Modéliser les récits de jeu vidéo avec la narration à n-corps

Le 7 novembre dernier, j’ai présenté lors du colloque « Lusor In Fabula », organisé par l’université de Rouen, ma proposition théorique qui s’intitule : « la narration à n-corps ». C’est une théorie importante pour moi car cela fait maintenant un peu plus d’un an qu’elle mûrit. De même, si j’ai l’impression d’en avoir été le premier instigateur, c’est un travail que j’ai réalisé en réseau, notamment avec mes collègues Rémi Cayatte, Charles Meyer et Martin Ringot. C’est avec eux que j’ai particulièrement échangé durant la formalisation de cette théorie, encore balbutiante, mais je reviendrai là-dessus plus tard.

Pour citer ma communication lors du colloque :
Giner, E. (2019). Pour une théorie radicale et dynamique des récits vidéoludiques : la narration à n-corps. Communication donnée lors du colloque « Lusor In Fabula ». Université de Rouen : les 7 et 8 novembre.
Pour citer ce billet :
Grine, E. (2019). Modéliser les récits de jeu vidéo avec la narration à n-corps. [Carnet de recherches] Les chroniques vidéoludiques. URL :

Note aux lecteur·ice·s : il s’agit ici d’un article qui n’est pas le texte de ma communication. Le texte sera déposé plus tard sur la plateforme HAL probablement et peut-être soumis à une réécriture en vue d’une publication pour des actes ou pour une publication future.

L’objectif de ce billet est donc de proposer un nouveau texte sur cette théorie. Finalement, il aurait pu se nommer : « la narration à n-corps : enjeux et méthodes ». Aussi, il ne s’agit pas du texte de la communication que j’ai donnée lors du colloque. Celle-ci sera publiée plus tard aux Archives Ouvertes et je ne manquerai pas de venir y réinsérer un lien vers sa page de téléchargement.

Ainsi donc, ce billet va suivre l’organisation de ma communication : après avoir formalisé un contexte théorique, je présente la narration à n-corps pour enfin aboutir à ses applications.

Pour bien comprendre le point de départ de la narration à n-corps, il m’est important de rappeler d’où je pars. N’étant ni littéraire, ni narratologue de formation, je m’appuie principalement sur les articles qui se trouvent dans le champs des game studies. Par ailleurs, ce qui m’a fondamentalement toujours intéressé, ce n’est pas un débat de concept. Au contraire, mon objectif est plutôt de modéliser les formes et les trajectoires que peuvent prendre un ou des récits en jeu. Si au passage, cela me permet de faire fi de certaines conventions scientifiques, comme par exemple en me positionnant contre certaines théories qui ont légitimement structurer le champs, c’est un plus.

De fait, la narration à n-corps est partie d’une représentation atypique des récits que je vivais en jeu. Par exemple, plutôt que de tenter une analyse sémiotique poussée du jeu The Witness, je me représente dorénavant son récit comme la figure ci-dessous. Cela ressemble vaguement à un système solaire. De fait, tout le propos de cet article est d’expliquer pourquoi et comment je conceptualise les récits vidéoludiques de cette façon.

Cependant, il m’est d’abord nécessaire de situer le contexte de cela. L’un des premiers phénomènes que je note est que les game studies ont toujours fait un usage poussé des métaphores de sorte à expliciter ce que sont les jeux. Je tire cette conclusion des travaux d’Olivier Caïra (2014). Ce que j’ajoute à son propos est que finalement, on peut aisément agencer ces métaphores sur différents plans de l’existence : de la fiction quantique (Blanchet, 2010) aux « bacs à sable » en passant par la théorie atomique du gameplay (Alvarez, 2018), toutes les métaphores s’inscrivent de sorte à mobiliser des éléments inscrits dans une spatialité à plus ou moins grande échelle.

