La question « y’a t-il des histoires qui ne peuvent être bien racontées qu’en jeu vidéo ? » fascine. Tout d’abord, elle offre immédiatement à la personne qui répond une possibilité de prendre une position pour ensuite engager un débat avec celui ou celle qui souhaiterait devenir son antagoniste. Ensuite, elle invite à positionner, ou plutôt « à situer », le jeu vidéo par rapport à d’autres médias. Enfin, elle questionne fondamentalement et ontologiquement les histoires que nous (nous) racontons en jouant : sont-elles différentes des autres histoires racontées dans d’autres médias ? Une histoire peut-elle être la même si elle est racontée de façon différente ?
Voilà des pistes et des enjeux de recherches passionnants. Non pas parce ce qu’il s’agit de mettre en exergue une vérité mais plutôt parce que cela interroge fondamentalement et sémiotiquement notre compétence à définir ce que sont les « histoires vidéoludiques » (si tant est qu’elles existent). Dans cet article, je vais donc principalement me concentrer sur l’élaboration d’un modèle permettant de représenter les phénomènes narratifs des jeux vidéo. Cela me permettra de questionner les modèles actuels et enfin de répondre aux questions posées.
Plan de l’article
Peut-on parler « d’histoires vidéoludiques » ?
Définir les histoires vidéoludiques par la sociologie des médias et la cybernétique
La narration vidéoludique n’est pas un ensemble de poupées russes
Un « modèle narratif à n-corps »
Les histoires se cachent-elles pour mourir ?
Note au lecteur ou à la lectrice : il s’agit de la première version de l’article. Probablement que des fautes d’orthographes, de typo et de grammaires s’y sont glissées. L’article passe en relecture (participative) dorénavant.
Cette année, j’ai pu participer au stunfest au travers de plusieurs interventions. C’est pourquoi je trouve pertinent d’écrire un court billet pour recenser l’ensemble de mes interventions. Cela me permet aussi de remercier à nouveau les organisateur·ice·s, l’association 3 Hit Combo, les médiateurs des interventions auxquelles j’ai participées : CoeurDeVandale, TMDJC et Hadrien Bibard. Ce billet a donc pour vocation de réunir en un même point mes différentes interventions.
Bon visionnage ou bonne écoute !
Entre aliénations et émancipations
Les organisateur·ice·s m’ont proposé une intervention sur mes propres sujets de recherche. C’est pourquoi j’ai proposé de discuter du jeu vidéo comme un outils d’émancipation ou d’aliénation. Plutôt, j’ai proposé de théoriser un peu le sujet notamment à partir de certains concepts issus de la pensée constructiviste en pédagogie. Il ne s’agit donc pas de développer une réflexion politique (qui pourrait partir de Marx notamment ou encore de la sociologie des élites) mais plutôt de proposer des outils permettant d’inférer les potentiels émancipateurs et/ou aliénants des jeux vidéo.
Merci à TMDJC et FQPEH pour la modération.
Skills et Luck, deux funs inconciliables
La première table-ronde à laquelle j’ai participée se concentrait sur la problématique suivante :est-il possible de concilier le plaisir de jouer à un jeu reposant autant sur la chance que sur la compétence du ou des joueur·euse·s ?
Intervenants : Nicolas Bessombes, Esteban Grine, Rufio
Modération : Yann Chauvière
Jeux de Simulation typologie et pratiques ludiques
La seconde table-ronde à laquelle j’ai participée proposait de discuter les définition des jeux de simulation. Il s’agissait donc d’aborder plusieurs questions telles que : « comment définir ces ? », notamment par rapport à d’autres formes vidéoludiques. Secondement, il s’agissait d’aller observer les façons dont les joueurs et joueuses se saisissent de ces jeux : s’agit-il d’une forme d’escapism ou au contraire de reproduction de phénomènes précis (des métiers, des situations, etc) ?
Intervenants : Vincent Berry, Nicolas Bougeois, Esteban Grine
Cet article est une note de lecture que j’ai écrite à propos du premier chapitre de :
Poumay, M., Tardif, J., & Georges, F. (2017). Organiser la formation à partir des compétences, Un pari gagnant pour l’apprentissage dans le supérieur. DE BOECK UNIVERSITE.
Il s’agit d’un premier pas vers un travail scientifique que j’effectue sur la définition des « compétences vidéoludiques ». Le deuxième pas sera probablement soit un autre billet soit ma présentation lors du colloque « entre le jeu et le joueur : écarts et médiations »
La notion de compétences est aujourd’hui largement abordée dans les différentes approches pédagogiques. Elles sont généralement présentées aujourd’hui comme un objectif à atteindre, à l’instar de ce qu’ont pu être les connaissances ou tout autre objectif pédagogique. Cependant, Tardif évoque en guise d’introduction une absence de consensus sur la définition de cette notion. Au contraire, celle-ci possèdent une variété de définitions plurielles. Jonnaert & Al. (2015, p. 9) évoquent :
« [des] définitions lacunaires, d’autres, tautologiques ou simplement inscrites dans un rapport de synonymie entre plusieurs termes et une contamination de la notion de compétence par des approches issues de la théorie des objectifs, jalonnent la littérature sur la question et rendent opaque la notion de compétence ».
Tardif soutient le fait que cette notion ne doit pas être rapprochée de certaines taxonomies telles que celle de Bloom. De manière générale, il semble que les taxonomies sont critiquées par les tenants de l’approche compétence du fait que ces dernières hiérarchisent et « [offrent] une représentation statique du fonctionnement cognitif de l’élève » (Crahay, 2014, p. 194). De plus, ces taxonomies contribuent à réduire la complexité des compétences. Il y aurait selon moi alors dans l’approche compétence de Tardif une critique de certaines propositions pédagogiques qui semblent s’inspirer du maturationnisme : l’apprenant doit atteindre un certain niveau avant de pouvoir poursuivre son apprentissage. Dans cette pensée, le développement précède l’apprentissage alors qu’il apparait que dans la démarche compétence, apprentissage et développement sont simultanés. En prenant l’exemple de Parent & Jouquan, Tardif dresse ce constat et cette critique. Ainsi, il observe d’un côté des lacunes et de l’autre des incompréhensions de ce qu’il considère être la notion de compétence. C’est pourquoi il articule ce premier chapitre d’ouvrage à définir un ensemble de repères conceptuels.
