Catégorie : Pixel d’Opinion

  • Il n’y a pas eu que du mainstream en 2024, il y avait aussi des jeux.

    Il n’y a pas eu que du mainstream en 2024, il y avait aussi des jeux.

    2024 a été une année particulièrement infernale pour moi, pourtant, cela ne m’a pas empêché de jouer à un très grand nombre de jeux vidéo ou d’œuvres qui pourraient y être associés. Au total c’est un peu plus d’une trentaine de jeux que j’ai finis, tous plus ou moins sortis au cours de l’année. Cette année a été une année d’exploration bien au-delà des jeux vidéo qui sortent sur les plateformes typiques de marché comme Steam. En effet, j’ai passé beaucoup de temps à explorer notamment les sélections faites pour des festivals spécifiques et indépendants comme A MAZE et d’autres.

    En somme, il ressort de cela que j’ai joué à beaucoup d’expériences particulièrement variées allant du Walking Simulator aux fraises jusqu’au blockbuster ayant coûté plusieurs centaines de millions, toutes monnaies confondues.

    Contrairement à l’exercice habituel, j’ai essayé cette fois de réunir des expériences qui n’apparaissent pas forcément ailleurs dans d’autres listes, soit parce qu’elles sont obscures, soit parce qu’elles ne sont pas sorties en 2024, soit juste parce qu’elles sortent complètement des radars. C’est aussi un bon prétexte pour recommencer à publier sur ce carnet que j’affectionne tant, avant les gros sujets qui vont également vite arriver.

    Bonne lecture ! ■

    esteban grine, 2025.

    Endless Monday: Dreams and Deadlines, hcnone, 2023

    J’ai joué au jeu dans une période particulièrement tendue professionnellement parlant (entre emploi salarié et fin de thèse). Voir les problèmes professionnels des personnages du jeu m’a également permis de gérer les miens et d’envisager la suite. Dans l’une des fins, la personnage principale se fait licencier et décide de monter sa propre entreprise, bien que cela ne soit pas ma propre situation, cela permet malgré tout de se projeter dans un futur peut-être un peu plus souhaitable. Relativement court (environ 3h), il m’a suffi de rajouter une petite heure pour atteindre la meilleure des fins et pour quelqu’un qui a vécu deux burnouts en une seule année, cela valait éminemment le coup.

    Une capture du jeu provenant de la page steam.

    Undertale Yellow, Master Sword & Team Undertale Yellow, 2023

    Undertale Yellow est un fangame, développé par la Team Yellow, qui se positionne comme étant un antépisode d’Undertale. Le jeu reprend les éléments du lore originel pour proposer à son audience de révéler l’histoire de Clover, supposé·e être l’âme jaune dans Undertale. Malgré ses pics de difficultés, le jeu propose une expérience dans la continuité du jeu de Toby Fox. On y retrouve les mêmes variations de registres d’une séquence à une autre. Cela peut déstabiliser dans une certaine mesure, comme lorsque le récit enchaîne et révèle l’histoire de Kanako, fille de Chujin et Ceroba Ketsukane. La transition faisant de Ceroba l’antagoniste finale est d’ailleurs particulièrement étrange : on ne voit pas la chose arriver. Dans une certaine mesure, tout en sachant que Clover va d’une façon ou d’une autre mourir ou « rendre l’âme » à la fin de l’expérience, celle-ci se trouve tout de même brutale. On aurait pu espérer un autre dénouement. Le statut de prequel, associé à Undertale Yellow, fait aussi que son récit ne trouve pas une conclusion aussi satisfaisante que pour Undertale.

    Dans tous les cas, il est important de remarquer le jeu pour ce qu’il est aussi en tant qu’objet médiatique. Il s’agit d’un des premiers fangames annoncés (en 2016, le concernant) et voir enfin le jeu fini est dans une certaine mesure une prouesse qui n’est possible que par le dévouement de la communauté Undertale en ligne. La controverse autour de la musique du jeu et du gestionnaire des ayants droit, Materia, est aussi un cas d’école dans ce qui concerne les UGC et leur vie dans l’industrie du jeu vidéo.

    Une capture d’un des moments du jeu.

    Titanic 2: Orchestra for Dying at Sea, Flan Falacci, 2023

    Jeu sans queue ni tête, Titanic II est un kamoulox merveilleux se moquant allègrement du film éponyme et du genre du walking simulator. Le jeu emporte l’audience joueuse de saynète en saynète, partant de la chute du corps de Jake, jusqu’à un musée, en passant par l’exploration des fonds marins. Vainqueur du festival A MAZE 2023, le jeu est suffisamment fantastique pour alterner entre humour et genre horrifique. Le jeu est en quelque sorte une métaphore de la mort, mais il convient également de ne pas pousser l’interprétation trop loin étant donné que le jeu se suffit à lui-même sans trop d’explications… Et vraiment si besoin, Céline Dion fait effectivement partie de l’OST du jeu… pour ce qui est des explications.

    Une capture d’écran du jeu, tirée de la page Steam.

    Soul Hackers 2, Atlus, 2022

    j’ai adoré le jeu, j’ai adoré ses personnages ! Je comprends les critiques sur son level design, mais finalement, j’ai aussi adoré le côté très… liminal des donjons ! La tour de l’espoir m’a rappelé certains donjons de SMT 3 et ses longs couloirs sans aucune fenêtre ! Au final, j’étais étrangement à l’aise dans l’inconfort généré par les donjons. Vraiment, tout était bien et cela m’a permis de patienter tranquillement avant P3R ! (en attendant, j’ai essayé SMT 1 sur snes et bon… ça va être clairement plus compliqué de rentrer dedans…)

    Milady qui commente le monde du travail dans Soul Hackers 2.

    Celeste 64, Celeste Team, 2024

    Celeste 64, présenté comme un jeu de jam, célèbre le 6e anniversaire du jeu originel. Si les contrôles peuvent être difficiles à appréhender au début, notamment pour ce qui est de la navigation dans l’espace et repérer l’atterrissage suite à un saut, ils deviennent vraiment plaisants au fur et à mesure de l’aventure. Cette dernière est relativement limitée, mais permet de retrouver des personnages auxquels on s’est attaché : Badeline, Theo et Granny. Si le dialogue avec Badeline fait implicitement référence à la transition de genre de Maddy Thorson (partages d’inquiétude, autopersuasion, etc.), ceux avec Theo et Granny évoquent davantage le quotidien de Madeline après avoir gravi pour la première fois la montagne. Un excellent jeu pour se remémorer le jeu originel. Certaines lignes font d’ailleurs référence à la nostalgie en mentionnant la transition esthétique du jeu, de la 2D à la 3D.

    Une capture d’écran de ma propre partie du jeu, un fois ce dernier complété à 100%.