« Comme l’huile et le vinaigre » : penser les jeux vidéo

Du coup, si nous avons déjà exploré les métaphores de l’infiniment petit, autant aller à l’opposé en optant pour les objets les plus lourds que nous connaissons actuellement : les corps célestes. En particulier, je tire cette théorie d’une lecture de science-fiction : « le problème à 3 corps » de Liu Cixin (2016). Dans ce roman, une planète gravite autour de trois soleils, ce qui lui empêche alors d’avoir une trajectoire stable. Dans la narration à n-corps, cette planète est l’équivalent d’un récit qui se développe : il gravite autour d’astres et même s’il apparait qu’il y a bien un commandant à bord, la gravité exerce une attraction qui oblige ce récit à emprunter une trajectoire plutôt qu’une autre. C’est cette métaphore que je vais garder pendant toute la durée de ce billet.

Durant la première partie de ma communication, je suis revenu sur plusieurs propositions théoriques qui semble, à mon sens, faire consensus dans le champs des game studies. J’ai le sentiment que l’on structure nos conceptions des jeux vidéo en nous reposant systématiquement sur des dichotomies qui viennent soit positionner deux termes en oxymores, soit positionner deux termes dont l’un serait le contenant de l’autre. Bien entendu, j’entends que l’on reste permissif et qu’il ne s’agit pas ici de cloisonner de manière exclusive les termes. J’interprète généralement ces lectures comme des continuums entre par exemple récits encastrés, présents dans les jeux, des récits émergents (ceux qui apparaissent du fait de l’action du joueur ou de la joueuse. J’ai aussi le sentiment que ce type de conceptions, en plus de reposer sur la façon dont le faux débat « ludologie – narratologie » qui structura les chercheurs et les chercheuses en fonction de prises de positions marquées, fait référence à une certaine tradition McLuhanienne de la conception des médias dont les plus récents contiennent toujours ceux qui les précédent.

Dès lors, on pourrait pousser cette analyse en formalisant de facto un tableau à double entrée qui agencerait ces théories en fonction des dichotomies qu’elles proposent pour définir les jeux vidéo. D’un côté, il y aurait les théories reposant sur une dichotomie game/play et celles s’appuyant sur une distinction entre narrativité et ludicité. De fait, la naissance de la théorie des n-corps repose aussi sur une volonté personnelle de tenter de « penser autrement » : est-ce que cela est possible ? Comment formaliser cela ? J’avoue qu’il y a aussi une volonté de ma part de me challenger. En tout état, on peut avoir dans la figure ci-dessous un exemple de ce que je veux établir : une théorie ne reposant sur aucune dichotomie pour formaliser et modéliser les récits vidéoludiques.

Aussi, il est important de noter, car il m’a semblé que c’est quelque chose que j’aurai dû préciser durant le colloque : je suis assez flexible lorsqu’il s’agit de changer de cadre théorique de sorte à appréhender un objet d’une nouvelle façon. Je ne considère absolument pas la narration à n-corps comme une théorie plus vraie que les autres, que j’emploie toute autant dans mes travaux.

Modéliser les récits vidéoludiques avec la narration à n-corps

En tout état, lorsque je présentais cette théorie comme étant « radicale », c’était pour précisément signaler mon intention de remercier les auteur·ice·s me précédant de sorte à mieux leur fermer la porte, et ce, uniquement dans le cadre de cette théorie qui reste une construction n’ayant pas pour objectif de formaliser une réalité : il s’agit d’un modèle, qui je l’espère, permet de mieux appréhender cette réalité.

De fait, l’adjectif radical fait aussi principalement référence à la façon dont je définis le « récit ». Celui-ci est dans cette théorie le résultat d’un enchaînement de controverses entre la machine et l’opérateur et ce, dans un contexte socialement ancré de jeu. Positionner le récit de cette façon aboutit à deux effets importants.

Tout d’abord, je m’extraie de la définition du récit de Gérard Genette : « l’énoncé narratif, le discours oral ou écrit qui assume la relation d’un événement ou d’une série d’événements » (Genette, 1972). De facto, le récit en tant que telle ne précède pas l’expérience de jeu dans la théorie des n-corps. Tout au plus, il existe des éléments de langage, des événements mais le récit, en tant que tel, repose alors sur une co-construction entre machine et opérateur·ice.  