Le point de départ de Tardif est le référentiel de compétences qui :
« intègre d’une manière systémique ce que contiendraient les référentiels [métiers, de formation, pour la reconnaissance ou la valorisation des acquis de l’expérience]. Ce référentiel unique, à la base même du parcours de professionnalisation de l’étudiant et de l’élaboration du dispositif de formation, pourrait être dit ‘’de formation’’, mais ce qualificatif superflu dans la mesure où le référentiel résulte d’une rigoureuse analyse du métier, tant ce qui est prescrit et réel que ce qui est anticipé comme l’évolution probable à court, à moyen et à long terme, et qu’il est construit à l’aune de l’authenticité des situations de la vie professionnelle ‘’réelle’’ ».
En ce sens, Tardif abonde dans le sens de Perrenoud (2001) qui alerte sur l’importance d’un référentiel comme clef de voute de la construction d’un parcours curriculaire déséquilibré entre le développement des compétences et l’ingestion de connaissances disciplinaires. Perrenoud évoque notamment une « boulimie des connaissances » (2001). C’est pourquoi les référentiels intègrent plutôt la notion d’apprentissages critiques ou incontournables : des étapes par lesquels les apprenants doivent passer afin d’attendre un certain niveau de développement d’une de leurs compétences. Ainsi, Tardif note que tout référentiel intègre des trajectoires de développement qui décrive la façon dont une formation accompagne ses apprenants au développement de leurs compétences et ce, dans un ensemble de situations professionnelles. Ces trajectoires sont généralement organisées en plusieurs niveaux et pour chaque niveau, un ensemble d’apprentissages critiques doivent être déterminés par l’équipe organisatrice de la formation.
Pour aborder la notion de compétence, Tardif évoque la polysémie du terme tout en discutant cette dernière qu’il considère exagérée. En effet, dans la plupart des définitions, il est question d’un savoir agir, parfois complexe. C’est sur cette complexité que Tardif se distingue – notamment lorsque l’on rappelle la critique qu’il adressait à Parent et Jouquan. Le référentiel proposé par la formation doit contenir un nombre restreint pour assurer un degré maximal de complexité aux compétences le composant et ce, à tous les niveaux de la trajectoire de développement.
Tardif observe aussi de nombreuses similarités dans les définitions pour ce qui est de la mobilisation et la combinaison de ressources. Dès lors :
« le recours à une compétence nécessite des interactions entre ce que l’acteur a en mémoire (ressources internes), que d’aucuns déclinent en savoirs, en savoir-faire et en savoir-être ; et ce qu’il retire de son environnement (ressources externes) pour poser les actions les plus appropriées, les mieux ciblées et les plus efficaces possible » (Tardif, 2017, p. 20).
Il est important de mettre en exergue la combinaison de ressources internes et externes puisque cela intègre aussi le contexte dans lequel une compétence est employée. Cela suppose donc un faisceau de ressources (Allal, 1999) que nous interprétons comme une fenêtre de ressources potentiellement mobilisables en fonction de certaines circonstances externes propres aux situations rencontrées. Comme décrit plus haut à propos du référentiel, une compétence fait référence à un ensemble de situations professionnelles – on peut évoquer la notion de « famille de situations – qui partagent un ensemble de similarités. Le développement d’une compétence dans le cadre de cette famille ne signifie pas que l’apprenant pourra mobiliser cette compétence dans une situation radicalement différente : les ressources externes étant alors distinctes.
Ainsi, Tardif propose la définition suivante. Une compétence est un « savoir-agir complexe reposant sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes à l’intérieur d’une famille de situations » (Tardif, 2006, p. 22). L’objectif d’une formation est alors d’assurer des parcours de professionnalisation concernant l’ensemble des compétences composant le référentiel. Il s’agit donc d’un développement graduel organisé selon des trajectoires de développement intégrant à tous ces niveaux un degré de complexité. Ce parcours de professionnalisation est aussi un moyen d’indiquer le niveau attendu à la fin de formation et le moment auquel doit intervenir la certification de la formation. En ce sens, Faucher (2009) propose une distinction entre la professionnalisation et le professionnalisme. La certification intervient alors entre ces deux étapes du développement professionnel. Après avoir déterminé quelles sont les compétences qui seront développées au cours de la formation, les équipes de formateurs qui se lancent dans la démarche compétence ont aussi pour but de définir les trajectoires de développement et les niveaux qui devront être atteints pour obtenir la certification.
Les apprentissages critiques sont alors des moments incontournables pour le développement de la compétence. Ceux-ci doivent être alignés autant aux niveaux de développement qu’aux situations professionnelles rencontrées. Il est donc important de circonscrire ces apprentissages dans des périmètres délimités par les situations et leur degré de complexité.
La mise en place d’un référentiel de compétence ne doit pas non plus occulter la réflexion autour des modalités d’évaluations de nature certificative. Cela ne signifie pas que le parcours n’est plus ponctué d’évaluations sommatives ou formatives. Pour ces dernières Tardif note que « [leur fréquence] est toutefois très élevée puisqu’elles permettent des rétroactions cruciales quant à la progression dans le parcours » (Tardif, 2017, p. 28). Les évaluations certificatives doivent quant à elles attester l’arrivée d’un étudiant à un niveau intermédiaire de développement ou le niveau de développement à l’issue de la formation. Deux cas sont alors possible, soit l’apprenant atteint un niveau avec la capacité de le justifier, soit l’apprenant n’atteint pas le niveau requis pour continuer la formation ou être certifié. Alors il est nécessaire de penser un système de remédiation.
Si la documentation d’une trajectoire de développement – par l’utilisation du portfolio par exemple – impose « de donner la priorité au savoir-agir complexe, […] il ne faut jamais négliger le fait que, selon la définition de la compétence, le savoir-agir complexe repose sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variété de ressources internes et externes » (Tardif, 2017, p. 29). Malgré tout, Tardif identifie trois lacunes présentes et observables dans les programmes par compétences : (1) l’évaluation ne porte généralement que sur des ressources internes, (2) cette évaluation est décontextualisée et (3) ne porte que sur des mobilisations et des combinaisons déjà effectives. Concernant cette dernière lacune, Tardif énonce qu’il est important aussi d’observer les ressources mobilisables et combinables. Autrement dit, Tardif intègre une dimension d’incertitude dans l’évaluation de la compétence. Afin de constater cette dernière, il est donc aussi nécessaire d’observer si un étudiant mobilise une compétence malgré un ensemble de paramètres inconnus composant alors les ressources externes par exemple. Ainsi, en intégrant l’évaluation de ce qui est mobilisable et combinable, cela permet de « porter un jugement sur la transférabilité des apprentissages dans une pluralité de situations » (Tardif, 2017, p.30). Il est important de rappeler que dans tous les cas, la compétence est évaluée dans le cadre d’une famille de situations.