    Sonic CD, Sonic Team, 2023

    Sonic CD est techniquement le second opus de la série sortie sur Megadrive. Contrairement au reste des épisodes sortis sur la même console, celui-ci n’a pas été développé par l’équipe principale et cela se ressent grandement dans son Game design et son level design. On retrouve Sonic en train de lutter contre les plans machiavéliques de Robotnik. Ce dernier venait tout juste d’accaparer une planète qu’il accrocha à celle du hérisson. Il n’y a pas grand-chose d’autre à dire sur ce jeu tant il s’inscrit tout de même dans la continuité du précédent, son Gimmick qui est de faire voyager Sonic dans le temps n’est finalement pas si bien employé tant le Level design, reste relativement similaire entre les périodes explorées. Une fois le jeu maîtrisé, il devient enfin plaisant à parcourir, en particulier, dans sa version anniversaire, publiée dans la compilation « Sonic origins ». En effet, ayant la possibilité de choisir d’autres personnages pour parcourir les niveaux de Sonic CD, ces derniers deviennent bien plus faciles à naviguer. C’est à ce moment-là que l’on s’aperçoit du fait que l’expérience est relativement courte tout de même. Peut-être que l’élément majeur qui vient tant frustrer l’expérience du jeu est le fait que le Level design empêche régulièrement l’audience joueuse de prendre de la vitesse. Des bumpers et autres ressorts sont utilisés de sorte qu’il est toujours difficile d’aller vite et c’est dommage.

    Dans une certaine mesure, la qualité générale du titre est un artefact des conditions de travail probablement très difficiles qui furent imposées à l’équipe en charge de ce projet.

    Individualism in the Dead-Internet Age, Nathalie Lawhead, 2024

    Une expérience passionnante qui nous propose de redécouvrir beaucoup sur l’Internet des origines et de l’industrie oppressante que c’est devenu aujourd’hui. Il est très difficile de parler de ce jeu dans le sens où la densité de son contenu nécessite bien plus que quelques lignes. Il s’agit d’un essai et d’un manifeste à l’égard de la façon dont l’autrice constate l’évolution de l’Internet et des pratiques de ses usagers. Sans verser non plus dans une nostalgie mélancolique, le jeu/essai de Nathalie Lawhead oppose un Internet qui s’est développé par des pratiques libertaires (hack, bidouilles, etc.) et l’Internet domestiqué par les superstructures que sont les plateformes comme les réseaux sociaux principaux.

    Une photo prise de mon smartphone, avec une capture d’écran provenant du jeu est sous-titré à ce moment : « in the end, we are lost in the indefinite chrun of the content machine. Today’s internet is an abstract concept, controlled by large platforms, where it’s not clear if and how individualism even has a place. »

    Caravan Sandwitch, Plane Toast, 2024

    Caravan sandwitch est un jeu créé par Plane Toast et publié par Dear Villager. Nous y incarnons Sauge, une jeune pilote qui revient sur sa planète natale à la recherche de sa sœur supposée décédée. Le jeu propose l’exploration d’un monde ouvert signifiant la planète de Cigalo, anciennement marécageuse, mais dont le climat a été modifié artificiellement afin de faciliter son exploitation industrielle et capitalistique.

    À de nombreux égards, Caravan Sandwitch reprend des thématiques bien connues de jeux qui le précèdent comme Death standing et Sable. En l’occurrence le jeu met en récit une vision postapocalyptique qui permet à son audience joueuse de faire l’expérience de ce que serait une fin du monde. Contrairement aux deux précédents, en revanche, Caravan Sandwitch développe davantage une vision qui s’inscrit dans le genre du Hope punk.

    Les nombreuses quêtes nous permettent ensuite de découvrir le quotidien des derniers habitants de cette planète, mais également de comprendre le processus par lequel cette planète a fini par dépérir. Aucun ne doute là-dessus, la raison principale est bien sûr son exploitation par un groupe possédant à la fois les pouvoirs économiques et politiques, nommé le Consortium dans le jeu, qui après avoir fini l’exploitation rentable de cette planète a décidé de l’abandonner. Fondamentalement, le jeu s’inscrit dans une lecture anticapitalistique très probablement anarchiste tout en faisant également la promotion du slow Life, d’un ralentissement et d’un décentrement de l’être humain par rapport à la nature. En une dizaine d’heures, le jeu est en somme une très belle porte d’entrée à cette philosophie de vie clairement affichée par le studio qui l’a développé.

    Une photo de l’écran du SteamDeck sur lequel j’ai joué pour finir le jeu.
  • Votre agenda secret

    Votre agenda secret

    Je suis actuellement en train de préparer une communication pour un colloque. Et parfois, par manque d’inspiration, je retourne aux bases qui m’ont propulsé dans la recherche académique. Aujourd’hui, c’est à nouveau l’ouvrage de Jesse Schell qui m’émerveille, encore une fois, par sa complexité. Avait-il déjà tout vu quand il publia la première édition ? Probablement pas, mais il faut lui reconnaitre un certain nez pour ouvrir des portes heuristiques pour la réflexion, mais aussi pour comprendre les contextes de production. Quel plaisir que d’être capable de lire entre les lignes policées de son écriture, pour comprendre en réalité les véhémentes critiques qu’il rédige à l’encontre de l’industrie.

    Le chapitre 33 de son ouvrage, bien que très court, porte sur la responsabilité des développeurs et des développeuses à faire des jeux « qui rendent meilleurs ». Ses propos, réunis dans le sous-chapitre « your hidden agenda », font mouche. C’est pourquoi je fais le choix de les publier ici. Nul doute qu’ils résonneront avec la réalité des camarades.

    « Mais vous pourriez faire valoir que votre jeu est vraiment sûr, qu’il n’y a aucune chance qu’il puisse nuire. Et vous avez peut-être raison. Réfléchissez à ceci : est-il possible de trouver un moyen pour que votre jeu fasse du bien ? D’améliorer la vie des gens d’une manière ou d’une autre ? Si vous savez que c’est possible et que vous choisissez de ne pas le faire, n’est-ce pas, d’une certaine manière, aussi mauvais que de créer un jeu qui nuit aux gens ? Ne vous méprenez pas, je ne suis pas du genre à vous dire qu’il est de la responsabilité des entreprises de jeux d’améliorer l’humanité, même si cela implique de perdre quelques bénéfices. La seule responsabilité d’une telle entreprise est de gagner de l’argent. La responsabilité de faire en sorte que les jeux fassent du bien n’incombe qu’à vous. Suis-je en train de dire que vous devez essayer de convaincre la direction que votre titre sera meilleur s’il peut d’une manière ou d’une autre améliorer l’humanité ? Ce n’est pas le cas. La direction ne se préoccupera pas de cela – son travail consiste à servir l’entreprise, et l’entreprise ne se préoccupe que de faire de l’argent. Ce que je vous dis, c’est que si vous le souhaitez, vous pouvez concevoir vos jeux de manière à ce qu’ils améliorent la vie des gens, mais vous devrez probablement le faire en secret.