Le deuxième effet de cette conception est que dans le cadre de la théorie de la narration à n-corps, je refuse systématiquement de distinguer le récit, de l’expérience et de la narration. Je précise cela car cela m’a été demandé à la suite de mon intervention. En effet, à partir du moment où je réintègre ce type de distinctions, cela contredit l’intention initiale de la proposition de s’extraire d’une conception typique de la narration, du récit, etc. Je comprends que cela puisse frustrer certaines personnes qui considéreraient alors que ce modèle n’a aucune valeur. Je ne peux que leur répondre que leur frustration ne me dérange pas, au contraire, tout en précisant qu’il ne s’agit pas de la seule conception des récits que je considère avec intérêt et que je n’ai aucun mal à m’appuyer sur des conceptions typiques. Ici, je recherche précisément une façon dont laquelle je peux m’extraire de tout cela. C’est pourquoi on peut aussi envisager la narration à n-corps comme simplement un exercice de style qui apporte des éléments intéressants de compréhension et de formalisation.

Le deuxième concept important de la narration à n-corps est celui des corps vidéoludiques que je définie comme des ensembles homogènes de situations-séquences rencontrées dans les jeux vidéo. De fait, je laisse libre les utilisateur·ice·s du modèle de formaliser et de sélectionner les critères d’homogénéité. Par exemple, je m’appuie personnellement sur des événements communicationnelles (voir le continuum persuasif-expressif, Giner, 2019) mais dans d’autres contextes, j’aurai pu m’appuyer sur les médias qui composent ce corps ou encore sur les ludèmes, etc. L’objectif est de rendre le modèle relativement plastique et applicable à des questions variées de recherches.

Par exemple, j’ai représenté le récit de Super Mario Bros (Nintendo, 1985). Pour ce jeu, j’ai identifié trois corps principaux. J’aurai pu en ajouter d’autres dans l’objectif d’être plus précis mais il s’agit surtout ici clarifier un propos. Dans ce jeu, il y a donc un corps correspondant aux niveaux, un corps correspondant aux « briefs de mission » qui sont les écrans noirs disposant des informations avant chaque niveau et les cinématiques/cliffhangers qui sont les cinématiques reposant sur un texte à l’issue de chaque monde (et nous indiquant généralement que la princesse Peach se trouve dans un autre château).

De fait, la trajectoire du récit prend la forme d’une rosace sur la figure ci-dessous (gauche). Sans revenir sur les implications de la chose, je fais l’hypothèse que plus un jeu va proposer des récits ayant des trajectoires géométriques et plus le récit sera stable. A l’inverse, plus la trajectoire semblera désorganisée et plus je considérerai le récit comme chaotique. J’ai poussé un peu le vice en réalisant six runs de SMB et même si je ne suis pas mort aux mêmes endroits, on remarque que le récit est relativement stable.

Là où le jeu Undertale propose finalement un récit plus chaotique. Après avoir séquencé les vingt premières minutes d’une run pacifist et d’une run genocide, je me suis à formaliser l’ensemble en reprenant la méthodologie que je propose. Cette fois, j’ai identifié huit corps principaux plus deux autres qui émergent du fait du comportement génocidaire du joueur ou de la joueuse (figure ci-dessous, à droite). De fait, voici dans la figure ci-dessous (à gauche) les représentations que je propose des récits d’Undertale du début jusqu’à l’apparition du titre après le combat contre Toriel.