Dans ce chapitre, Tardif constate deux phénomènes lorsque la notion de compétence est abordée : (1) malgré une pluralité de définitions, celles-ci, en plus de proposer de nombreuses similarités, sont lacunaires et (2) certaines incompréhensions persistent notamment concernant la complexité des compétences qui ne se retrouve pas forcément dans les définitions puis dans les usages. Afin de clarifier l’ensemble, Tardif part du référentiel de compétences en le présentant comme une clef de voute de ce qui organise le curriculum d’une formation. Celui-ci regroupe un minimum de compétences (environ quatre ou cinq). Celles-ci doivent représenter la complexité. Seulement à partir de ce moment il définit ce qu’il entend par compétence à savoir : un ensemble de savoir-agir complexes mobilisant et combinant des ressources internes et externes au sein d’une famille de situations. Une formation par compétences doit alors se fixer comme objectif la professionnalisation des compétences ayant contenues dans le référentiel. Celles-ci sont mobilisés dans un ensemble de situations professionnelles qu’est sensé rencontrer l’apprenant au cours de sa formation et de sa vie professionnelle et comportent des composantes essentielles la caractérisant. Une fois les compétences et les situations déterminées, l’équipe des formateurs doivent mettre en place des trajectoires de développement composées de niveaux de développement. Chaque niveau englobe des apprentissages incontournables desquels il est impossible de se soustraire (du type pass or fail en somme). Si aucun formalisme est imposé, c’est pour que les équipes se saisissent de la méthode afin de proposer un référentiel ayant un haut degré de complexité et dont les éléments sont cohérents entre eux. ■
Pour celles et ceux qui me suivent sur les réseaux sociaux, cela ne les étonnera pas. Pour les autres, on peut dire que mon activité a fonctionné au ralenti ces deux derniers mois. Du moins, c’est mon activité sur internet qui s’est particulièrement fait absente. La raison à cela est qu’entre juin et juillet, j’ai donné 2 communications et transmis 3 articles, tous censés être d’une qualité scientifique. Hormis pour les communications, j’ai été systématiquement en retard, de quelques jours jusqu’à une semaine pour chacune des publications. Cela a été à chaque fois des moments angoissants.
C’est pourquoi à plusieurs moments, durant ces périodes de retard, je me suis posé la question : « dois-je abandonner cet article ? » L’idée est simple. Plutôt que de m’éparpiller, je fais l’hypothèse qu’en réduisant le nombre de travaux à produire, j’améliore grandement la qualité d’une autre production. Tout cela n’est qu’une petite anecdote qui annonce un phénomène qui m’a marqué. Durant, ces périodes de stress, j’ai essayé de trouver sur internet des expériences similaires à la mienne. Rien du tout. J’ai essayé de chercher via Google et d’autres moteurs : aucune expérience d’aucun doctorant ou doctorante relatant les soucis existentiels qu’une personne peut traverser lorsqu’elle se pose la question de l’abandon ou non d’un article. Le vide intersidéral que j’ai trouvé a amplifié ce sentiment de solitude, tout comme mon désarroi.
Avec ce court billet, je souhaite donc proposer un endroit, sur internet, pour tout doctorant et doctorante se posant ou s’étant déjà demandé s’il fallait « laisser tomber » l’écriture d’un papier. J’ai précisément trois objectifs : (1) ce n’est pas grave d’abandonner, (2) ce n’est pas grave de demander un délai et (3) vous n’êtes pas seul ou seule. Je vais donc écrire ici ce que j’aurais aimé lire lors de mes moments d’incertitude.
Délayer le rendu de son article
Surement la partie la plus « facile » de ce billet. De mon expérience, deux moments sont particulièrement importants. Premièrement, il s’agit d’accepter de ne pas être « capable » de respecter la date limite. Secondement, ne pas rester isoler : contacter le comité et en parler à des proches. Le plus tôt, le mieux, forcément. Idéalement, tout le monde dirait qu’il faut envoyer un courriel au moins une semaine avant. Non. S’il faut le faire le jour même, tant pis. Dans tous les cas, cela ne signifie pas que le comité va immédiatement voir le mail envoyé.
L’une des frayeurs qui peut survenir concerne principalement le rejet de l’article. De mon expérience, ce n’est pas encore arrivé et j’ai un doute quand à la probabilité que cela arrive. Tout d’abord, l’objectif d’une relecture par les pairs est d’abord d’améliorer les propositions avant de fournir le verdict final. De fait, c’est à l’issue de la première relecture (voire la deuxième) qu’un article est potentiellement rejeté. Ensuite, dans la majeure partie des cas que j’ai vécus, il ne m’est arrivé qu’une seule fois de devoir déposer l’article sur une plateforme et même dans ce cas, il n’y a pas eu de problème concernant le retard. Autrement dit : le dépôt d’un article pour une revue n’est pas la même chose que le dépôt d’un projet ANR ou tout autre production de cette envergure. Les délais et les retards font partie du processus scientifique. Sans cautionner, il est important de se dédouaner et de ne pas considérer cela comme une erreur ou un échec insurmontable.
Voici ci-dessous un exemple de mail que j’ai rédigé afin de présenter mes excuses et le retard que j’allais alors causer :
Bonjour à toutes et tous,
Je vous contacte suite à la proposition d’article que j’ai faite et que vous avez acceptée. A cause de contretemps, je ne suis pas en mesure de transmettre l’article aujourd’hui. Serait-il possible de pouvoir vous le transmettre d’ici le X MOIS sans faute ?
Je vous présente à toutes et tous mes sincères excuses pour le délai que je génère.
