J’ai décidé d’arrêter de jouer au Monopoly pour les mêmes raisons qu’Allan G. Johnson. Le Monopoly
est un jeu qui oblige son joueur à se comporter de manière spécifique. Quand j’y
joue, j’ai tendance à être extrêmement impoli. Je veux aussi gagner par tous
les moyens. La question est : pourquoi jouer au Monopoly me fait ressembler à une personne cupide et sans merci ?
Pour répondre à cela, nous devons considérer ce jeu comme
une représentation incomplète et ethnocentrée de notre système social
occidental. Le Monopoly a une
matérialité, son plateau et ses pièces ; il a également ses propres règles qui
encadrent les relations entre les joueur·euse·s : ils et elles se comportent de
manières spécifiquement autorisées par le jeu. Une première conclusion à propos
de Monopoly est que ce jeu ne nous permet pas d’être gentil avec les autres
joueurs. C’est pourquoi j’ai décidé d’arrêter de jouer à Monopoly.
Bien sûr, nous pouvons interroger nos personnalités dans les
jeux mais ce qui est important ici, c’est de comprendre que le Monopoly est un
jeu qui nous rend avides et toxiques dans un contexte social particuliers :
celui-de son jeu. En tant que système, nous nous conformons simplement au
jeu : nous convenons d’appliquer les règles du Monopoly tant que nous y jouons. Bien que le Monopoly soit un jeu basé sur Landlord’s
Game d’Elisabeth Magie, un jeu anticapitaliste créé au début des années
1900, sa forme actuelle est profondément enracinée dans des idéologies telles
que le néolibéralisme et le laissez-faire.
Les joueurs doivent donc se comporter de manière rationnelle
sur un marché libre. Bien sûr, le Monopoly propose une représentation partielle
de la réalité sociale actuelle, car ses concepteurs de jeux ont choisi de se
focaliser d’un certain point de vue sur certains phénomènes plutôt que sur
d’autres. Comme le dit Mary Flanagan dans son livre Critical Games, les jeux déclenchent ce qu’elle appelle des apprentissages
fortuits (incidental learnings dans
son texte) : en se conformant aux règles et aux représentations proposées, les
joueurs apprennent incidemment des systèmes sociaux partiels. En jouant à
Monopoly, je n’ai bien sûr pas appris comment fonctionne l’ensemble de
l’économie. Néanmoins, j’ai été socialisé à adopter un comportement spécifique
avec les autres joueurs : être individualiste et cupide tout en cherchant
à ruiner ses camarades. C’est à ce moment que nous pourrons introduire l’un des
concepts majeurs de Johnson : les chemins de moindre résistance (paths of least resistance), qu’il
définit comme suit :
« for its part, a system affects how we think, feel, behave as
participants. It does this not only through the general process of socialization but
also by laying out paths of least resistance in social situations. At any given
moment, we could do almost infinite number of things, but we typically do not
realize this and see only a narrow range of possibilities. What the range looks
like depends on the system we are in. » (Johnson, 2014:16)
Les chemins de moindre résistance sont à la fois des
comportements possibles et des comportements que nous choisissons de
privilégier dans un contexte social spécifique. Par exemple, comme le mentionne
Johnson, être cupide ne dépend pas seulement de la personnalité, mais aussi du
système et des relations entre les individus et le système.
« Clearly I am
capable of behaving this way as a human being, which is part of the
explanation. But the rest of the explanation comes down to the fact that I
behave that way because taking all the money and property for yourself is what
the game of Monopoly is about. » (Johnson, 2014:15)
De plus, en appliquant des règles spécifiques (les règles du
jeu), nous avons tendance à tirer des conclusions générales à partir de situations
spécifiques : si nous remportons une partie de Monopoly, c’est parce que nous
étions plus forts, plus riches et plus chanceux que quiconque. En d’autres
termes, nous « méritons » cette victoire. Ce faisant, nous ne remettons
pas en question les défauts présents dans les règles du jeu.
Comme énoncé au début, le processus de création d’un jeu transforme des corrélations occasionnelles en causalités, les jeux (vidéo) tendent à valoriser certaines représentations des sociétés plus que d’autres. Par exemple, dans Monopoly, les acteurs ont tendance à légitimer les monopoles en tant que seule organisation viable pour tous les marchés. Même si les jeux ne représentent pas parfaitement les réalités sociales, on peut aisément soutenir l’hypothèse que les joueur·euse·s ont tendance à utiliser des systèmes de jeu pour expliquer des phénomènes réels : c’est plus facile à appréhender.
Considérant les jeux comme un système social tronqué et incomplet, on peut s’interroger sur le but de la conception de jeux. Si je poursuis avec les théories d’Allan G. Johnson, on pourrait conclure que le but réel de la conception de jeux est de créer des chemins de moindre résistance pour les joueur·euse·s. Je mentionne aussi qu’ici, c’est mon propre propos qui mobilise les théories de Johnson, je n’engage donc pas son nom. En tout cas et si on reprend un vocabulaire plus typique dans les game studies, il s’agit donc plutôt de créer des affordances.