Avant de présenter les applications du modèles en conclusion, voici dans les grande lignes les éléments essentiels de la théorie de la narration à n-corps :

  • Les jeux vidéo sont considérés comme des systèmes dans lesquels un ou des récits, qui nécessitent l’action et l’agentivité du joueur ou de la joueuse, gravitent autour de corps vidéoludiques.
  • Penser les jeux vidéo comme des systèmes ne présuppose pas les relations entre les éléments le composant. Ceux-ci sont fonction d’un réagencement suivant les actualisations progressives faites par le ou la joueuse.
  • L’objectif de la narration à n-corps est de représenter la spatialité et la temporalité d’un récit. Il est donc d’avantage question de représenter la trajectoire d’un récit plutôt que d’en connaitre sa teneur.
  • Les corps vidéoludiques sont définis par les observateur·ice·s et ce, en fonction de leur question de recherches.
  • Un même jeu peut être représenté par plusieurs systèmes de corps vidéoludiques déterminés finalement en fonction des questions de recherches.
  • La teneur métaphorique de la narration à n-corps ne se substitue pas à une méthodologie de recherche reposant notamment sur l’usage de séquenciers de sorte à proposer un travail falsifiable. 
  • Il est possible de présenter un système « ouvert » dans le sens ou celui-ci va intégrer des « corps médiatiques » qui ne sont pas présents dans le jeu vidéo étudié. Par exemple, on pourrait intégrer un corps « réseaux sociaux » pour formaliser la trajectoire d’un récit qui s’effectue à l’intérieur et à l’extérieur d’un jeu (et donc, on rapproche cette théorie de la transmédialité et de l’intermédialité).

Conclusion

Il me semble qu’avec ce billet, la modélisation du récit du jeu The Witness semble plus clair : il gravite autour du corps « exploration » de l’île et ponctuellement, on résout des énigmes.

A ce jour, l’application principale de cette théorie est de pouvoir objectifier des interprétations particulières d’un jeu, faisant le pont entre game et play. Durant ma communication, j’ai présenté aussi les prémisses d’une typologie de jeux vidéo à un corps, deux corps, trois corps, à n-corps, des récits stables, des récits chaotiques. C’est quelque chose que je n’ai pas encore formaliser plus en détails.

Par ailleurs, la narration à n-corps semble être un outil de modélisation de sorte à constater la persuasivité et l’expressivité des jeux vidéo, ce qui défait est totalement raccord avec mon travail de thèse. Aujourd’hui, la principale limite est que je n’arrive pas encore à respecter la temporalité de l’expérience à l’échelle de l’expérience effective. De fait, on a l’impression que les corps semblent équivalant à tout moment d’une expérience, or je vois les choses beaucoup plus en mouvement. En tout état, les séquenciers permettent tout de même de prendre en compte cela. Enfin, une représentation qui semble efficace et utilisable semble celle que j’ai mobilisée pour le cas d’Undertale. C’est aussi une représentation que je vais prolonger et améliorer. Une excellente proposition de Martin Ringot durant le colloque fut aussi de représenter l’attractivité des corps entre eux en plus des trajectoires des récits et cela un nouvel axe de travail. Cependant sur ce, je m’arrête là, car si mon modèle nécessite de nouvelles améliorations, mon train arrive en gare : l’heure tourne, en plus de mon modèle. Ce sera donc pour de prochains billets.

Esteban, Grine, 2019.

Petit guide de captations vidéoludiques pour des recherches académiques

Dans le cadre d’une recherche académique sur les phases d’accostage (ou d’unboarding) dans les jeux vidéo, j’ai passé une journée entière à capter les premières heures de chacun des jeux sortis sur console de salon de la série Uncharted. Au total, j’ai donc passé environ 1h30 à parcourir chacune des introductions de Drake’s fortune (2007), Among Thieves (2009), Drake’s Illusion (2011), A Thief’s End (2016) et enfin The Lost Legacy (2017), seul épisode à ne pas faire de Nathan Drake le protagoniste principal.  

Dans un article du Monde publié le 11 février 2018, William Audureau rapporte les propos de Carl Therrien lors d’une conférence donnée à la Sorbonne Nouvelle : « les youtubeurs sont en train de créer la seule trace de milliers de jeux auxquels les futurs chercheurs auront accès » (in Audureau, 2018). En face de la recherche se positionnent des agents historiographiques qui captent (1) les moments de jeu et (2) ce qui reste des jeux une fois l’expérience vécu. Pourtant, il ne s’agit pas là d’une volonté particulière de conflit : les let’s play et autres pratiques de mise en récit de l’acte de jouer à un jeu vidéo sont légitimés par les systèmes médiatiques contemporains. De même, on peut contraster le pessimisme de Therrien en évoquant les chaînes de longplays qui consistent à effacer le plus possible le joueur ou la joueuse de l’acte : il ne s’agit donc que de conserver le jeu en train d’être joué par une personne supposée connaisseuse.