Cordialement,
Esteban Grine
Rien d’extraordinaire dans ce mail, mais je retiens deux-trois choses en guise de conseils :
Pas besoin d’expliquer le retard ;
Présenter ses excuses au comité d’organisation ET au comité scientifique ;
Donner / proposer une date en guise de nouvelle échéance.
Le mieux est de reprendre une conversation déjà en cours (celle qui a démarré par la réponse du comité notamment) mais s’il est nécessaire d’envoyer un nouveau mail, n’oubliez pas le titre du mail. Pour ma part, j’utilise le même format depuis un peu plus d’un an maintenant pour que cela soit le plus clair possible :
NOMDELAREVUE // Proposition NOMDELAUTEUR – Appel « titre de l’appel »
Dans tous les cas, encore une fois, il ne faut pas considérer cela comme irréparable. Régulièrement, plusieurs auteurs sont en retard pour la même deadline : vous n’êtes pas seul·e·s à ce moment. Si vous avez la possibilité, n’hésitez pas à discuter de cela autour de vous, c’est arrivé à tous le monde et ça arrivera encore. C’est toujours mieux de prévenir un peu en avance mais personne ne peut réellement tenir rigueur surtout lorsque le délai demandé est de quelques jours. Le plus long que j’ai demandé a été de deux semaines l’an dernier.
Abandonner l’écriture d’un article scientifique pour une revue ou un colloque
C’est probablement le plus grand tabou de l’univers des doctorants puisque je n’ai quasiment rien trouvé avec les mots-clefs « abandon, article scientifique ». Dès lors, cela donne l’impression que dès qu’une proposition d’article est acceptée, il y aurait comme un engagement marital avec le futur numéro de telle ou telle revue. Essayons malgré tout de détricoter l’ensemble, en prenant en compte que même si j’y ai pensé de nombreuses fois, cela ne m’est pas encore arrivé personnellement.
Tout d’abord, le plus simple : abandonner un colloque. De ce que j’ai constaté, le plus important est de l’annoncer tôt afin de permettre aux organisateurs et organisatrices de proposer un programme qui leur convient au mieux. Un « trou » lors d’une table peut permettre de repenser les interactions entre les communicants. Il est donc important de permettre au comité de réorienter si besoin. J’ai notamment pu constater l’annonce d’une annulation 3 jours avant un colloque et malheureusement, le comité n’a pas forcément apprécié. Cependant, il serait difficile pour moi de critiquer car un milliard (au moins) de raisons peut justifier l’absence d’une personne un jour particulier. Que cela soit personnel ou professionnel, je n’ai pas observé d’absence d’empathie de la part d’un ou d’une organisatrice. Donc, ce n’est pas grave, même si c’est le jour J, cela ne peut pas être grave. Les reproches qui peuvent être faits concernent notamment l’engagement de frais de votre université (pour payer votre billet de train par exemple).
L’abandon d’un article scientifique semble être la pire des choses qui puissent être dans le milieu de la recherche. Surtout pour un doctorant. Encore une fois, il est important de savoir si à un moment donné, on se sent capable de pouvoir rendre ou pas, et si un délai permet de résoudre cela. Dans le cas où un délai potentiel permettrait de rendre l’article, toutes les personnes avec qui j’ai discutées à ces moments m’ont toujours conseillé de rendre quelque chose, quitte à accepter qu’il ne s’agit pas d’un papier extraordinaire. La première relecture sera là pour redresser le tir (la deuxième également, etc.).
Dans le cas où l’abandon est inévitable, il me semble important de prévenir le comité de cela car la présence ou non d’un article conditionne le travail de relecture. Les causes de l’abandon peuvent varier de l’absence de temps jusqu’au rejet de la proposition par son auteur (parce qu’entre temps, de nouvelles lectures ont généré des contradictions, etc). Dans tous les cas, même si je n’ai pas trouvé d’exemple en particulier pour cette situation, je fais l’hypothèse que le comité ne pourra pas tenir rigueur à l’auteur, surtout à ce moment précis de la préparation de la publication. Il ne s’agit donc pas d’abandonner après une deuxième relecture mais fondamentalement d’un abandon avant toute démarche.
Le meilleur moment moment pour abandonner, il me semble, est avant l’envoi pour la première relecture. A ce moment de la publication de la revue, techniquement, d’autres acteurs (les pairs) ne sont pas encore engagés dans les corrections. L’abandon juste avant la validation définitive par contre peut envoyer un mauvais signal, surtout si la personne agissant de la sorte proposait son article à un autre appel. Là, on se retrouve dans un comportement plutôt malhonnête.
C’est pourquoi il ne me semble pas aberrant de supposer que l’abandon n’est pas punitif tant qu’il se fait avant l’envoi de l’article aux pairs. Lors de mes errances de juillet, j’aurais aimé lire qu’abandonner est une possibilité et qu’il ne faut pas considérer cela comme un échec. Il ne faut pas non plus penser que cela pourrait abîmer l’image que l’on donne en tant que doctorant. Plein de raisons rendent légitime l’abandon d’un article. Et ce n’est pas grave. Rien n’est grave. Le doctorat est une formation à la recherche, l’erreur ne peut être reprochée lors d’un apprentissage. ■
« Cela me fera un texte d’environ 8 000 signes. » C’est la phrase que j’ai sortie après que l’on m’ait posé la question suivante : « pourquoi captes-tu tes interventions en colloque ? ». Bêtement, je n’ai été capable que de dire : « cela me fait des signes en plus ». La remarque de la personne qui discutait avec moi fut cinglante : « c’est étrange de tout voir sous le nombre de signes ».
J’approche maintenant du bouclage de la deuxième année de ma thèse et je ne remarque que maintenant que j’ai, au fil du temps, pris le réflexe de parler en métriques – sans prendre en compte un niveau de qualité quelconque : je dois écrire 25 000 pour tel article, une présentation de 20 minutes équivaut à 15 000, si je veux faire une vidéo de 5 minutes, je dois rédiger environ 2 000 signes, etc.
