettant de révéler les conditions de production de ce qui servira de matériau
d’étude pour la suite de la recherche. Cela n’empêche alors pas de prendre en
compte de nombreux paramètres en fonction des différents supports de captations
et les erreurs qui peuvent en découdre.
Erreurs et mauvaises manipulations, quid du setup ?
Dans cette partie, il s’agit surtout pour moi de résumer
quelques conseils et bonnes pratiques. Il n’est donc plus question ici d’une
méthode particulière de « projet de captation » mais vraiment : « que
fait-on une fois devant la console ? »
Pour faire ces captations de Uncharted, j’ai uniquement mobilisé la fonction share de ma console Playstation 4. Cela n’empêche pas que de nombreuses questions restent en suspens. Une des interrogations qui peut émerger concerne tout d’abord ce qui est capté : ne faut-il que capter ce qui est en jeu ou faut-il aussi capter le méta-jeu comme par exemple l’obtention d’un succès ? Je n’ai pas de réponse immuable ici mais on peut faire clairement l’hypothèse que certaines recherches nécessitent l’un ou l’autre. On peut dans tous les cas paramétrer les notifications via les options de la playstation.
De même, il est important de déterminer avec quelles métadonnées
joueur·euse·s nous jouons. Par exemple, pour Uncharted, j’ai créé un compte « Grine Recherche » qui ne
possédait aucune donnée ou sauvegarde, de sorte à faire comme si je n’avais jamais joué au jeu (et ainsi obtenir les succès
lorsque j’effectue les actions afférentes). En effet, recommencer une nouvelle
partie sur mon compte perso m’aurait empêché par exemple de savoir à quel
moment j’obtiens un succès (peut-être déjà obtenu dans une partie antérieure). La
problématique devient plus épineuse sur Steam
étant donnée la difficulté de partager des bibliothèques. Cependant, une « famille »
au sens de steam permet de répondre à cette problématique. Pour les captations
PC, je recommande clairement l’utilisation d’OBS qui est libre et probablement
l’un des logiciels les plus puissants pour faire ce type de productions.
Pour ce qui concerne la captation effective sur PS4, il peut
être pertinent de toujours avoir les sous-titres car (1) la diffusion d’un
extrait peut se faire sans son (on connait tou·te·s les déboires d’un problème
technique en colloque) et (2) pour un soucis d’accessibilité tout simplement. Dans le cas où vous n’avez besoin que de
certaines séquences précises, le mieux est d’utiliser l’outils « ciseaux »
de la console qui simplifie clairement le travail une fois sur PC. Pour rappel aussi,
la fonction d’enregistrement redémarre à chaque pression du bouton share donc à chaque fois que l’on appuie
dessus, il est nécessaire d’enregistrer la séquence vidéo au risque de la
perdre dès que l’on quitte son menu. Il est aussi important d’avoir des
mouvements de caméras les plus smooth possible
de sorte à pouvoir réutiliser au mieux les captations. Par exemple, je vais
avoir besoin de faire des captures de frames
à partir de mes captations de Uncharted
et des mouvements rapides de caméra rendent l’ensemble brouillon lorsqu’il
y a trop d’action. Reflexe important : il est nécessaire de désactiver l’option
HDR pour être sûr (1) d’avoir un rendu correct et (2) pour que vous en tant que
joueur·euse·s ne soyez pas face à une situation incompréhensible à cause de l’assombrissement
causé par l’option.
Je souhaite aborder un dernier point à savoir : « quelle
est la place du joueur ou de la joueuse dans la captation ? » Il s’agit
là d’une question particulièrement complexe étant donné qu’à ce moment, on
modifie clairement la captation autant dans ce qui est observé que par sa mise
en scène. A ce jour, je ne connais sur PS4 que la fonction streaming qui permet de manière native à capter la figure du joueur
ou de la joueuse via une webcam (en plus du tchat). Pour les sessions de jeux
que j’ai personnellement captées, j’ai mobilisé les deux types (avec ou sans
captation du joueur ou de la joueuse). Encore une fois, c’est une question à
adresser dans le projet de captation mais à laquelle il est nécessaire d’avoir
une réponse.