Dans un jeu de Monopoly, il est plus facile de se comporter en personne avide. Cela signifie-t-il que je suis une personne cupide dans ma vie quotidienne ? Bien sûr que non. Néanmoins, dans des situations spécifiques, je peux me comporter comme tel, et c’est bien la force des propositions théoriques de Johnson. Jouer fait que l’on nous attribue un rôle et un statut particulier dans un système. Interroger ce statut, c’est remettre en cause ce système. Libre à nous ensuite, de lutter, ou non. ■
Je suis intervenu aux journées doctorales « Appropriation des objets numériques » co-organisées par l’OMNSH et le GReMS (UCLouvain). Une version sera uploadée ultérieurement sur Archives Ouvertes.
Pour citer cet article : Giner, E., (2019). Enjeux des photographies vidéoludiques : un état des pratiques. Communication donnée aux journées doctorales 2019 « Appropriation des objets numériques » organisées par l’OMNSH et le GReMS. Les 9 et 10 juillet 2019 : UCLouvain, Louvain-la-Neuve.
Giner, E., (2019). Enjeux de photographies vidéoludiques : un état des pratiques
Dans le cadre de cette communication, je
vais particulièrement me focaliser sur une pratique de joueurs et de joueuses
qui existe quasiment depuis le début du jeu vidéo à savoir, les photographies
prises en jeu. Si les photos ou les modes photos peuvent sembler être une
pratique de niche, leur prolifération au sein des jeux dits “triple A” est le
reflet d’un certain engouement pour cette pratique autant de la part des
communautés de joueurs et de joueuses, que des éditeurs. En témoigne par
exemple cette photographie vidéoludique d’Aloy, héroine du dernier jeu du
studio Guerilla Games : Horizon Zero Dawn (2017), qui fut utilisée par le site
d’information GamesRadar pour
annoncer une mise à jour de son mode photo. Cette illustration n’est pas non
plus anodine puisqu’elle me permet au passage de remercier le comité de
sélection et d’organisation de ces journées.
Lorsque l’on parle d’appropriation des
objets numériques, les photographies en
jeux semblent être un constat particulièrement visibles. A land to die in (Rauch, 2008) et Glitchscapes (Rauch, s.d.) sont deux projets photographiques qui
témoignent d’une forme d’appropriation encore peu observée au sein des études
francophones des jeux vidéo. Rauch réalisa des séries de screenshots représentant des corps inertes d’avatars dans la
première série et des environnements buggés
dans la seconde.
Loin d’être un épiphénomène, la
« photographie en jeu » (Gerling, 2018)[1] définit
une forme de transformative play dans
le sens où l’acte de jouer est un acte créateur (Salen et Zimmerman, 2003).Pour
autant, si originellement cette pratique pouvait être associée à une forme de
braconnage au sens de De Certeau, l’intégration progressive de ce phénomène au sein même du code informatique d’un
jeu nous suggère une pluralité de pratiques et de structures encadrant ces
pratiques. Les concours en sont un reflet.
Ceux-ci peuvent être organisés
directement par les communautés : en témoigne le concours organisé sur le forum
JVC consacré au jeu Red Dead Redemption (Rockstar, 2018). Ils peuvent aussi
être gérés directement par les studio et les éditeurs.
En 2018, Sony et le studio Santa Monica
organisèrent un concours de photographies. Ce concours a permis de générer un
nombre conséquent d’interactions et de contenus sur les réseaux sociaux comme
en témoigne l’abondance du hashtag #GOWPhotoMondeContestEntry sur Twitter.
Il y a donc dorénavant aussi des enjeux
commerciaux pour les éditeurs. Si d’un côté il est bien question d’une
appropriation artistique ou communicationnel, de l’autre, il est d’avantage
question donc d’UGC, de user-generated
contents. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en discussion les
pratiques amatrices et une forme de digital
labor, à savoir le travail social en réseau regroupant la production de
contenus et leur partage auprès de contacts d’un réseau (Casilli, 2019).
Malgré toutes ces formes de pratiques
dont les quelques exemples que j’ai présentés ne sont qu’une infime partie, il
apparaît que les photographies vidéoludiques sont encore peu étudiées dans le
milieu scientifique francophone et ce, même si les sciences populaires se sont
saisies du sujet,en témoignent par
exemple les essaies vidéo produits par les chaines Arté (2017), Pseudoless
(2018) et « Un Bot Pourrait Faire Ça » (2017). La presse spécialisée
s’est elle aussi déjà penchée sur le sujet. En témoigne par exemple le très
récent article d’Ellen Replay : “Les catalogues précis du jeu vidéo” publié le 9
avril 2019 sur CanardPC.
Cette communication s’inscrit donc dans
une démarche exploratoire dont l’objectif est de présenter un état de l’art et
des pratiques artistiques, archivistiques et communicationnelles des joueurs et
des joueuses et des entreprises. L’objectif sera d’aboutir à une typologie des
photographies vidéoludiques tout en prenant en compte l’ambivalence de ce
phénomène, entre pratiques et digital
labor. Nous étudierons donc aussi « les stratégies adoptées par les
concepteurs de jeux vidéo pour encourager ou, au contraire, brider de telles
appropriations ludiques qui dépassent le cadre de l’interprétation »
(Cayatte, 2016).