    En général, il ne vous servira à rien de dire à votre direction qu’il est important pour vous d’utiliser le puissant média que sont les jeux pour aider les gens, car s’ils savent que c’est votre objectif, ils penseront que vos priorités ne sont pas les bonnes. Mais ce n’est pas le cas. En effet, si vous créez un jeu qui est vraiment bon pour les gens, mais que personne n’aime (la version jeu d’un smoothie au brocoli), vous n’avez aidé personne. Vos jeux ne peuvent servir l’humanité que si le plus grand nombre possible de personnes y joue. L’astuce consiste à trouver ce que vous pouvez mettre dans vos jeux les plus vendus et qui transformera les joueurs et les joueuses pour le meilleur. Vous pensez peut-être que c’est impossible, que les gens n’aiment que ce qui est mauvais pour eux. Mais ce n’est pas vrai. Il y a une chose que les gens aiment plus que tout, c’est qu’on s’occupe d’eux. Et si vous parvenez, grâce à votre jeu, à faire de vos joueurs et vos joueuses de meilleures personnes, ils ressentiront, apprécieront et se souviendront de ce sentiment rare que quelqu’un d’autre se soucie de ce qu’ils deviennent. » (Schell, 2014:520, ma traduction)

    Schell, J. (2014). The Art of Game Design : A Book of Lenses, Second Edition. (2e éd.). A K Peters/CRC Press.
  • Les « À Peu Près Awards » 2020

    Les « À Peu Près Awards » 2020

    La fin d’année se dessinant enfin, il est temps de révéler les lauréats de cette première édition des « À Peu Près Awards », véritable cérémonie s’il en est et tout à fait légitime. Sans plus attendre, voici donc les gagnants : jeux, studio, joueurs et joueuses, commentateurs et commentatrices qui ont marqué l’année 2020.

    L’Award des plus beaux ours vidéoludiques

    Immortal Fenyx Rising, par sa superbe modélisation des ours améliore fondamentalement l’expérience de jeu que l’on pouvait avoir avec les ursidés. Surtout si l’on compare le jeu avec son prédécesseur, Zelda Breath Of The Wild, nul doute que IFR remporte haut-la-main cet award clairement mérité (en plus du fait qu’il s’agit d’un excellent jeu si vous y jouer dans sa version originale en anglais).

    L’Award du jeu où caresser un chien est plus intéressant que de draguer des dieux et des déesses

    Hadès par son gameplay intransigeant permet à chacun de ses joueurs et joueuses de caresser, non pas une ou deux, mais bien TROIS têtes de chien avec ce bon gros toutou de Cerbère. Clairement le personnage le mieux écrit du jeu également. Félicitation donc à SuperGiant pour enfin avoir innover lorsqu’il s’agit de répondre à la question ; can you pet the dog ?

    L’Award de la plus gentille des grands-mères

    Ici, le comité avoue profiter d’un vice de procédure puisque c’est Granny du jeu Moon The Remix RPG sorti originellement en 1997 mais réédité en 2020 sur Nintendo Switch qui remporte cet award. Parce que Granny est toujours à l’écoute pour également nous offrir des cookies avant de partir à l’aventure et ce, depuis plus de vingt ans maintenant, elle mérite amplement cet award.

    L’Award du personnage le plus explosif de l’année 2020

    Dans l’excellentissime Paper Mario The Origami King , Bob-Omb n’est pas comme les autres Bob-Omb. en plus de régulièrement permettre aux protagonistes de briser le quatrième mur, il se révèle drôle et attachant et ce, avec un véritable arc de rédemption qui fera pleurer chacun et chacune à chaude larme. Clairement un personnage qui nous a fait exploser de rire.

    L’Award de la coupe de cheveux la plus cyberpunk de 2020

    Encore une fois, le jury a saisi l’opportunité de ne pas récompenser des jeux qui, parce qu’ils possèdent un nom générique, semblent destinés à recevoir tous les awards concernant la catégorie dans laquelle ils s’inscrivent. Donc, pour l’award de la coupe de cheveux la plus cyberpunk, le jury a décidé de récompenser Sam Porter Bridges qui en 2020 a porté des lunettes, une valve et même un crabe.

    l’Award de l’hommage en jeu le plus cool fait à un artiste décédé

    Assassin’s Creed est un jeu merveilleux pour plein de bonnes raisons. L’une d’elles concerne la quête « The Prodigy » durant laquelle un prêtre empêche un artiste de chanter sa musique « satanique ». Une fois le prêtre vaincu, l’artiste nous remercie et se met à chanter « Smack My Bishop ». L’hommage est évidemment fait à Keith Flint (The Prodigy), décédé l’an dernier.

    A noter également : Keith dans AC Valhalla aurait pu également remporter l’award de la coupe la plus cyberpunk de 2020.

    L’Award du Jeu Vidéo ayant fait un parallèle approximatif et douteux entre son récit et le conflit israélo-palestinien

    The Last Of Us Part 2 n’est pas un jeu très gentil avec son audience. Nul doute qu’il est cependant mémorable tant la violence exprimée dans son game design martèle la rétine de ses audiences. C’est pourquoi dans un monde où tout le monde est méchant, on a toujours besoin de gens encore plus méchants. Pour y arriver, rien de plus simple, il suffit de les objectifier et d’empêcher toute forme d’empathie à leur égard. C’est ce que parvient à faire TLOU2 avec les séraphites, dépeints comme des archétypes de fanatiques religieux.

    L’Award du jeu qui a été associé à Hitler par un·e journaliste probablement bien intentionné·e mais dont le message est brouillé par un titre complétement aux fraises

    Garrett martin, Cyberpunk 2077 et Paste Magazine remportent à eux trois cet award, très spécifique, mais qui permet de rappeler que faire des parallèles entre un jeu et un dictateur est probablement problématique, même quand le message sous-jacent n’est pas cela ou que cela n’en a pas été l’intention de l’auteur·ice. Félicitations à eux trois pour ce travail collaboratif probablement involontaire.

    L’Award du management ayant prouvé que le crunch faisait perdre de l’argent aux actionnaires.

    Par sa gestion désastreuse du mois de décembre, CD Projekt Red est sous le feu de la rampe. Bad Buzz is still a Buzz, as they say. Une perte de 29% de l’action a suivi à la sorti du jeu selon Gameblol (source : gameblog . fr/ news/ 94149-cd-projekt-red-l-action-chute-en-bourse-apres-la-sortie-de-c). Cependant, comme disent les jeunes : eat the rich. et pour citer Adam Kiciński, finalement, le crunch, c’est pas si mal.

    L’Award du commentateur ayant fait en live un commentaire ultra beauf et sexiste pour considérer les violences sexuelles comme étant la marque des grands jeux alors que c’est bien évidemment complétement con, faux et dangereux.

    Pour son travail dans la banalisation des violences sexistes, le jury couronne la carrière de JC. Après avoir débuté la décennie par le harcèlement d’une créatrice (que nous ne nommerons pas ici, mais que nous saluons sincèrement) de jeux vidéo, JC termine 2020 en beauté.

    https://twitter.com/JulienChiezeOOC/status/1336005822934036487?s=20
  • Tu seras un gamer féministe mon fils – lettre ouverte à Hugo

    Tu seras un gamer féministe mon fils – lettre ouverte à Hugo

    Tu seras un gamer féministe mon fils.