Demain, j’atteindrai les 140 000 signes rédigés en ce mois de juillet. Tout confondu. il m’en reste encore 25 000 à écrire avant cela. 25 000 que je n’arrive pas à sortir, avant la réécriture d’un autre article de 15 000… J’écris cet article maintenant pour me forcer, me relancer, réchauffer la machine. Les mains sur le clavier, voilà une réalité du doctorant que je suis : loin de sa manette, les yeux sur la page blanche de son éditeur de texte. J’écris maintenant, avec vitesse, un texte, le plus court, le plus expressif. J’écris maintenant comme un sportif effectue son échauffement : « attention à bien utiliser tout les doigts, ne pas trop regarder le clavier… » Je dois parler de jeux vidéo. Oui. Certes. Mais pour l’instant je n’y arrive pas. Il y a quelques années, on me disait : « il ne suffit pas d’avoir une appétence pour être compétent ». Aujourd’hui, j’ai toujours mon appétence, ma passion pour le jeu et pour l’écriture. Aujourd’hui je ne suis pas compétent.
Je termine un mois terrible, reflet d’une réalité du doctorant précaire que je suis. Pas précaire à cause de l’argent, c’est déjà une chance, mais précaire parce que je n’ai pas le temps. Tout doit être optimisé, au millimètre, pour tout rendre à l’heure. En juillet, j’ai été en retard. En juillet, j’ai respiré.
Le retard, ce n’est pas grave, il faut composer avec. Les projets arrivent, le rattrapage aussi. Les papiers, je vais les rédiger sans soucis. Les témoignages pour sans/REGRET sont presque prêts. Bref, je suis maintenant échauffé, il ma fallu 387 mots, maintenant, je peux partir rédiger. ■
Dans le cadre d’un retour d’expériences pour un atelier organisé par l’OMNSH, j’ai évoqué mon parcours de vidéaste, de youtuber, pour les intimes. Je pense qu’il est plus qu’intéressant que je formalise mon propos, en espérant que cela puisse aider autrui. Il faut savoir, avant toute chose, que je n’en suis pas à ma première expérience de thèse. Ma toute première a démarré en 2013 et j’étais à ce moment inscrit en économie. On ne peut pas dire que j’ai été le meilleur des doctorants à ce moment. Aussitôt inscrit, aussitôt parti.
Sans que cela soit une expérience douloureuse, j’ai longuement ressenti ce constat d’échec. A posteriori, il est évident que je n’étais pas « prêt » à m’engager dans un tel travail. Je ne parle pas ici d’un stade de développement que je n’aurais pas atteint, au contraire. Je parle d’un contexte économique, social et culturel qui ne me permettait pas « d’apprendre » et de progresser dans ma thèse. Entre 2013 et 2014, je vivais à Budapest et j’étais à mi-temps sur des missions de coopération et à mi-temps sur des enseignements. Cet abandon de thèse, ce constat d’échec, est je pense fondateur dans mon parcours. En effet, je suis immédiatement reparti dans mes études, à distance et en parallèle de mon travail cette fois. Nous sommes entre 2014 et 2015, toujours à Budapest. J’en avais marre de l’économie, je suis donc parti en « ingénierie pédagogique » à la Sorbonne Nouvelle. Durant ce master, j’ai rendu en vidéo un dossier sur la gamification. Nous sommes en juin 2015, j’ai lancé véritablement ma chaîne Youtube.
Du haut de mes premières vidéos, j’essaie de m’imposer comme LA référence scientifique véritable de Youtube sur les game studies et le jeu vidéo en général. Autrement dit, le degré de vulgarisation que j’effectuais se voulait très proche de la vulgarisation scientifique. Lorsque je regarde mes premières vidéos, que je ne supporte plus aujourd’hui, c’est exactement cet éthos que j’essaie de transmettre. Depuis, je suis redescendu de mon piédestal. Cependant, j’assume que mon comportement a pu être déplacé à un moment. Après avoir passé les 1 000 premiers abonnés, je décide de me lancer dans une activité de blogging. Nous sommes en janvier 2016 et je prépare la première édition des chroniquesvideoludiques.com, « revue » qui deviendra par la suite mon carnet de recherche.
Avec le lancement de ce blog, j’ai une idée simple : ma première tentative de thèse est due à un contexte difficile et une absence de travail. En 2016, je commence à « ressentir » ce contexte favorable : une communauté de pairs grandissante sur internet, et une volonté de devenir « producteur de contenus ». Aujourd’hui, mon carnet de recherches a dépassé la centaine d’articles de consistance variable. J’y publie autant des textes qui vont me resservir dans mon manuscrit que des pensées plus intimes ou moins construites. Concernant les vidéos que je produis, si au début je voulais être le plus scientifiquement sérieux, cette qualité de ma vulgarisation a diminué avec l’augmentation de mes travaux de recherches. Si au début, cette chaine me permettait de me rapprocher du monde scientifique, aujourd’hui, il s’agit bien plus d’un exutoire avec lequel je continue de vulgariser mais aussi avec lequel j’expérimente de nouvelles formes de médiations. En particuliers, ces derniers mois, j’ai principalement réalisé des vidéos jouant sur le pathos
C’est notamment flagrant avec mes vidéos sur la danse et sur Majora’s Mask, respectivement sans texte pour la première et singeant Jean Rochefort pour la seconde. Progressivement, je vais repartir sur des contenus de vulgarisation. Même si je ne peux plus me permettre d’être constant dans mes productions, autant au niveau temporel qu’au niveau des formats, j’ai l’impression qu’aujourd’hui, ma chaine me ressemble bien plus en tout cas. D’une manière générale, mes vidéos et mes articles sont devenus des formes de journaux intimes mais ouverts. Et ce que je ne peux pas glisser soit dans LCV, soit sur ma chaîne, je l’insère dans d’autres pages comme par exemple « la fabrique pédagogique » qui consiste en une sorte de blog de thèse. Je n’y publie pas régulièrement, mais les productions y sont, je crois intéressantes lorsqu’on les considère comme des « traces » de mes expériences. D’une manière générale, je retiens surtout que si mon travail de thèse nourrit mes productions médiatiques, l’inverse est aussi extrêmement vrai.
Je pense aujourd’hui être dans une forme d’équilibre qui me permet d’avoir deux casquettes, deux personas. Cette dichotomie est une source, parfois de conflit, parfois de créations. Entre savant et politique, c’est véritablement là que je me situe. ■
J’ai récemment débuté une épopée en jouant à The Witcher 3. N’ayant ni fait le premier, ni le second, il s’agit pour moi de rentrer dans un univers que je ne connais qu’en livres et c’est pour moi aussi l’occasion de conclure les aventures de Geralt de Rive que je n’avais alors pas terminées. Après les premiers menus, j’arrive enfin sur le choix de la difficulté, que je sélectionne en « normal », quoi que cela veuille dire réellement.