Après une première partie consacrée à une
histoire de la photographie en jeu et des enjeux actuels de la recherche, je
proposerai une analyse typologique des photographies vidéoludiques et des
pratiques en fonction de deux paramètres : les outils et les lieux de
publication. Je consacrerai la conclusion de ma communication à réencastrer la
photographie vidéoludique dans une tendance plus générale des acteurs du jeu
vidéo à monétiser le digital labor des
joueurs et des joueuses.
1. Une histoire de la photographie vidéoludique
Dès le début de l’informatique, on voit
émerger des outils permettant de photographier directement les écrans.De
manière plus amatrice, un simple appareil photo pouvait être utilisé dans une
salle d’arcade ou chez soi pour prouver un record. L’un des derniers records de
Wes Copeland, joueur de Donky Kong
est d’ailleurs illustré de cette façon. Dans un épisode de speed game, l’animateur Yan Chauvière expliquait avoir photographié
son temps ingame au jeu Super Metroid (Nintendo, X) dans le but
de participer à un concours. Dans ce cadre, la photographie est liée à un hardware externe à la machine.
Cette photographie d’écran n’était alors
qu’une technique parmi d’autres puisque très tôt, l’informatique intègre des
outils de captures d’écran notamment signifié maintenant soit par la touche imp écr, soit par l’outil
« capture » permettant de sélectionner tout ou une partie de son
écran. Le McIntosh d’Apple de 1984 intègre par exemple une commande similaire. C’est
par ce biais que des images de jeu vont pouvoir rapidement circuler sur
internet. Certains outils de photographie en
jeu reposent sur ces captures d’écran. C’est le cas de Steam ou de Uplay qui par
le biais de la touche F12, sauvegardent instantanément toute actualisation du
jeu qui se trouve être joué.
Directement dans les jeux vidéo et leur
code, on pourrait supposer son apparition avec les deux dernières générations
de consoles et les différents modes photos sur lesquels je reviendrai plus tard
mais pourtant, dès les années 1990, l’acte de photographier faisait déjà partie
du jeu. Particulièrement, il s’agissait alors de photographier l’audience, par
le biais de son avatar, à des moments précis des jeux de sorte à le valoriser,
comme dans le cas de Rayman (Ubisoft, 1995) où l’avatar est photographié. La
photographie est alors aussi un moyen de signifier le voyage parcouru. Dans les
jeux Zelda : Link’s Awakening (1993)
et Earthbound (1994), les héros Link
et Ness sont périodiquement photographiés. Pour le premier, les photos étaient
imprimables via le Game Boy Printer tandis que pour le second, les photos
faisaient leur apparition dans le générique de fin pour signifier tous les
lieux parcourus par l’audience pendant son aventure.
Par la suite, on trouve des jeux faisant
de la photographie le cœur de leur expérience-cadre, comme par exemple Pokémon Snap (Nintendo, 1994) ou encore Beyond Good & Evil (Ubisoft, 2001)
dans lequel nous devons photographier la faune et la flore d’une planète. La
photographie peut devenir ponctuellement l’enjeu central d’une quête comme par
exemple dans Gravity Rush 2 (Japan
Studio, 2017) dans lequel, à un moment, nous devons suivre un voleur et le
photographier. Ci-contre, une photo de moi, en train de le suivre et incarnant
Kat, l’héroïne du jeu.
2.
L’état de l’art actuel à propos de
la photographie vidéoludique
Les recherches anglo-saxonnes se sont
déjà intéressées à la question des photographies en jeu. Betsy Book l’associait
à des expériences touristiques (2003). Cindy Poremba quant à elle l’envisageait
plus largement comme « une expression créative qui peut survenir à travers
la remédiation de la capture d’écran et à travers l’usage de la photographie en
tant que structure ludique » (2007:57)[2].
A ce jour, cette communication s’inscrit
d’avantage dans les travaux de Winfried Gerling, professeur à l’université des
sciences appliquées de Postdam. Celui-ci définit la photographie vidéoludique
de la façon suivante : Il s’agit d’une forme de transformative play dans le sens où une audience s’approprie un
jeu, ses personnages, sa topographie par une activité qui ne s’inscrit pas
forcément dans le cadre du jeu, ou du moins dans ce qui est défini comme le
champ des possibles ludiques.
« Aside from a few games in which photography
is part of the gameplay, in a computer game, photography is
« transformative playing »43— i.e. an activity not within the rules of
the game. It is a creative and reflexive appropriation of the game »
(Gerling 2018:158)
Par le biais d’une caméra imaginaire
(Krichane, 2018), une audience peut donc explorer un espace-temps, un moment
suspendu dans le temps de la chose racontée (Cayatte, 2018) afin de s’essayer à
tout type de genres photographiques.