    Tu seras un gamer féministe car dans le contexte dans lequel on vit, il est important de toujours inclure le plus grand nombre. Dans le contexte dans lequel on vit, il est toujours important d’éprouver de la sympathie et de l’empathie pour toutes les personnes que tu vas rencontrer dans ta vie.

    Tu seras un gamer féministe ou un allié parce que dans une époque où le racisme, la misogynie et toutes les formes d’oppressions deviennent de plus en plus visibles, il est important que des oppositions existent et qui promeuvent des messages d’amour et de paix.

    J’ai essayé de t’écrire cette lettre depuis des mois, je n’ai jamais les mots pour exprimer ce que j’ai envie de te partager. Cependant je n’arrête pas d’y penser. Tu seras un gamer féministe mon fils.

    J’essayais de m’imaginer ce que pourrait être une éducation féministe aux jeux vidéo, je me suis demandé par quel jeu j’allais te faire commencer, te faire découvrir ma passion, mon travail et mes recherches. Maintes et maintes fois, je me suis dit que plutôt que de te faire jouer à des jeux récents. J’avais envie de te faire commencer comme moi par Super Mario.

    Ces dernières semaines à mon travail, il y a de grands changements qui sont en train de se produire. Parce que ce n’étaient pas des gamers féministes. Le contexte dans lequel j’évolue à savoir le milieu du jeu vidéo est toxique pour les femmes, les LGBTQIAA+ et les personnes de couleurs, les BIPOC.  

    Tu seras un gamer féministe mon fils parce qu’il est important d’éprouver de l’empathie pour ces personnes et pour tout le monde en général bien sûr. Tu privilégieras les expériences qui promeuvent l’amour de son prochain plutôt que la haine.

    Sache que ton père n’est pas féministe. C’est un allié et probablement un mauvais. Ton père profite d’un système qui plus généralement permet à de nombreux hommes de se positionner de manière avantageuse dans la société. Ton père profite d’un certain nombre de privilèges, ça ne veut pas dire qu’il fait partie des plus riches ou qu’il est tout simplement mieux situé socialement qu’une autre personne mais il profite de privilèges qui lui rendent la vie plus facile parce que c’est un homme blanc cisgenre.

    Est-ce que ton père est une mauvaise personne pour cela ? Peut-être, je ne sais pas, ce n’est pas à moi d’en juger. Ce qui est important ici n’est pas d’être une bonne personne ou d’une mauvaise personne. Ce qui est important, c’est de savoir où toi tu te positionneras dans un système qui privilégie certaines personnes plutôt que d’autres. Où te positionneras-tu dans un système oppressifs dont tu hériteras, toi et ta génération ?

    Quand je te regarde en train de sourire à agiter ton chapeau ou tes jouets. Je me pose ces questions : quelle personne seras-tu plus tard mon fils ? Aux alentours de tes 10 ans, est-ce que tu vas commencer à rencontrer des personnes sur Internet qui vont te dire que les femmes profitent des hommes ? Qu’il y a certaines entreprises qui poussent un agenda politique au profit des personnes de couleur ou des femmes ou des LGBT et que c’est une mauvaise chose ? Est-ce que tu vas discuter avec des personnes qui expliquent pourquoi certains groupes d’humains sont mauvais simplement à cause de quelques caractéristiques physiologiques ?

    Ce sont des questions qui m’animent tous les jours, que je me pose tout le temps et qui me hante la nuit.

    Est-ce que je vais être capable de discerner quand tu discuteras avec des personnes qui te partagent des idées qui ne permettent pas à l’empathie de s’épanouir ?  Est-ce que je vais être capable de déconstruire certains a priori que tu pourras avoir plus tard quand tu seras grand ou pas, quand tu seras adolescent ? voilà d’autres questions que je me pose sans cesse.

    J’aimerais que tu sois un gamer féministe mon fils. J’aimerais que tu commences à jouer à des jeux vidéo comme moi, j’ai pu le faire. Puis suivre des étapes qui te permettront personnellement d’entamer un lent processus de déconstruction. J’aimerais que tu puisses jouer à Call of Duty, à Mario à Zelda sans savoir pourquoi ces jeux diffusent des idées parfois toxiques ou oppressives. J’aimerais que tu joues par la suite à des jeux comme Beyond Good and Evil qui mettent en avant des femmes fortes et qui soutiennent des causes écologiques, féministes est définitivement progressistes. J’aimerais que tu joues à des jeux indépendants comme Undertale qui permettent de représenter des situations de vie parfois compliquées, complexes, et qui vont te proposer des dilemmes éthiques et moraux pour lesquels tu n’auras pas forcément de réponse immédiate. J’aimerais que tu joues à des triple A qui permettent de s’évader, de ne pas réfléchir, de profiter d’une expérience confortable, de marcher, de prendre des photos, etc.

    Tu seras un gamer féministe mon fils mais comme ton père, tu seras peut-être lent dans cette déconstruction et tu feras peut-être des erreurs. Sache que ce n’est pas grave, que la déconstruction est une marche et non pas une course.

    Au moment où j’écris ces lignes. Tu es devant moi. Toujours en train de jouer avec ton chapeau et tu as encore du mal à tenir du debout sans mon aide. Tu regardes les fourmis, l’herbe séchée. Tu prends dans tes mains un jouet. Tu me souris. tous ces problèmes sont bien éloignés.

    Je passe beaucoup de temps à étudier ta génération mon fils, c’est mon travail. Il faut savoir que ta génération sera la plus diverse jamais connue. Tu auras avec toi pour camarades des personnes de tous les genres, de toutes les orientations sexuelles et de toutes les couleurs de peau. Toi même, tu seras concerné.

    La génération de ton père n’est pas comme ça. la génération de tes grands-parents encore moins et ne parlons même pas de la génération de tes arrières grands-parents.

    Tu seras un gamer féministe mon fils. Parce que toute ta vie, il faudra que tu te poses une seule et unique question. Comment se situer dans ce système de valeurs, de normes, de règles et de lois ? Comment en tant qu’individu unique, je me situe par rapport à certaines idées, à certaines idéologies ?

    Toutes ces questions, Ce sera à toi d’y répondre. Mon travail de parent sera uniquement de te proposer quelques axes, quelques éléments de discussion. Au cours de ta vie, tu vas rencontrer de nombreuses personnes. qui partageront des opinions diverses parfois contradictoires parfois antinomiques et ces personnes aussi auront une influence sur tes opinions, tes idées et tes croyances.

    Parfois, tu seras amené à travailler pour des entreprises dans lesquelles se produisent des choses horribles, parce que c’est un système entier qui les a rendues possibles, qui les a entretenues.