Après cinq bonnes heures de jeu, j’arrive devant un dilemme qui m’obsède encore : dois-je basculer en « facile » pour pouvoir pleinement apprécier le récit et l’exploration sans trop me soucier d’une difficulté motrice nécessitant réflexes et acuités des sens. Ces derniers temps, j’ai remarqué l’aisance que j’avais à toujours opter pour le niveau le plus bas de difficulté proposé au joueur et à la joueuse. Que cela soit pour Uncharted ou The Witcher 3 qui sont les derniers jeux auxquels j’ai joués, c’est vers la facilité que je tends. Cependant, voilà une question fondamentale de mon travail de recherche qui se révèle : « en tant que chercheur sur le jeu vidéo, en quelle difficulté dois-je jouer aux jeux que j’étudie ? ».
La question est d’autant plus complexe que le choix initial de la difficulté va intégralement conditionner les futures expériences que j’aurai avec le jeu dans ses autres difficultés, parce que notamment, je connaitrai déjà les ressorts scénaristiques et narratifs. Les émotions ne seront donc plus les mêmes. Ou du moins, je ne les ressentirai plus dans les mêmes intensités. De même, est-ce que prétendre à l’exhaustivité dans son analyse signifie « avoir joué dans toutes les difficultés proposées » ?
D’un point de vue de la fiction, il semble que cette question semble contournable. Premièrement, on peut supposer que la difficulté « normale » est celle qui serait considérée comme légitime selon l’auteur : il s’agirait alors de la difficulté pour laquelle le jeu a été pensé. Les autres niveaux de difficultés, dans ce cas, ne seraient que des outils pour satisfaire des communautés de joueurs et joueuses un peu trop véhémentes. Autrement dit, toutes les difficultés n’étant pas nommée « normale » ne seraient que des artefacts issus de compromis passés avec les joueurs. Invoquer l’intention de l’auteur semble dans ce cas particulièrement intéressant – ou tout simplement pratique, car le chercheur que je suis ne pourrai pas faire autrement.
Cependant, d’un point de vue expérientiel, la question semble difficilement solvable. Le choix de la difficulté apparait comme l’un des éléments primordiaux liés à la probabilité que j’arrive à une certaine lecture, une certaine analyse, de l’œuvre vidéoludique. Par exemple, jouer à Uncharted 3 en facile a un impact non négligeable sur la façon dont le ou la joueuse va « vivre » certaines séquences dont les combats. On peut aisément faire l’hypothèse que ces derniers seront bien plus frustrants.
Cette problématique est donc colossale autant si je mène une recherche à partir de mes propres expériences que si je mène une recherche sur la réception du jeu en observant un panel de joueurs et joueuses. Pour être représentatif, il faudrait alors que dans ce panel, un certain nombre joue en difficulté minimale, d’autres en maximale. L’ensemble se complexifie si en plus nous intégrons la question des compétences et de la littératie vidéoludiques du joueur ou de la joueuse. Il faudrait alors qu’à l’intérieur de chacun des sous-ensembles, il y ait des compétents et des non ou moins compétents. Le travail en amont d’une séance d’observation participante prend alors une démesure qu’il m’est impossible de dépasser en menant des recherches de manière solitaire comme c’est le cas aujourd’hui.
Mon désarroi va même au-delà de ces réflexions dont je fais état ici puisque je n’ai pas trouvé de travaux de recherches posant ces questions et essayant d’y répondre avec un cadre épistémologique. Alors certes, on peut toujours convoquer Juul lorsqu’il s’agit de la difficulté (Juul, 2009, 2013). On peut aussi invoquer Hunicke qui ajoute un degré de complexité à l’ensemble puisqu’elle interroge la difficulté dynamique, c’est-à-dire celle qui s’adapte au joueur progressant à sa manière dans le jeu (2005). Enfin, la thèse de Levieux (2011), consacrée à la difficulté, analyse cette dernière d’un point de vue du game design et de ses impacts sur les joueurs. Il y propose une formalisation, une modélisation de cette dernière en tant qu’élément de gameplay. Cependant, aucun de ces travaux ne questionne le choix de la difficulté comme un choix épistémologique du chercheur.
Il semble pour l’instant qu’il n’existe pas encore véritablement de textes questionnant le choix de la difficulté comme un choix épistémologique du chercheur. A première vue, il semble que cette question soit l’une des plus difficiles à laquelle on peut être confronté.e.s : « pourquoi avoir choisi la difficulté normale pour analyser le jeu ou pour faire jouer vos enquêtés ?» semble être l’une des plus effrayantes qui soient aujourd’hui.
Esteban Grine, 2018.
Juul, J. (2013). The Art of Failure: An Essay on the Pain of Playing Video Games (Reprint). The MIT Press.
Juul, J. (2009). Fear of Failing? The Many Meanings of Difficulty in Video Games, 13.
Hunicke, R. (2005). The Case for Dynamic Difficulty Adjustment in Games. In Proceedings of the 2005 ACM SIGCHI International Conference on Advances in Computer Entertainment Technology (p. 429–433). New York, NY, USA: ACM. https://doi.org/10.1145/1178477.1178573
Cet article correspond à la publication d’un texte écrit avec Caroline Bessault en 2017 pour la journée d’étude SEG2017 organisée à Valenciennes. Il s’agit d’un retour d’expérience d’une durée de 3 minutes durant lesquelles nous avons présenté un dispositif ludique ayant la forme d’un jeu de piste dont l’objectif pédagogique était la découverte du campus de la citée Descartes. Ce texte a été rédigé pour la COMUE Université Paris-Est.
Pour citer la communication :
Giner, E., Bessault, C. (2017). L’inscape Descarte : un outil institutionnel et ludique au service d’un campus académique. Journée d’étude des SEG2017, Valenciennes.
Nous sommes en 2040, les villes sont devenues invivables. L’air urbain est irrespirable et la qualité de vie n’a jamais été si faible. La pollution, les déchets, les transports : nous sommes arrivés à un point de non-retour. C’est dans ce contexte et pour mettre un terme à cette situation que les grandes métropoles décident de s’unir autour d’un accord international inédit. Mais à la veille de sa signature, le document est volé par les représentants de Garbage City. Le groupe des mégapoles décident alors d’envoyer leurs meilleurs agents sur le terrain afin de retrouver le texte. Pour leur mettre des bâtons dans les roues, Garbage City disperse le document dans les multiples bâtiments du campus de la cité Descartes.