« All types of conventionalized photographic
genres are tried out: landscape, portrait, architecture, erotic/pornographic,
and documentary photography, among others. Photographers always seek out
remote, dilapidated, and destroyed places in the game and the aesthetics of
ruins » (Gerling 2018:159)
J’ajoute à la liste de Gerling les
selfies vidéoludiques qui font aujourd’hui le pont entre la tenue d’un carnet
de voyage, d’une pratique touristique et d’une mise en récit de soi dans l’acte
vidéoludique. On peut aussi faire mention de certains queer games qui se sont saisi des pratiques photographiques
contemporaines pour créer un jeu. On peut par exemple citer Cobra Club (Robert Yang, 2015) dont
l’objectif est de réaliser des photos de ses organes génitaux.
D’une manière générale, à ce jour, le
modèle dominant de photographies vidéoludiques semble être les « modes
photos ». Ces modes de jeu sont
particulièrement présent dans les jeux proposant des mondes très vastes à
explorer comme Assassin’s Creed Odyssey (Ubisoft,
2018) par exemple. Il s’agit alors de boîte à outils reproduisant de nombreux
paramètres de la photographie numérique : contrôle de l’obturateur, de la
luminosité, du focus, etc. A cela peuvent s’ajouter des fonctionnalités
inspirés de certains réseaux sociaux : ajout de filtres, de stickers, etc.
Théoriquement, il me semble pertinent de
formaliser ces modes photo, non pas comme quelque chose d’extra-diégétique mais
plutôt de para-diégétique dans le sens où il s’agit d’un outil mettant en pause
le jeu en action pour donner accès
dans une certaine mesure directement aux assets représentés et rendus. On
pourrait aussi les assimiler à des processus de disengamement qui selon Stéphane Goria, définissent des processus durant
lesquels on retire les marqueurs pragmatiques d’un objet ludique. Il est donc
important ici de constater ici des pratiques du côté audience, qui prend des
photos avec, mais aussi des entreprises développeuses puisque volontairement,
elles retirent les fonctions ludiques de leurs jeux.
Une caractéristique importante de ces
photographie semble être dans le rôle polyvalent de l’audience photographe puisque
celle-ci, en plus de la caméra, sont en mesure de contrôler dans certaines
mesures l’environnement, parfois le modèle qui possède des emotes, et
littéralement le temps puisque dans la plupart des cas, les modes photo
permettent d’explorer une actualisation à un temps T d’un calcul de rendu par
la machine.
Les modes photos actuels prennent aussi
dorénavant des fonctions sociales. Par exemple, la version playstation de AC Odyssey intègre la modalité de
partage constructeur, en l’occurrence le ps
share, mais propose aussi aux joueurs et joueuses de partager leurs photos
soit dans le jeu directement : AC
Odyssey permet de voir les photos des autres joueurs directement sur la
carte du monde, soit dans une base de données observable en ligne directement
sur un site d’Ubisoft.
A l’issue de ce premier état de l’art,
j’observe deux constats : le premier est qu’à ce jour, très peu de travaux
portent sur les photographies vidéoludiques. Une hypothèse expliquant cela
qu’il s’agit d’une pratique de niche chez les audiences et même si cela est
difficilement quantifiable, on peut supposer que les photographes de jeux vidéo
qui se définissent comme tels représente une infimes partie des joueurs et des
joueuses. A titre d’exemple, sur le serveur discord Gametography que je suis en observation participante, j’estime que
les photographes partageant leurs travaux représentent moins de 10% des
personnes présentes.
Un deuxième constat est plus intéressant
à mon sens : à ce jour, les distinctions qui semblent aujourd’hui opérantes
se font en fonction des intentions des joueurs et joueuses photographes. Betsy
Book l’associait à une pratique touristique. Gerling quand à lui préfère
distinguer les pratiques archivistiques des pratiques artistiques.
Pour les pratiques archivistiques, nous
pouvons notamment mentionner les nombreux catalogues de photos alimentés par
des contributeurs socialement identifiés. On peut notamment évoquer deux
comptes twitter à savoir celui de Jess Morissette, professeur à l’université
Marshall, qui entretient le Video Game
Soda Machine Project : catalogue regroupant actuellement environ
3 000 distributeurs de sodas représentés en jeu. Plus récemment, le compte
@CanYouPetTheDog qui se présentent comme
un catalogue de tous les chiens que l’on peut ou pas caresser dans les jeux
vidéo.
J’ai aussi déjà évoqué quelques pratiques
artistiques, comme A Land To Die de
Rauch, mon terrain est particulièrement fertile à ce sujet. Organisé par jeux,
les photographes partagent des productions soit directement issues des jeux,
soit modifiées par l’usage de logiciel tiers directement dans le jeu, le cas de
ReShade, soit modifiées en post-production. Actuellement, les échanges portent
principalement sur la qualité des photographies. Très peu portent sur des
questions de méthodes. En parallèle, un premier ouvrage collaboratif va sortir
à la fin de cette année. Il regroupera des contributions de la communauté et
cet événement est important car cela va être l’un des premiers documents de
légitimation artistique des photographies vidéoludiques produites par des
joueurs et des joueuses. De même, ces pratiques et les formes de légitimations
liées sont des constats d’un changement de paradigme dans notre appréciation
esthétique des mondes vidéoludiques. Il y a une appréciation de la diégèse mais
aussi de l’objet industriel. A ce sujet, le compte de Henry Potter est
particulièrement révélateur puisque ce « Forzatographe », photographe
spécialisé dans les jeux de course Forza, alimente un catalogue appréciant le
jeu, son code, mais aussi les voitures modélisées.