    La question ne changera pas. Comment toi, mon fils, te situeras-tu dans ce système et par rapport à ce système ?

    Je n’ai pas de bonne réponse maintenant. Peut-être que je n’en aurai jamais. Je peux seulement avoir des réponses pour moi. Et te les partager au moment où tu grandiras. 

    Tu seras un gamer féministe mon fils, parce qu’un jour, ta sœur, ta camarade, tes amies voudront jouer avec ou sans toi à des jeux vidéo.

    Tu seras un gamer féministe car jamais tu ne seras coupable d’un système que les générations précédentes ont maintenu.

    Tu seras un gamer féministe car toujours, tu seras responsable de tes choix dans ce système. ■

    esteban grine, 2020.

    Note : j’ai été et suis toujours très influencé par ce livre : « tu seras un homme féministe mon fils », c’est ma bible, mon ouvrage de référence. Son importance est sans égale. Ce billet en est inspiré.
    https://www.marabout.com/tu-seras-un-homme-feministe-mon-fils-9782501134057

  • La vacuité morose de The Last Of Us Part 2

    La vacuité morose de The Last Of Us Part 2

    The Last Of Us Part 2 (2020) est un jeu qui a été présenté par son studio, Naughty Dog, comme une expérience qui interroge son audience sur ses principes moraux et éthiques. Sur la boîte du jeu, en guise de 4ème de couverture, il est écrit : « remettez en cause vos notions du bien et du mal en vivant les conflits moraux que vous impose la quête de vengeance d’Ellie ». Non, The Last Of Us Part 2 (abrégé TLOU2 par la suite) n’est rien de tout cela.

    Attention, spoils mineurs dans l’article.

    Ceci est un mensonge, car en 2020, cinq années après la sortie d’Undertale (Toby Fox, 2015) et presque quinze années après le premier opus de la série Mass Effect (BioWare, 2007), il faut bien plus qu’un récit narrant une énième vengeance pour interroger la morale et l’éthique des joueurs et joueuses. Il faut laisser l’audience faire des choix et non pas leur imposer une solution aboutissant à des violences si réalistes qu’à titre personnel, plusieurs fois le jeu a déclenché mes trigger warnings m’obligeant alors à poser la manette pour m’aérer. En 2020, il faut pouvoir proposer plusieurs fins voire plusieurs routes à la façon d’Undertale pour pouvoir prétendre interroger la morale de la personne qui joue. TLOU2 ne fait pas ça. TLOU2 impose un récit violent complètement dépassé par les tendances actuelles en termes de game design et de récit en général. Aucune question ne trouve de réponse étant donné qu’à aucun moment, le jeu ne prend le temps de poser ces questions.

    Non, après 25 heures de jeu, la seule et unique question que m’a posé TLOU2, le seul dilemme que j’ai vécu au cours de ces longues et pénibles heures est : « le récit mérite-t-il de sacrifier son bien-être afin de voir la fin du jeu ? ».

    La réponse est un non affirmatif et surtout définitif. Peut-être que la vengeance d’Ellie aurait été pertinente dans un cadre cinématographique et sur une durée typique d’un long-métrage. Tout comme Undertale ou même Death Stranding, le message de TLOU2, à savoir « la violence, c’est mal », est profondément simpliste. Avons-nous besoin d’avoir ce message martelé pendant 25 heures ? Probablement pas. Avons-nous besoin de voir le meurtre d’une femme enceinte ? Non plus. Faut-il montrer un génocide à l’écran ? Encore moins. Faut-il montrer à quel point la quête de vengeance d’Ellie est destructrice pour elle et pour les autres ? Peut-être, mais pas de cette façon. Par exemple, il aurait été plus intéressant de faire l’expérience de cette vengeance en incarnant Dina : «dois-je ou non accompagner Ellie ? Dois-je ou non la soutenir dans cette violence ?». Le jeu ne décolle déjà véritablement que lorsque nous incarnons Abby, d’abord présentée comme antagoniste, mais dont l’humanité transcende TLOU2 au cours de la dizaine d’heures à l’incarner.

    The Last Of Us Part 2 est une formidable goutte d’eau dans la mer. Techniquement irréprochable, le jeu se complet dans son réalisme. Il accompagne désormais toute une série de regrets sur les choix qui ont été faits. Car le cœur du problème se trouve fondamentalement là : le jeu est particulièrement explicite sur le fait qu’il représente exactement les intentions du studio. En ce sens, le jeu est une réussite totale. Cependant, il m’est difficile de ne pas lâcher un : « Ok boomer, pas besoin de venir nous expliquer ce que l’on sait déjà mieux que toi ».

    Le pire dans tout cela, c’est que le jeu se donne un éthos progressiste, notamment par la diversité de représentations de son cast. Or, le discours de TLOU2, « la violence, c’est mal », est quand même fondamentalement consensuel. Il n’y a aucun risque pris sur le fait d’interroger la violence de cette façon. Et surtout, cela ne pardonne pas le jeu de ruiner son « progressisme » dans une séquence de fin avec des propos lesbophobes. La plus belle séquence, celle qui avait émerveillé de nombreux commentateurs et commentatrices : la séquence du baiser entre Ellie et Dina lors d’une fête, cette séquence est ruiné car Naughty Dog a cru bon de (1) la mettre à la fin du jeu, une fois que l’audience est complètement épuisée mentalement, et (2) d’instrumentaliser ce baiser pour lâcher une insulte lesbophobe pour ensuite recentrer le récit sur la rélation entre Ellie et Joël.

    Tellement fier de lui, TLOU2 ne remarque pas l’ironie de son récit qui reprend intégralement les thèmes d’Electre et d’Antigone (notamment la version D’Anouilh). Tellement fier de lui, TLOU2 ne remarque pas que son épilogue singe complètement celui de Red Dead Redemption 2 avec un setting (une ferme ou un ranch) et des péripéties relativement similaires (Sadie Adler et Tommy qui viennent informer notre avatar de la position de « l’ennemi à abattre »). Tellement fier de lui, TLOU2 ne remarque pas qu’il saborde son propre bateau en ne proposant aucune progression, aucun développement à son personnage principal. Tellement fier de lui, TLOU2 ne comprend pas que sa vision de l’être humain est profondément fausse et débunkée depuis longtemps. Tellement fier de lui, TLOU2 fanfaronne avec sa morosité, là où on a tellement besoin de hope punk et au solar punk.
    Ok TLOU2, je n’ai jamais eu besoin de toi pour comprendre tout ce que tu évoques. Je suis tellement dépité par ce jeu qu’au début, je comptais rédiger une véritable critique pour finalement n’arriver qu’à un texte à charge. Je n’ai pas la force de défendre des éléments ici et là d’un jeu dont la violence dessert le propos (sur la violence, quelle ironie).