Malgré cela, plus j’avance dans mes travaux et plus je suis convaincu qu’un·e chercheur·euse doit produire ses propres enregistrements. Il ne s’agit pas de dire ici qu’il ou elle doit forcément jouer pour analyser. Il est plutôt question du contrôle du contexte pragmatique dans lequel les enregistrements sont produits, et encore, cela dépend de la question de recherche, etc. Dans tous les cas, mon dimanche passé à faire des captations fut le terreau de nombreuses questions auxquelles je n’ai pas trouvé de réponses dans la littérature académique. Globalement ces interrogations rejoignent une question générale qui serait : Quelle méthodologie pour le·a chercheur·euse en game studies pour réaliser des captations de sessions de jeu vidéo mobilisables dans un contexte académique ?

Définir la problématique, le but de la captation et la méthode

A l’instar d’un terrain sociologique que l’on souhaiterait étudier avec une méthode qualitative (observation participante, entretien, etc.), il semble nécessaire de rédiger les enjeux d’une captation car contrairement à des formes médiatiques linéaires, les jeux vidéo sont généralement des espaces explorables offrant une plus ou moins grande contingence à son audience. Ainsi, par son double statut de jeu et de fiction (Juul, 2005), nous ne sommes pas seulement observateur mais aussi un des actants, voire l’actant participant principal. De fait, notre comportement ingame est déterminant dans le matériau discursif (la captation) que nous allons récupérer (contrairement au visionnage d’un film par exemple).

De fait, il semble que la première étape soit la rédaction d’une proposition de recherche ou de projet de captation. Il n’existe pas de document type pour rédiger cette proposition mais suivant les propos d’Alami et al (2009), celle-ci doit prendre la forme d’une contractualisation que le·a chercheur·euse formalise (envers un commanditaire qui peut être soi-même) qui met en perspective : (1) la problématique de recherche et de création des captations et (2) les moyens mobilisés pour rendre les captations réfutables ou falsifiables (et donc inscrire notre travail de captation dans un cadre épistémologique.

Cette proposition de recherche n’a pas besoin d’être un document long. Cependant, il doit permettre à une audience de comprendre la démarche dans laquelle s’est située la captation. Voici la proposition de recherche pour mes captations des jeux Uncharted. L’exemple est partitionné de sorte à être reproductible aisément pour qui veut. Les titres de chacune des parties sont suffisamment évocateurs ou brièvement défini. Ce modèle est celui d’une démarche qualitative proposée par Alami et al appliqué aux JV :  