3.
Pour une typologie dynamique des
photographies vidéoludiques
A l’issue de la partie précédente, il me
semble avoir présenté un large panel de pratiques et d’outils. Jusqu’à présent,
les modélisations se font en fonction des outils et des intentions. Or, dans le
cadre de notre problématique, c’est-à-dire l’ambivalence de la photographie
vidéoludique en tant que pratiques amatrices et digital labor. De même, les travaux s’inscrivent en science de
l’art alors que je souhaite d’avantage interroger cette pratique depuis la
sociologie des objets. En effet, les photographies vidéoludiques, qu’elles
soient des screenshots, des photos ou
des photographies d’’écran, sont rendus possible par la rencontre d’une
audience (qui font le cliché), des jeux, et des outils de capture. C’est
pourquoi dans la partie suivante, je vais présenter des synthèses permettant de
modéliser les interactions ancrées dans des lieux de socialisations en ligne et
hors ligne.
A partir de ce
que j’ai présenté, il semble premièrement que les outils peuvent être disposés
sur un continuum hardware ó software. Afin de révéler les formes de communications ainsi
que les enjeux liés aux photos pour les entreprises développeuses, j’ai
identifié à l’issue de mes observations six lieux de publication que je
formalise sous la forme d’un continuum d’exposition. A ce jour, en 2019, les
six outils de captations que j’identifie sont :
Les appareils externes (appareils photos,
smartphones)
La machine par l’intermédiaire d’un input dédié (la touche imp écr. le
bouton share)
Les logiciels tiers (qui sont associés à certains
composants de la machine comme le cas d’Ansel, une freecam développée par
Nvidia)
Les outils photo proposés par les plateformes (la
touche F12 sur Steam, GoG et Uplay)
Les appareils photos ingame (la caméra diégétique de Beyond
Good & Evil
Les modes photos (qui sont des fonctionnalités
issues du disengamement raccourciçant la relation entre l’opérateurice et la
machine).
A ce jour en 2019, j’identifie 6 lieux de
publications qui viennent cadrer les formes de socialités associés donc à ces
objets dans leurs contextes de publication :
Dans un lieu ou objet physique dédié à
l’exposition (musée, galerie, etc.)
Dans un lieu ou objet physique détourné ou privé
Sur un espace de stockage privé (serveur, disque
dur)
Sur une plateforme sociale propriétaire (le
playstation network, Steam)
Sur un réseau social lié au jeu (la carte d’AC
Odyssey, les sites des jeux)
Sur des réseaux sociaux tiers (Flickr, twitter,
imgur, etc.)
Cette matrice permet alors de révéler les artefacts issus d’une pluralité de pratiques. J’énonce donc ici, presque dans une tradition geertzienne que les documents sont révélateurs de pratiques.
Cette analyse typologique que je propose
illustre les différentes interactions qui peuvent avoir lieu entre les
personnes photographes et les créateurs de jeu vidéo. Ainsi, il semble important
de constater Plutôt que de prendre un positionnement tranché, la typologie que
je propose invite d’avantage à considérer chacun des croisements [Outils –
contextes de publication] définit un système dans lequel chaque individu peut
exprimer une pratique – on peut voir que je n’ai pas réussi à remplir
l’intégralité des cases – et la façon dont les autres acteurs, principalement
les entreprises, peuvent réutiliser ces pratiques en tant que formes de digital labor. Par exemple, une photo
réalisée directement avec le mode photo puis publiée directement sur un réseau
social lié au jeu contribue directement à l’augmentation du contenu lié au jeu.
La même photo publiée sur un réseau social tiers contribuera à la
visibilisation du titre auprès d’une audience non joueuse. L’ajout automatique
de Hashtag sur Twitter est alors une stratégie mercatique des entreprises afin
de profiter des pratiques photographiques tout en permettant une communication
gratuite.
Etant donné que cette communication est un premier pas dans le cadre d’une recherche exploratoire, il semble intéressant de conclure qu’en rappelant que si jusqu’à ce jour, les photographies vidéoludiques étaient définies principalement par le prisme de l’intention d’auteur, la matrice typologique que je propose me semble pertinente pour encastrer ces pratiques dans un contexte social de publication tout en étant liées à des outils technologiques soit proposés par les créateurs des jeux, soit apportés par une communauté directement à l’instar des freecams. L’intérêt de cette formalisation permet à mon sens d’envisager par le biais de cette pratique les enjeux et les objectifs variés voire contraire entre les acteurs de ce phénomène. De nombreux prolongements peuvent cependant être envisagés. Premièrement, il convient d’interroger d’un point de vue légal la propriété de ces productions. Secondement, si la matrice que je vous ai présentée n’est pas complète, la poursuivre semble une perspective passionnante.