    Il y a bien des moments où le jeu devient merveilleux : les flashbacks, le tiers du jeu avec Abby. Cependant, à chaque début d’envolée poétique, lyrique et esthétique, le jeu nous rappelle à la violence, à son gameplay qui ravira les fans d’armements. C’est là tout mon problème finalement, j’aurai aimé faire l’expérience de ce que c’est que de vivre dans ce monde, à Jackson en suivant Ellie ou a Seattle en suivant Abby. J’aurai aimé que The Last Of Us Part 2 soit un imaginaire d’une vie post-apocalyptique. Il n’est qu’une vision arriérée et pessimiste de l’être humain. ■

    esteban grine, 2020.

  • Une fin infinie : le remake de Final Fantasy 7

    Une fin infinie : le remake de Final Fantasy 7

    «Une fin infinie» est l’une des techniques apprises par Cloud Strife dans le remake de Final Fantasy 7, jeu que j’ai enfin terminé hier soir, après une longue et lente descente aux enfers pour mon expérience. Le titre de cette technique sonne un parallèle étrange avec les dernières heures passées sur ce merveilleux jeu. Du coup, plutôt qu’un billet hautement fourni en référence ou qu’une série de tweets belliqueux, autant rédiger ici les quelques pensées, éparses et incohérentes que j’ai à l’égard de ce jeu. Par ailleurs, je précise que même si j’aime FF7 et son récit, je ne suis pas suffisamment passionné pour avoir cherché à obtenir l’intégralité des jeux afin de comprendre toutes les ramifications du récit original.

    Attention, l’article contient des spoilers.

    Final Fantasy 7 Remake, abrégé par la suite FF7R, est une expérience que j’ai beaucoup aimé. Cependant, c’est aussi profondément une expérience en demi-teinte, mal inspirée et paresseuse pour ce qui est de son ambition en terme de narration.

    Le premier regret qui m’est venu à l’esprit une fois la manette posée est un problème fondamentalement structurel pour ce jeu : le fait d’avoir voulu proposer «un jeu de rôle en couloir», certes typique des productions SquareEnix, mais profondément anachronique pour 2020, année de sa sortie. On se retrouve donc finalement avec une expérience proche de ce qu’a pu être Final Fantasy X, sorti en 2001. Contrairement à Final Fantasy XV dont la formule proposait un monde vaste et explorable, FF7R, n’a pas poursuivi l’ambition de proposer Midgar en tant que ville ouverte et explorable, dans l’intégralité de ses secteurs. Ce qui est un écart majeur entre l’expérience dont je rêvais, et son constat. Par ailleurs, les RPG en couloirs était un standard tant que les jeux d’aventure en couloir tels qu’Uncharted n’existait pas encore. D’où mon second regret : ne pas avoir embrasser un game design collant au level design tel qu’il est maintenant. Ce n’est malheureusement pas les quelques chapitres ouverts qui viennent réparer la chose étant donné la maigreur des quêtes annexes et leur inconsistance en termes de world building ou de lore propre au récit que l’on vit (exception faites des quêtes liées à l’Ange Gardien qui apportent quelque chose de plus).

    Cette question du world building et du lore me permet de toucher mon troisième regret à l’égard de ce jeu : un relatif manque d’ambition lié au traitement des personnages, en particulier à l’égard du groupe principal mais aussi à l’égard de Biggs Wedge et Jesse. Jesse est d’ailleurs finalement la seule à mourir à l’écran. Par ailleurs, je vois plusieurs personnes saluer la relation entre Tifa et Aerith. J’en suis moi-même heureux (le jeu a passé le test de Bechdel autour de la vingtième heure de jeu pour moi). Cependant, comment ne pas voir que cette relation souffre de la comparaison avec d’autres sororités dans d’autres triple A ? En particuliers, il m’est impossible d’être satisfait des quelques lignes de dialogues que Tifa et Aérith échangent lorsque je me remémore la relation entre Chloe Frazer et Nadine Ross dans Uncharted: The Lost Legacy. Par contre, j’ai aimé le traitement de Barret dont finalement le jeu d’acteur est bien plus nuancé. Je chérie chaque moment où il retirait ses lunettes : son visage était pour moi le plus expressif et tous ses échanges avec Marlène sont des moments merveilleux. Il est probable ici que j’en ai cette image car je suis moi même jeune parent. Si maintenant on s’attarde sur le deuxième groupe, c’est tout simplement honteux. Biggs, avant de s’évanouir (car il ne meurt plus dans FF7R) à l’un des étages du pilier du secteur 7, lâche une dernière pic grossophobe à Wedge. Leur relation d’amitié ne se résume qu’à cela d’ailleurs dans FF7R (mais je ne vais pas paraphraser des propos déjà exprimés par ailleurs, notamment par Thais_PxC) et Jesse est finalement la seule à mourir du groupe et cela m’énerve.

    D’une manière générale, malgré les regrets que j’ai exprimés jusqu’alors, mon parcours du jeu fut merveilleux jusqu’à la fin du chapitre 14, à savoir l’effondrement du pilier et son après. Il est important donc de mentionner maintenant, avant d’exprimer mon quatrième regret, que j’ai parcouru le jeu en slowrun, c’est-à-dire uniquement en marchant. Cela m’a pris au total 42 heures, dont 29 environ dédiés à ces 14 premiers chapitres. C’était 29 merveilleuses heures à me promener dans les environnements qui de loin sont très beaux mais dont les textures sont discutables, quoi qu’on en dise. Cela ne m’a pas fondamentalement dérangé mais je considère que pour un jeu sur deux blu-rays, il y a une interrogation à poser.

    Et finalement, le problème transparaît de lui-même : un quart de mon expérience fut dédiée uniquement à l’ascension de l’équipe et à la tour Shinra et donc au tunnel de fin composé de boss à la chaîne. Inutile de dire que ce quatrième regret est dédié à ce problème fondamental de rythme lié aux derniers moments du jeu. Contrairement à des jeux qui focalisent leur fin sur une envolée et une accélération comme par exemple Death Stranding ou Red Dead Redemption 2 (pour ne parler que de AAA), j’ai vécu l’inverse dans mon exploration de la Shinra. Particulièrement, la séquence entièrement dédiée au laboratoire d’Hojo n’apporte finalement rien de fondamentalement concret au nouveau récit de FF7R. Je suis ressorti particulièrement fatigué de ce tunnel qui fut beaucoup trop long. Par ailleurs, ayant fait le jeu en facile, je n’étais absolument pas intéressé par le système de combat. Je peux donc comprendre que pour les personnes appréciant cette partie du game design, je peux comprendre pourquoi ce tunnel plaît. Cependant, la seule chose qui m’intéressait portait sur l’histoire, la marche et l’exploration : d’où mon désintérêt complet pour cette fin déceptive, étant donné finalement que tous les ennemis s’en sortent.

    Ce qui m’amène à mon cinquième et dernier regret : le jeu ne m’a apporté aucune satisfaction vis-à-vis des interactions entre Avalanche et les ennemis qui, exception faite du président de la Shinra, parviennent toutes et tous à s’en sortir. En dehors des «grands méchants», il est dommage qu’aucun des «petits ennemis» que sont Hojo et particulièrement Don Cornéo, ne soient finalement jugés pour leurs actions. Don Cornéo cristallise cet suspension du dénouement qui caractérise ce jeu, présenté par certain·e·s comme une introduction, même si je me refuse personnellement d’attribuer cette adjectif à ce jeu qui se tient en tant que tel.