Voici le pitch qui démarre l’aventure « Inscape Descartes 2017 », première édition d’un serious game « grandeur nature ». L’objectif est simple. Multiple mais simple : faire découvrir aux primo-entrants l’ensemble des établissements qui composent le campus en amont de leur fusion en 2019. Mais ce n’est pas tout. Il a s’agit également de créer de l’interconnaissance. Nous avons donc fait des équipes de 5 à 6 étudiants provenant d’au moins 3 établissements. Mais comme nous ne sommes pas des monstres, les plus timides avaient la possibilité de s’inscrire à deux et 25% des places étaient ouvertes aux étudiants de promos supérieures.
Le résultat a dépassé nos espérances. Nous avons sensibilisé 120 étudiants à la thématique de la ville de demain, enjeu central de notre future université. Ils ont également pris conscience des compétences, des équipements et des services présents sur le site.
Côté organisateurs, ce fut un moment déterminant. En effet, la création du jeu a permis à 11 établissements académiques et non académiques d’apprendre à se connaitre et à travailler ensemble en amont de la fusion. Nous avions donc une vingtaine de personnes présentes aux réunions aux profils divers : présidents de BDE, directeur de service, vice-président en charge de la vie étudiante, chargés de communication, responsables de vie culturelle, fablab manager … bref, les acteurs clefs de la vie du campus réunis tous les 10-15 jours pour parler organisation mais aussi énigmes. Et ça, c’était créateur de liens tels des séminaires de connaissance réciproque.
Cerise sur le gâteau pour les deux parties, nous avons pu parler du projet I-SITE à la fois dans sa valence « vie étudiante / vie de campus » mais aussi « institutionnelle » en démontrant que le futur établissement a tout à gagner de la multitude de profils et de compétences présentes sur site.
Le fait de travailler pour la première fois ensemble à travers un événement ludique nous a donc semblé facilitateur dans le lancement d’une dynamique partagée. Nous tenons tout de même à insister sur le fait que nous avons bénéficié de la bonne volonté des acteurs, qui se sont investis en plus de leur charge de travail et ce, dans des délais très contraints. Par ailleurs, nous avons bien conscience que ce type d’événements ponctuels ne saurait se suffire à lui-même, même si nous souhaitons les étudiants et les acteurs ont faire part de leur volonté d’avoir une seconde édition.
Je fais le choix de publier une communication que j’ai donnée l’an passée lors d’une journée d’étude proposée aux doctorants et doctorantes. Celle-ci sera aussi déposée sur « Archives Ouvertes » au format pdf. Une captation de mon intervention avait été faite ici. Je n’ai effectué qu’une seule modification au texte : j’ai nuancé mon approche phénoménologique en ajoutant [aussi]. De sorte, aujourd’hui, je m’inscris autant dans l’analyse des structures et des contenus que de leurs perceptions. Ceci étant dit, je vous souhaite bonne lecture.
La question des impacts des jeux vidéo sur les comportements, les systèmes valeurs et plus généralement sur les joueurs·euses est complexe au sein des game studies puisqu’elle partage les chercheurs·euses entre les tenant·e·s de la catharsis et celleux de l’apprentissage sociale (Zagal, 2010). Si les liens entre jeux et pédagogie ont déjà été relevés dans des contextes de jeux formels (tels que des situations de classes, Brougères, 1997, Alvarez, 2015) et informels (tels que les jeux multijoueurs en ligne, Berry, 2012), nous focalisons notre recherche sur la relation entre le game design d’un jeu et le·a joueur·euse en train de jouer et ce, en prenant en compte la multiplicité des contextes. Par ailleurs, il est aujourd’hui difficile de catégoriser les jeux vidéo en fonction de leurs discours (Trépanier-Jobin, 2016), persuasifs, s’ils diffusent et imposent un message (Bogost, 2007) ou expressifs, s’ils ne proposent qu’une expérience au ou à la joueur·euse sans objectif de le·a persuader (Genvo, 2016).
Pour citer cet article :
Giner, E., (2017). Penser le Game Design comme une pratique pédagogique. Journée d’étude de l’OMNSH. Paris.
Nos travaux ont donc pour objet d’apporter des éléments à ces discussions. Nous pensons ces jeux comme des espaces potentiels d’apprentissage de concepts quotidiens et scientifiques (Vygotsky, 1934), de diffusion de représentations (Kline et al, 2003) et d’acquisition de compétences (Tardif, 2006). Le jeu vidéo est alors un support de médiation entre les game designers (les créateurs·ices) et leur audience (qu’elle soit actrice ou observatrice, Frome, 2006). Le game design (les méthodes de scénarisation de l’activité ludique) structure alors l’apprentissage du joueur. Dans ce cadre, l’objectif pour le·a game designer est d’agencer le jeu de sorte à ce que le joueur se situe dans sa zone proximale de développement (Vygotski, 1934), c’est-à-dire la zone dans laquelle il peut réussir des tâches lorsqu’il est accompagné. En ce sens, il est possible d’inscrire le game design dans la pensée socioconstructiviste pourvu que l’on considère l’activité vidéoludique comme un phénomène communicationnel.
Les situations d’apprentissages rencontrées par le·a joueur·euse et résultant de cette communication peuvent alors être représentées sous la forme d’une boucle dans laquelle un objectif pédagogique, déterminé a posteriori par le chercheur, mobilise des éléments du jeu vidéo avec lesquels le·a joueur·euse peut interagir. De cette interaction peut émerger soit une récompense, soit une punition qui seront interprétées par le·a joueur·euse. Cette interprétation détermine si le·a joueur·euse apprend ce sur quoi porte l’objectif ou s’il apprend autre chose, auquel cas il s’agit d’une externalité de cette boucle d’apprentissage.