Rappel du contexte : comprendre la question et les enjeux du commanditaire
Dans le cadre d’une communication s’intitulant « entre didacticiels et politiques : les jeux vidéo comme supports d’apprentissages », je souhaite réaliser une étude de cas des phases d’accostage des jeux Uncharted dans le but de mettre en exergue les approches pédagogiques mises en place dans le game design dont l’objectif est d’enseigner aux joueur·euse·s les différentes manipulations permises dans le gameplay.
Problématique et objectifs détaillés : la reformulation et l’inscription du sujet dans un état de l’art
L’enjeu de la création de ces données concernent l’évolution des approches pédagogiques au fur et à mesure du développement des jeux de la série. La production de ces données doit donc répondre à une première question : « quelles sont les situations de communications proposées lors des phases d’accostage ? » Secondement, étant donné le corpus, nous pouvons nous demander : « sur quoi chacune des itérations met l’accent dans sa phase d’accostage ? » Enfin, on peut se questionner sur la façon dont les phases d’accostage de ces jeux invitent leurs joueurs et joueuses à une certaine appréhension du jeu ? » 
Méthodologie : découpage et technique d’observation
Dans le but de répondre à ces questions, nous jouons les séquences demandés en suivant la trame narrative sans un degré de complétion obligatoire à atteindre (concernant les collectibles). Les observations seront faites lors du dérushage des séquences et ce, de manière chronologique. Certaines parties des rushs pourront être agencées de sorte à représenter des situations similaires. Les séquences ont déjà été jouées plusieurs fois chacune avant la captation mobilisée pour cette recherche. Le joueur (Esteban Grine) est donc déjà compétent pour appréhender les Uncharted. Seule la captation du jeu est envisagée. 
Calendrier, Equipes et références (si besoin, ici j’étais seul)
L’intégralité des productions ont été réalisée par Esteban Grine. Les captations ont été réalisée le dimanche 5 avril 2019.
Livrables : ce qui sera produit à l’issue de production du matériau
Les captations concerneront les débuts de chacun des jeux définis par le démarrage d’une partie en difficulté « explorateur » jusqu’au moment où Nathan Drake obtient la carte (ou l’objet autre) lui révélant l’emplacement du trésor dont la découverte est l’enjeu principal du jeu. La séquence captée s’arrête une fois que les protagonistes principaux se sont mis d’accord pour partir à l’aventure. Concernant les trois premiers épisodes de la série Uncharted, ceux-ci ont été parcouru dans leur version remastered sortie sur ps4 (2015).
Budget & conflits d’intérêt (si besoin)
Le budget total des captations a été d’environ 60 euros payés sur fond propre. Les personnes en charge des captations n’ont pas participé à la création et la diffusion des jeux vidéo.

Clairement, il s’agit là d’un projet de captation précis qui n’est pas forcément nécessaire à toutes les situations que nous pouvons rencontrer. C’est aussi un format que l’on peut se permettre dans une thèse mais pas forcément dans un article scientifique puisque l’on se doit d’être concis vu la quantité de caractères généralement autorisée (30 000 signes en général). Par exemple, dans un papier à paraitre j’ai écrit :

Pour cet article, XXX a été parcouru de deux façons. Premièrement en ligne droite : nous avons suivi la trame principale du jeu sans nous préoccuper des récits annexes. XXX est un jeu mettant l’emphase sur les discussions que XXX peut avoir avec XXX : narration par des dialogues, textes multiples sur XXX, etc. Lors du second parcours du jeu, nous avons donc systématiquement discuté avec l’intégralité des PNJ lors des temps d’exploration de sorte à révéler l’ensemble des récits annexes. Dans le but de dévoiler le plus possible XXX, nous avons systématiquement opté pour les lignes de dialogue entrainant une réponse explicative de la part du ou des PNJs participants (inférence, questions, etc.). (Giner, 2019, à paraitre)

Cependant, la présence d’une structure permet au lecteur de mieux appréhender les raisons et les façons dont ont été joués les jeux d’un corpus. Par exemple, dans les deux propositions que j’ai partagées ici, à chaque fois sont précisées les conditions et les perspectives de l’acte de jouer et cela permet de rendre l’ensemble cohérent par rapport à la problématique que j’ai posée. Etant donné que je veux constater les approches et les pratiques pédagogiques de Uncharted, je n’ai pas besoin de m’assurer d’un degré total de complétion. Cependant, le second cas nécessite un haut degré de complétion et je peux le prouver avec l’existence de ces captations.

Finalement, l’important ici est d’avoir un document permettant de révéler les conditions de production de ce qui servira de matériau d’étude pour la suite de la recherche. Cela n’empêche alors pas de prendre en compte de nombreux paramètres en fonction des différents supports de captations et les erreurs qui peuvent en découdre.

Erreurs et mauvaises manipulations, quid du setup ?