    Je n’aborde finalement que très peu les éléments que je considère comme les plus réussis du jeu. Ce billet n’avait pas cet objectif. Cependant, il m’est difficile de ne pas saluer les efforts des équipes pour illustrer les conséquences des actes d’Avalanche, la séquence où Aérith va chercher Marlène (globalement tous les moments avec Aérith sont savoureux), où tout simplement le fait de marcher pendant ces quarante heures qui fut une lutte permanente entre le game design et mes habitudes de joueur. Dans un contexte de confinement, c’est cela qui me restera de Final Fantasy 7 Remake.

  • State of The Heart 2019

    State of The Heart 2019

    Nous sommes le 27 décembre à l’heure à laquelle j’écris ces lignes, il est 22h31 et dans un état de fatigue habituel, je décide de faire une liste de 10 jeux sortis en 2019 qui m’ont marqué cette année. C’est l’occasion pour moi de revenir sur une année fortement mouvementée autant professionnellement que personnellement. Aussi, plutôt que de partir sur une liste typique catégorisant les atouts et faiblesses des œuvres que je vais présenter, j’opte plutôt pour orienter la liste de cette année autour du thème suivant : « les relations sociales dans les jeux vidéo ». Cela tombe bien, c’est peu ou prou en lien avec mon sujet de thèse qui porte sur les représentations des sociétés en jeu.

    Autrement dit, la sélection de cette année répond à une seule problématique : Quels jeux sortis en 2019 sont susceptibles de nourrir un regard critique et une compréhension des relations sociales ? L’objectif de cet article est donc de présenter un corpus personnels de jeux vidéo, non seulement intéressants, mais aussi en lien avec la problématique posée de sorte à objectifier ce qui pourrait être qualifier d’un « top ». Aussi, il s’agit uniquement de jeux auxquels j’ai joués cette année.

    (suite…)
  • Abandonner un article scientifique en cours d’écriture : un grand tabou de la recherche académique

    Abandonner un article scientifique en cours d’écriture : un grand tabou de la recherche académique


    Aujourd’hui, pour la première fois de ma vie de chercheur, j’ai abandonné la rédaction d’un article scientifique en cours de relecture. De mon côté, j’entamais la cinquième réécriture. Du côté du comité scientifique, nous commencions la quatrième réécriture, car la troisième nécessitait de nouveau en réécriture de fond. Pour cette dernière session, seul un mois m’avait été accordé, un mois qui finalement est passé bien vite entre mon emploi à temps plein, la parentalité et donc mon doctorat à temps-partiel. Actuellement, le contexte de production dans lequel je me situe m’oblige à faire des choix, à « dégraisser » comme certains gestionnaires diraient, dans mes activités de recherches. L’écriture  d’un article est une charge mentale que je ne suis plus en mesure de supporter face aux autres que j’ai évoquées.

    La situation que j’ai décrit n’est pas isolée. En évoquant mon abandon, j’ai découvert que certain·e·s collègues avaient ils et elles aussi abandonné : parfois au début, parfois à la fin, parfois après une relectures, parfois entre la troisième et la quatrième. Certain·e·s sont parfois aller jusqu’à la septième ou la huitième réécriture pour enfin voir leur article publié. Parfois aussi, c’est tout simplement des explications que certain·e·s chercheur·euse·s peuvent se permettre : « je n’ai pas le temps, je suis sous l’eau, j’ai oublié ». Inutile de préciser ici que ce ne sont clairement pas les doctorant·e·s qui peuvent s’autoriser ce genre de propos. Pour ces dernier·e·s, l’abandon d’un article est, à mon humble avis et vécu, anxiogène, stressant, honteux, déprimant, difficile, délicat, risqué, conflictuel et enfin, terriblement déceptif.  

    Pourtant, malgré le fait qu’il semble s’agir d’une pratique courante et connue, c’est insupportable de ne trouver absolument aucune ressource utile pour la personne s’interrogeant sur l’abandon d’un article académique. Bien entendu, on trouve des travaux sur le malaise des doctorants (par exemple Lhérété, 2011), mais lorsqu’il s’agit d’aborder frontalement la question de l’abandon d’une rédaction, internet semble être l’endroit le plus vide du monde : aucun témoignage, aucune méthode, aucun modèle de courriel d’excuses. Par ailleurs, je n’ai pas écho d’une quelconque formation doctorale ou d’un accompagnement à la rédaction ou à l’abandon (voir même d’un suivi psychologique pour cela) existant et ce, dans les établissements supérieurs français. C’est pourquoi cet article, écrit dans un excès de colère mais aussi d’empathie, existe : pour rappeler l’importance de l’abandon dans la recherche doctorale.

    Etant donné que certains se permettent dans mon champs disciplinaire (les game studies), des top 10 bâclés et particulièrement discutables réunissant des conseils à destination des auteurs et autrices (Aarseth, 2019), je ne vois pas pourquoi il faudrait que je m’en prive dans mon carnet de recherches. Donc, voici donc une liste de bonnes raisons d’abandonner la rédaction d’un articles. La première étant la suivante : si je ne la fais pas, personne d’autre n’abordera frontalement cette problématique qui restera tabou à l’écrit, alors que c’est un malaise collectivisé et oralement discuté.

    (suite…)
  • Le seul visage des héros Rockstar

    Le seul visage des héros Rockstar

    Je viens de terminer les six chapitres du dernier titre de Rockstar : Red Dead Redemption 2 (2018). J’ai donc suivi pendant environ une quarantaine d’heures les péripéties de la bande de Dutch Van Der Lind. Je dois avouer être plutôt content au premier abord car il s’agit du premier jeu de ce développeur que je termine – ou du moins que je boucle la trame principale. C’est un sentiment plutôt doux-amer que j’ai pour le jeu puisque d’un côté, je l’ai apprécié et de l’autre, j’ai conscience des conditions dans lesquelles il a été produit. Ceci n’étant pas le sujet de cet article, je préfère renvoyer à l’un de mes précédents écrits pour révéler une de mes pensées sur le sujet[1].

    Ce que je souhaite aborder ici est plus finalement un appel à la discussion, notamment parce qu’il s’agit surtout d’une pensée en cours d’élaboration et que je n’ai probablement que très peu d’arguments pour la maintenir. Il s’agit plutôt d’une discussion à propos de mon ressenti sur Arthur Morgan. De manière plus générale, il s’agit surtout d’aborder la façon dont les personnages principaux des jeux Rockstar sont écrits.