Ultimement, si le sujet que j’ai abordé
dans cette communication semble trivial, il me semble pourtant être le reflet
d’une tendance plus lourde des directions prises par l’industrie du jeu vidéo à
savoir : la récupération et la concentration progressive de toutes les
pratiques parallèles du jeu. Si auparavant, la photographie se faisait en
dehors de tout cadre pensé par les éditeurs, elle est aujourd’hui complétement
réintégré dans leur giron. Il en va de même pour le modding qui se faisait de manière libre avant d’être régulé une
première fois par les plateformes telles que Steam Workshop pour dorénavant être directement intégré dans des
jeux bacs à sable dont l’objectif est dorénavant de créer d’autres jeux. On
peut citer notamment La Forge de Overwatch
ou encore Fortnite Creative.
Ainsi donc, au-delà des photographies vidéoludiques, il semble que l’étude de
cette tendance devienne primordiale.
Esteban (Grine) Giner, 2019.
Bibliographie
Book,
Betsy. Traveling through cyberspace: Tourism and photography in virtual
worlds. 2003.
Casilli,
Antonio a. En attendant les robots. Le Seuil, 2019.
Gerling,
Winfried. « Photography in the Digital ». photographies, vol.
11, no 2‑3, septembre 2018, p. 149‑67. Taylor and Francis+NEJM,
doi:10.1080/17540763.2018.1445013.
Poremba,
Cindy. « Point and Shoot: Remediating Photography in Gamespace ». Games
and Culture, vol. 2, no 1, janvier 2007, p. 49‑58. SAGE
Journals, doi:10.1177/1555412006295397.
Cette semaine, nous avons eu l’occasion de voir un article de psychologie sociale publié sur le sujet des jeux vidéo comme facteur causal de comportements violents. A l’instar du travail de critique que j’ai mené de l’étude de Przybylski (2019), je discute ici ce nouveau papier.
Article mis à jour le 11/03/2019 : corrections orthographiques et grammaticales. Merci à Ryker pour sa relecture.
Tout d’abord, une première interrogation survient lorsque les chercheurs énoncent avoir customisé un jeu vidéo afin de contrôler ses potentiels stimuli sur les joueurs. Les auteurs devront dans la suite expliquer minutieusement leur process puisque en plus d’une recherche en psychologie sociale, les auteurs ont réalisé un travail de recherche-création. Les enjeux épistémologiques n’en sont pas des moindres puisque chacune des modifications effectuées doit être expliquée et cadrée. Juste après avoir exposé leur objectif principal, les auteurs font intervenir une hypothèse biologique et tentent d’observer si à partir de cette hypothèse, il est possible de faire un travail de sociologie prédictive :
« Our secondary goal was to test whether the ratio of the lengths of the index and ring fingers (2D:4D ratio), believed to measure prenatal testosterone exposure, predicts aggressive behavior as theorized. » (Hilgard et al 2019:95679761982968).
Ainsi donc, les deux enjeux de l’article sont particulièrement complexes à traiter puisque les auteurs interrogent un potentiel déterminisme biologique (l’exposition prénatale à la testostérone) et un potentiel déterminisme socioconstructiviste. A l’instar de Przybylski (2019), Hilgard et al ne définissent pas ce qu’ils entendent par « jeux violents ». C’est un problème que nous avions déjà observé chez Przybylski et al mais ces derniers avaient mobilisé le système PEGI pour effectuer la catégorisation. Ainsi donc, l’étude de Hilgard et al présente un premier biais puisqu’elle suppose comme évidente la définition de « violent game ». J’ai déjà expliqué pourquoi ce biais rend difficiles les conclusions d’études de réception de ce genre. Par ailleurs, on peut observer de la part de Hilgard et al une méconnaissance certaine des jeux vidéo. Ou plutôt, le format scientifique de ce type d’étude ne permet pas à ses auteurs de prendre le temps nécessaire de réaliser des études de contenus, même brèves. Cela amène de facto des raccourcis qui semblent particulièrement difficile à légitimer. Par exemple, la façon dont les auteurs catégorisent les jeux vidéo avec ce type de raccourcis indiquent des biais évidents de sélection.
« Violent games are often shooter or fighting games,
whereas nonviolent games are often racing, puzzle, or sports games. Therefore,
whereas such games differ in their violent content, they are also different in
their game play, creating a possible confound » (Hilgard et al
2019:95679761982969).
Par la suite, les auteurs présentent enfin les 4 hypothèses qui fondent ce travail de recherche. On s’aperçoit que les hypothèses (1) et (2) semblent tout à fait acceptables. De même, l’hypothèse (4) prend position pour des phénomènes de galvanisation plutôt que de catharsis. Puis, au milieu de ces hypothèses se trouve la (3) qui suppose que : « more masculine 2D:4D digit ratios will be associated with more aggressive behavior » (Hilgard et al, 2019). Autrement dit, des mains plus « masculines » seraient corrélées avec des comportements plus agressifs.
« This study examined the effects of game violence, game difficulty, and 2D:4D ratio on aggressive behavior among college-age men. We made four hypotheses: (Hypothesis 1) Violent video-game content will increase aggressive behavior, (Hypothesis 2) video-game difficulty will increase aggressive behavior, (Hypothesis 3) more masculine 2D:4D digit ratios will be associated with more aggressive behavior, and (Hypothesis 4) these effects will yield superadditive interactions » (Hilgard et al 2019:95679761982970).