Dans cette partie, il s’agit surtout pour moi de résumer quelques conseils et bonnes pratiques. Il n’est donc plus question ici d’une méthode particulière de « projet de captation » mais vraiment : « que fait-on une fois devant la console ? »

Pour faire ces captations de Uncharted, j’ai uniquement mobilisé la fonction share de ma console Playstation 4. Cela n’empêche pas que de nombreuses questions restent en suspens. Une des interrogations qui peut émerger concerne tout d’abord ce qui est capté : ne faut-il que capter ce qui est en jeu ou faut-il aussi capter le méta-jeu comme par exemple l’obtention d’un succès ? Je n’ai pas de réponse immuable ici mais on peut faire clairement l’hypothèse que certaines recherches nécessitent l’un ou l’autre. On peut dans tous les cas paramétrer les notifications via les options de la playstation.

De même, il est important de déterminer avec quelles métadonnées joueur·euse·s nous jouons. Par exemple, pour Uncharted, j’ai créé un compte « Grine Recherche » qui ne possédait aucune donnée ou sauvegarde, de sorte à faire comme si je n’avais jamais joué au jeu (et ainsi obtenir les succès lorsque j’effectue les actions afférentes). En effet, recommencer une nouvelle partie sur mon compte perso m’aurait empêché par exemple de savoir à quel moment j’obtiens un succès (peut-être déjà obtenu dans une partie antérieure). La problématique devient plus épineuse sur Steam étant donnée la difficulté de partager des bibliothèques. Cependant, une « famille » au sens de steam permet de répondre à cette problématique. Pour les captations PC, je recommande clairement l’utilisation d’OBS qui est libre et probablement l’un des logiciels les plus puissants pour faire ce type de productions.

Pour ce qui concerne la captation effective sur PS4, il peut être pertinent de toujours avoir les sous-titres car (1) la diffusion d’un extrait peut se faire sans son (on connait tou·te·s les déboires d’un problème technique en colloque) et (2) pour un soucis d’accessibilité tout simplement.  Dans le cas où vous n’avez besoin que de certaines séquences précises, le mieux est d’utiliser l’outils « ciseaux » de la console qui simplifie clairement le travail une fois sur PC. Pour rappel aussi, la fonction d’enregistrement redémarre à chaque pression du bouton share donc à chaque fois que l’on appuie dessus, il est nécessaire d’enregistrer la séquence vidéo au risque de la perdre dès que l’on quitte son menu. Il est aussi important d’avoir des mouvements de caméras les plus smooth possible de sorte à pouvoir réutiliser au mieux les captations. Par exemple, je vais avoir besoin de faire des captures de frames à partir de mes captations de Uncharted et des mouvements rapides de caméra rendent l’ensemble brouillon lorsqu’il y a trop d’action. Reflexe important : il est nécessaire de désactiver l’option HDR pour être sûr (1) d’avoir un rendu correct et (2) pour que vous en tant que joueur·euse·s ne soyez pas face à une situation incompréhensible à cause de l’assombrissement causé par l’option.

Je souhaite aborder un dernier point à savoir : « quelle est la place du joueur ou de la joueuse dans la captation ? » Il s’agit là d’une question particulièrement complexe étant donné qu’à ce moment, on modifie clairement la captation autant dans ce qui est observé que par sa mise en scène. A ce jour, je ne connais sur PS4 que la fonction streaming qui permet de manière native à capter la figure du joueur ou de la joueuse via une webcam (en plus du tchat). Pour les sessions de jeux que j’ai personnellement captées, j’ai mobilisé les deux types (avec ou sans captation du joueur ou de la joueuse). Encore une fois, c’est une question à adresser dans le projet de captation mais à laquelle il est nécessaire d’avoir une réponse.

Esteban Grine, 2019.


Bibliographie

Alami, S., Desjeux, D., & Garabuau-Moussaoui, I. (2009). Les méthodes qualitatives. Consulté à l’adresse https://www.cairn.info/les-methodes-qualitatives–9782130535270.htm
Audureau, W. (2018, février 11). Dans le futur, la mémoire des jeux vidéo sera-t-elle sauvée par les youtubeurs ? Consulté à l’adresse https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/02/11/dans-le-futur-la-memoire-des-jeux-video-sera-t-elle-sauvee-par-les-youtubeurs_5255094_4408996.html

Vulgariser ses recherches sur twitter

Alors, je n’avais pas du tout prévu d’écrire à ce sujet. Je vais donc tenter de faire le plus court possible pour conserver les quelques idées que j’ai et que je souhaite partager.