    Je soutiens dans cet article que ces personnages sont révélateurs d’un certain conservatisme que je vais définir de la façon suivante : ce sont des agents passifs d’une histoire qui suit son cours (son flow, on pourrait dire). Ainsi, ils s’inscrivent dans une fausse promesse que l’éditeur promet régulièrement à travers ses jeux : représenter de manière critique les Etats-Unis.


    Attention, la suite de cet article révèle des moments clefs de l’intrigue, notamment les derniers chapitres et l’épilogue. Je précise aussi que j’ai beaucoup apprécié le jeu et que je compte encore y jouer, juste après Obra Dinn, afin de poursuivre mon expérience. je reste cependant critique et attentif aux discours pluriels portés sur cet objet.


    (suite…)

  • Aujourd’hui, le joueur, c’est celui qui ne joue pas : discuter l’ironie et le cynisme de la gamification

    Aujourd’hui, le joueur, c’est celui qui ne joue pas : discuter l’ironie et le cynisme de la gamification

    Lorsque l’on regarde les 20 dernières années, que cela soit au niveau de l’emprise du ludique ou tout simplement en regardant la façon dont le Travail salarié évolue, il semble plutôt aisément constatable que nous observons une ludicisation de la société (Genvo, 2013). Tout voir comme un jeu semble devenir l’une des conventions sociales lorsque l’on se trouve dans une sphère sociale privée (les relations familiales par exemple) ou dans une sphère sociale publique. Voir tout ce qui nous entoure sous la forme de jeux apparait comme une force pour celui qui parvient à comprendre les règles et le gameplay. Pourtant, pouvons-nous supposer qu’il s’agisse d’une « bonne chose » ? A travers cet article, je vais montrer qu’il est largement nécessaire de discuter cela.

    En 2016, Ian Bogost sort son Play Anything dont l’idée centrale est d’énoncer que le ludique n’est pas humain. Autrement dit, toute chose, tout objet possède des caractéristiques ludiques et qui donc peuvent devenir un support du jeu. A travers cela, il s’agit de pousser à son paroxysme la pensée procéduraliste et ludologiste dans laquelle il s’inscrit. Cependant, pouvons-nous dire que nous arrivons à tout considérer comme des jeux ? Bogost nous énonce que si tel n’est pas le cas, c’est parce que nous souffrons d’ironia, un concept qu’il propose et qu’il définit comme étant la peur des choses. Puisque nous avons peur des choses, alors nous n’avons pas envie de jouer avec, voilà résumée très succinctement sa pensée. Pour asseoir sa proposition, Bogost passe par une série d’exemples : du simple fait de jouer avec un objet inanimé jusqu’à voir le monde qui nous entoure comme un playground, un terrain de jeu. L’utilisation de ce dernier mot, playground, n’est pas neutre puisque ce faisant, il dresse au passage une critique de la proposition de Sicart. En 2014, dans play matters, celui-ci défend l’idée que si des architectes (des game designers) peuvent « créer » des environnements présentant une affordance pour le jeu, cela reste fondamentalement l’agent joueur qui définit ce qui est jeu de ce qui ne l’est pas. Bogost exclue cette idée en décentrant « l’idée de jeu » : celle-ci ne se trouve pas dans les humains mais dans les objets et c’est parce que nous sommes cyniques et ironiques que nous n’acceptons pas cela.

    Deux conclusions peuvent alors être proposées à la lecture de Ian Bogost : (1) Tout ce qui nous entoure possède des caractéristiques ludiques et (2) la ludification (ou gamification) n’existe pas, on ne crée pas des choses plus ludiques qu’avant mais c’est notre regard sur le monde qui évolue. Cependant, cette façon de penser s’inscrit à mon sens dans un certain libéralisme ambiant qui aurait tendance à légitimer certains comportements puisque ceux-ci revêtiraient une « couche ludique ». Je pense particulièrement au monde du travail lorsque je dis cela : « si tu n’es pas content, tu peux partir ». Autrement dit : « si tu n’acceptes pas les règles du jeu, tu n’es pas obligé de jouer ». Il me semble que la gamification ou la ludification est un outil qui vient gommer les réalités sociales dures et brutales. En 1989, Henriot énonçait :

    « Il y a des choses qui doivent rester à l’écart du jeu – on a presque envie de dire : à l’abri du jeu. Autrement dit : le jeu n’est pas tout : tout n’est pas jeu. La faim, la maladie, le chômage, la misère, la mort appartiennent à un registre où le recours à l’idée de Jeu s’avère pour le moins déplacé. La pensée du jeu n’est à sa place que dans un monde protégé, où les besoins les plus élémentaires sont satisfaits, les problèmes les plus urgents résolus. Elle apparait comme un luxe. L’immense majorat de nos contemporains continue d’admettre qu’il y a des valeurs — et plus généralement do choses qui exigent de n’être point envisagées sous l’angle du jeu et propos desquelles la notion de « sérieux » conserve sa signification et tout son poids. Si les principes sur lesquels se fonde le jeu ne sont que des règles arbitraires, susceptibles d’être modifiées au gré de la fantaisie, n’importe quoi devient possible et tous les jeux sont équivalents. A ce cynisme établi en doctrine, même les plus cyniques opposent des convictions qui leur paraissent fondées et auxquelles ils tiennent » (Henriot, 1989, p 64).

    Dans ce court paragraphe, Henriot explique la facilité que certains peuvent avoir à tout considérer comme un jeu. Nous allons plus loin en faisant l’hypothèse que ce sont les dominants qui ont plus de facilité à considérer toute chose comme un jeu : le travail, les relations sociales, l’économie, etc. Il est toujours plus facile de tout voir comme un jeu lorsque l’on ne risque rien. Ce qui me frappe le plus, lorsque l’on compare Henriot et Bogost, est le glissement sémantique du cynisme. Pour le premier, tout voir comme un jeu est un dogme cynique tandis que pour le second, seuls ceux qui ne veulent pas jouer sont cyniques.  Aujourd’hui, plus qu’à aucun autre moment il est important de garder les idées claires sur ce qui est le jeu de ce qui ne l’est pas. Etre joueur ne doit signifier que l’on veut que toute chose soit jouable. Au contraire, il me semble plus que nécessaire pour le joueur de garder la sphère ludique éloignée des autres sphères de sa vie. Avec ce prisme de lecture, la ludicisation apparait comme la chose à laquelle le joueur doit se confronter. Vouloir conserver une rigidité sur l’emploi et l’application de l’idée de jeu apparait comme un outil dans la préservation de son esprit critique. ■

    Esteban Grine, 2018.


    Bibliographie

    Bogost, P. I. (2016). Play Anything: The Pleasure of Limits, the Uses of Boredom, and the Secret of Games. New York: Basic Civitas Books.
    Genvo, S. (2013). Penser les phénomènes de ludicisation à partir de Jacques Henriot. Sciences du jeu, (1). https://doi.org/10.4000/sdj.251
    Henriot, J. (1989). Sous couleur de jouer : La métaphore ludique. Paris: José Corti Editions.
    Sicart, M. (2014). Play Matters. Cambridge, Massachusetts: The MIT Press.