Cette troisième hypothèse est fondamentalement intenable puisqu’elle suppose une définition de la « masculinité », exercice que les auteurs ne font pas. Par ailleurs, l’étude a porté sur 446 hommes dont la composition présente elle aussi des biais de sélection. Une lecture plus critique que celle que je propose pourrait aussi légitimement interroger cela depuis une perspective ancrée dans une épistémologie féministe. En soi, les auteurs tentent ici de catégoriser un phénomène biologique par une définition ancrée culturellement.
Sans nous arrêter sur la procédure biologique de mesure des mains (pour laquelle je ne suis pas suffisamment compétant pour critiquer), nous trouvons enfin les jeux modifiés par les développeurs. Sans surprise, il s’agit de hacks du jeu DOOM2, un jeu de 1994. Ici, j’observe un nouveau biais de sélection qui, à mon sens, rend l’étude caduque. La « violence de 2019 » ne peut pas être constatée avec la « violence de 1994 ». Les jeux vidéo sont des objets ancrés dans des périodes historiques. Il eut été plus intéressant de choisir DOOM2016, au hasard. On en vient à la procédure d’enquête des chercheurs. Chaque participant rédigea un essai sur leurs opinions à propos de l’avortement. Puis en binôme, chacun a dû évaluer un faux essai (supposé être celui de l’autre) allant à l’encontre de leurs propres opinions (prochoice / antichoice) puis ils ont joué à DOOM2. Pour la suite de la procédure, un intervenant de l’équipe a demandé aux enquêtés d’effectuer une tâche en étant gênés. Enfin, le scientifique a présenté l’évaluation de l’essai de l’enquêté (mais comme dit plus tôt, l’évaluateur ne l’a pas évalué. Il en a évalué un autre). Ici, il est important de rappeler que les scientifiques ont menti et que leur protocole est difficile à décrire en quelques lignes. Comme d’habitude, les résultats reposent sur l’agrégation de variables puis, par méthode de régression linéaire, les chercheurs ont représenté un ensemble de corrélation sous formes de courbes (qui ont l’air ici de droites, forcément).
La conclusion de Hilgard et al est alors minime par rapport à la question à laquelle les chercheurs tentent de répondre. Ils n’ont observé aucune corrélation entre une session de jeu d’une durée de 15 minutes et des comportements plus violents à l’issue de ladite session. De même, les causes d’un comportement violent semblent noyées entre le contenu (la violence représentée) et la structure (la difficulté effective du jeu). L’ouverture qu’ils en tirent est alors le constat d’un défaut de procédure scientifique puisqu’ils évoquent le besoin de réévaluer si le hacking de jeux violents est pertinent pour observer des liens de causalités entre les jeux et des mécanismes d’agressions. Comme évoqué plus haut, l’hypothèse que les comportements violents sont corrélés à des mains dites « plus masculines » ne tient pas la route, et on peut probablement supposer que Hilgard et al ici souhaitaient en fait invalider cette hypothèse présente dans des études antérieures. En toute fin de papier, les chercheurs énoncent que malgré leurs précautions, une part non négligeable d’enquêtés a dû prendre conscience des enjeux de la recherche, ce qui a inféré potentiellement un certain nombre de biais dans les réponses données.
Conclusion
Globalement, l’article de Hilgard et al s’inscrit dans une tradition typique de la psychologie sociale. Leur tentative de mise en place d’un protocole semble pourtant échouer pour plusieurs raisons qui me semblent être d’avantage structurelles. Comme évoqué, aucune des caractéristiques de la procédure présentée n’est sujette à une remise en cause : pourquoi seulement 15 minutes de jeu ? Pourquoi proposer un jeu de 1994 ? Etc. De même, à aucun moment n’est défini fondamentalement ce qu’est un « jeu violent ». L’absence d’étude de contenus semble être le travers le plus visible de ces études. Cependant, le choix des situations vécues par les enquêtés est aussi concernées par ce travers. Tout semble aller de soi, alors que finalement, une lecture critique interroge l’ensemble. Par ailleurs, l’étude ne présente pas la démarche créative des auteurs pour ce qui relève du hacking de DOOM2, il est donc impossible pour nous de constater les variances effectives proposées. On peut aisément supposer que le choix de DOOM2 est corrélé à sa facilité de modding. Cependant, le choix est légitimement contestable puisqu’il s’agit encore une fois d’un jeu de 1994 alors que les formes de violences dans les productions médiatiques dépassent largement ce qui est aujourd’hui un jeu âgé de 25 ans. En ce sens, nous préférons la conclusion de Bediou et al qui, après avoir défini le genre de JV qu’ils observent, aboutissent à une conclusion mesurée sur la question de l’impact des JV d’action sur les joueurs (2017). Leur étude sera l’occasion d’une nouvelle note de lecture de ma part.
« Overall, the present meta-analysis confirms a medium
size impact of habitual action video game play on cognition and a
small-to-medium size effect of training young adults with action video games on
a few cognitive domains. Yet, much work remains, in particular in leveraging
key action mechanics to create action games appropriate across the life span;
in carrying out training studies with improved methodology and in particular
larger sample sizes and of longer duration (an expensive proposition); in
understanding the potential role of expectations in cognitive enhancements and
how they may be put to good use rather than considered as a nuisance variable;
and in elucidating the appropriate dosage in training regimens, recognizing
that different cognitive domains may require different amount of practice to
alter » (Bediou
et al 2018:103).