Le game design, en structurant les éléments vidéoludiques mobilisés pour l’objectif, détermine alors des événements d’apprentissage-enseignement (Leclerc et Poumay, 2008) créés volontairement ou involontairement par le·a game designer et rencontrés par le·a joueur·euse. En catégorisant ces événements (apprentissage par imitation, exploration, réception, création, exercisation, etc.), il devient alors possible de caractériser le discours contenu dans le jeu et ainsi statuer sur son genre vidéoludique. Un événement laisse plus ou moins de marge au contrôle du joueur sur son apprentissage. Plus l’événement proposera de contingences, de situations possibles, et plus on considérera le jeu comme un espace proposant une discussion de laquelle, le·a joueur·euse pourra tirer un apprentissage possible. Il sera alors expressif. A l’inverse, si l’on considère que le jeu impose le message qu’il contient et ne laisse que très peu de contrôle au joueur·euse. Il sera dans ce cas persuasif. De même, en caractérisant les apprentissages, il devient possible d’observer si ceux-ci sont dirigés vers un phénomène particulier du jeu (l’apprentissage d’un mouvement dans une situation précise par exemple), vers le jeu dans sa globalité (un événement d’apprentissage par réception et portant sur le discours global du jeu par exemple) ou vers un phénomène qui dépasse le cadre du jeu (il s’agit là d’intégrer la question du transfert de l’apprentissage dans une autre situation que celle vécue par le·a joueur·euse).
Cependant, cette approche ne suffit pas pour analyser les relations entre le game design et les apprentissages. C’est pourquoi il a été rappelé lors de cette communication que nous analysons ces liens [aussi] d’un point de vue phénoménologique. Ainsi, c’est en observant les joueurs·euses en train de jouer que nous pensons pouvoir analyser et répondre à la question des apprentissages. De facto, nous nous émancipons de l’intention de l’auteur puisque nous concentrons notre analyse uniquement sur ce qui est contenu dans le jeu et de ce qui est observé par le·a joueur·euse. Afin de mener ces travaux directement inspirés des méthodes d’observations des audiences en acte (nous définissons cela avec le concept de user research), nous proposons à des participants de « tourner des let’s play », des vidéos connotées et connues dans la communauté des joueurs notamment grâce à des vidéastes youtuber tels que Squeezie et Cyprien. Ces let’s play sont une façon de mettre en récit vidéo l’acte de jouer et ce, de manière informelle. A travers donc l’usage de ce format et de la user research, il semble possible d’ébaucher une méthodologie qui apporte des éléments de compréhension lorsque l’on souhaite penser le game design comme une pratique pédagogique. ■
Esteban Grine, 2017.
Bibliographie
Alvarez, J., 2015. Enrichissement d’un modèle évaluatif pour assurer une formation avec le jeu comme médiation. Presented at the Journée AIM Serious Games et Co-design, GEM.
Berry, V., Brougère, G., 2012. L’expérience virtuelle : Jouer, vivre, apprendre dans un jeu vidéo. PU Rennes, Rennes.
Bogost, I., 2006. Persuasive Games: The Expressive Power of Videogames. The MIT Press, Cambridge, MA.
Brougere, G., 1997. Jeu et objectifs pédagogiques : une approche comparative de l’éducation préscolaire. Revue française de pédagogie 119, 47–56. doi:10.3406/rfp.1997.1166
Frome, J., 2006. Representation, Reality, and Emotions Across Media. ResearchGate 8, 12–25. doi:10.7227/FS.8.4
Genvo, 2016. Defining and designing expressive games : the case of Keys of a gamespace | Kinephanos.
Leclercq, Poumay, 2008. Le Modèle des Evénements d’Apprentissage – Enseignement.
Tardif, J., 2006. L’évaluation des compétences : Documenter le parcours de développement. Chenelière Education, Montréal.
Trépanier-Jobin, 2016. Differentiating Serious, Persuasive, and Expressive Games | Kinephanos.
Vygotski, L.-S., Piaget, J., Sève, L., Clot, Y., Sève, F., 2013. Pensée et langage, 4e édition. ed. La Dispute, Paris.
Alors, je n’avais pas du tout prévu d’écrire à ce sujet. Je vais donc tenter de faire le plus court possible pour conserver les quelques idées que j’ai et que je souhaite partager.
A la suite de mon intervention à la cyberbase de Bron (à côté de Lyon), j’ai entrepris de résumer cette communication de popularisation sur twitter. A ce sujet, mes modèles sont Laurence De Cock et Mathilde Larrère que je suis depuis un long moment maintenant. J’ai même eu l’occasion de discuter avec Mathilde une fois et ce fut le moment où elle me partagea sa méthodologie : tout simplement prérédiger les tweets dans un document word ou autre et une fois que l’intégralité du thread est prêt, le publier dans son intégralité.
Tout cela est donc très simple et c’est ce que j’ai fait avec le thread ci-dessous. Faire cet exercice m’a fait réaliser deux choses. La première est qu’il s’agit d’un exercice très intéressant pour valoriser ses recherches mais aussi pour laisser une trace d’une intervention. L’intégralité des tweets que j’ai publié pour cela comprend 1 267 mots pour à peu près 8 000 signes (espaces incluses). Voilà une donnée plus qu’importante : faire un thread sur twitter vaut une quantité quasi égale à un véritable texte de communication (d’un format de vingt minutes).
C’est immense lorsque l’on réalise cela. Aujourd’hui, je peux immédiatement reprendre mon document word pour en faire par exemple : un texte (comme cela avait été le cas lorsque j’avais publié un article d’Haronnax de la chaîne des Chroniques Du Désert Rouge), une nouvelle communication, un fil conducteur d’une vidéo ou d’un podcast.
La deuxième chose que cela m’a fait réalisé est la suivante : il est possible de faire l’inverse. D’abord préparer son thread, pour organiser sa pensée, pour ensuite organiser sa communication. Le fait que les contraintes de twitter sont tellement fortes (nombre de caractères entre autres) fait que cela oblige à fortement structurer une pensée, un développement.
Le problème majeur de cela est que cela s’inscrit dans un format qui ne privilégie pas le côté scientifique. On est clairement dans la même critique faite à la pensée powperpoint sauf qu’elle se nomme ici la pensée twitter. Donc à titre personnel, je ne pense pas privilégier cette méthodologie pour des communications scientifiques. Clairement.Cependant, avoir vu se thread partagé, repris et diffusé me conforte dans l’idée qu’il s’agit-là peut-être d’un levier intéressant dans la popularisation de mes travaux.