Esteban Grine, 2019.
Bibliographie mobilisée
Bediou, Benoit, et al. « Meta-Analysis of Action Video Game Impact on Perceptual, Attentional, and Cognitive Skills. » Psychological Bulletin, vol. 144, no 1, janvier 2018, p. 77‑110. Crossref, doi:10.1037/bul0000130.
Hilgard, Joseph, et al. « Null Effects of Game Violence, Game Difficulty, and 2D:4D Digit Ratio on Aggressive Behavior ». Psychological Science, mars 2019, p. 095679761982968. Crossref, doi:10.1177/0956797619829688.
Przybylski Andrew K., et Weinstein Netta. « Violent video game engagement is not associated with adolescents’ aggressive behaviour: evidence from a registered report ». Royal Society Open Science, vol. 6, no 2, février 2019, p. 171474. royalsocietypublishing.org (Atypon), doi:10.1098/rsos.171474.
J’écris pour laisser une trace de mon expérience d’Anodyne, jeu indépendant remarqué à l’Indie Game Festival et sorti en 2013. J’écris aussi pour constater aussi que parfois, certains jeux me laissent sans voix, sans pensée.
Anodyne propose à son joueur ou sa joueuse d’incarner Young
dans ce qui semble être un parcours initiatique mais qui se révèle suffisamment
complexe pour s’éloigner de cette trame narrative typique. En effet, au début,
on se retrouve plus ou moins téléporté dans un monde inconnu : The Land, qui semble bien inhospitalier
malgré ses habitants. Alors, tel un Link parcourant l’île de Cocolint, on se
retrouve à errer à la recherche de clefs, puis d’images, tout en réduisant à
néant des gardiens censés protéger Le Briar. Je ne pourrai malheureusement pas
en dire plus tant la quête semble pour moi abscons. Je n’ai jamais vraiment su
ce que je faisais ou ce que je devais faire pendant les quelques 6 heures de
jeu. Totalement perdu, je flânais au grès de mes découvertes et des quelques
fulgurances que j’ai pu avoir. J’y ai vécu des moments d’émerveillements :
en explorant les toits d’une ville, en discutant avec des entités informatiques
ou encore en observant l’horizon depuis une éolienne. J’ai ressenti parfois le
dégout et l’horreur : en commettant des meurtres dans une ville ou en
parcourant des décors symbolisant un enfer organique. Généralement, je me
laissais porter par l’exploration sans grande conviction.
J’ai été amusé par certains dialogues, intrigués par d’autre,
dialogues qui semblent être destinés autant à nous en tant que joueur qu’à
notre avatar. Mais d’une manière générale, c’est avec une certaine apathie que
j’ai terminé le jeu.
Je ne suis pas certain d’avoir compris quoi que ce soit, j’ai plus le sentiment que ce jeu regroupe un ensemble de vignettes où chaque lieu donne un message différent, une leçon différente, peut-être sur le jeu vidéo mais aussi sur nous en tant que joueurs et joueuses. Typiquement, ce jeu m’intrigue et c’est probablement la première fois que j’attribuerai l’adjectif « postmoderne » à un jeu sans avoir un sourire narquois à l’évocation de cette notion. J’ai l’intime conviction que ce jeu propose un espace métaréflexif aux joueurs et joueuses afin de réfléchir sur leurs propres pratiques du jeu, pourvu que ces derniers s’en saisissent. Cependant, en même temps, j’aime bien l’idée que ce jeu, développé sur une petite année, ne possède pas de « grande morale » et qu’au contraire, il ne demande qu’à être parcouru, de manière nonchalante mais sincère. Mon incertitude sur ce jeu est probablement liée à l’expérience, toute aussi incertaine, que j’ai eue.
Un peu sur l’instant, je me suis décidé à réaliser un état de l’art à propos des recherches sur le jeu vidéo. cette idée ne vient pas de nulle part car en réalité cela fait un moment que je complexe vis-à-vis de mon ignorance sur les travaux des uns et des autres. J’ai parfois un peu trop l’impression de travailler seul, isolé ce qui me rend vulnérable, je trouve. C’est lors d’un atelier à l’OMNSH que je me suis rendu compte, encore une fois, de la richesse de la jeune recherche francophone et du coup, j’ai décidé de réunir dans un même thread twitter tout un tas de papiers que j’ai pu glaner à droite à gauche.
Ainsi, avec une contrainte de temps que je me suis fixée (à peu près), je cherche, j’agrège et je lis le plus possible. J’ai l’impression, encore une fois que twitter (et l’idée de thread que j’ai reprise d’Arcade) m’a permis de me motiver à faire quelque chose que je partage maintenant avec vous, histoire d’en garder une trace.
Il s’agit donc d’un moment Twitter que je vous invite à regarder et farfouiller. Peut-être y trouverez-vous Saussure à votre pied. ■