A la suite de mon intervention à la cyberbase de Bron (à côté de Lyon), j’ai entrepris de résumer cette communication de popularisation sur twitter. A ce sujet, mes modèles sont Laurence De Cock et Mathilde Larrère que je suis depuis un long moment maintenant. J’ai même eu l’occasion de discuter avec Mathilde une fois et ce fut le moment où elle me partagea sa méthodologie : tout simplement prérédiger les tweets dans un document word ou autre et une fois que l’intégralité du thread est prêt, le publier dans son intégralité.

Tout cela est donc très simple et c’est ce que j’ai fait avec le thread ci-dessous. Faire cet exercice m’a fait réaliser deux choses. La première est qu’il s’agit d’un exercice très intéressant pour valoriser ses recherches mais aussi pour laisser une trace d’une intervention. L’intégralité des tweets que j’ai publié pour cela comprend 1 267 mots pour à peu près 8 000 signes (espaces incluses). Voilà une donnée plus qu’importante : faire un thread sur twitter vaut une quantité quasi égale à un véritable texte de communication (d’un format de vingt minutes).

C’est immense lorsque l’on réalise cela. Aujourd’hui, je peux immédiatement reprendre mon document word pour en faire par exemple : un texte (comme cela avait été le cas lorsque j’avais publié un article d’Haronnax de la chaîne des Chroniques Du Désert Rouge), une nouvelle communication, un fil conducteur d’une vidéo ou d’un podcast.

La deuxième chose que cela m’a fait réalisé est la suivante : il est possible de faire l’inverse. D’abord préparer son thread, pour organiser sa pensée, pour ensuite organiser sa communication. Le fait que les contraintes de twitter sont tellement fortes (nombre de caractères entre autres) fait que cela oblige à fortement structurer une pensée, un développement.

Le problème majeur de cela est que cela s’inscrit dans un format qui ne privilégie pas le côté scientifique. On est clairement dans la même critique faite à la pensée powperpoint sauf qu’elle se nomme ici la pensée twitter. Donc à titre personnel, je ne pense pas privilégier cette méthodologie pour des communications scientifiques. Clairement.Cependant, avoir vu se thread partagé, repris et diffusé me conforte dans l’idée qu’il s’agit-là peut-être d’un levier intéressant dans la popularisation de mes travaux.

Esteban Grine, 2018.



Des game studies façon BINGO ! Retour d’expérience d’une journée de formation

J’ai organisé le 17 janvier 2018 ma première journée de formation en dehors du cadre de mon emploi. Pendant 6 heures de formation, j’ai pu discuter avec une quinzaine d’enseignants chercheurs sur l’utilisation des jeux dans des contextes pédagogiques. Pour ce faire, j’avais organisé l’ensemble en trois parties : une première au format « conférence », une deuxième permettant aux enseignants de jouer en prenant des notes et dernièrement, une session de création de scénarios pédagogiques ayant des jeux pour supports. Je prends donc le temps de raconter cette première journée afin de laisser une trace à un moment donné de ce qu’il s’est passé, de la façon dont je l’ai préparée et la façon dont je l’ai vécue.

De la conférence au bingo

Avec les organisatrices des journées de formations dans laquelle la mienne s’insérait, nous avons défini un cahier des charges avec un ensemble d’objectifs pédagogiques auxquels je devais me tenir. J’avais donc une responsabilité pédagogique auprès des enseignants participant et une responsabilité contractuelle. Les deux premières heures étaient donc consacrées à la transmission d’un savoir théorique sur les jeux. Mes engagements étaient de proposer un état de l’art des game studies. Plutôt qu’un traditionnel « Play » VS « game » ainsi qu’un faux débat sur la narratologie et la ludologie, j’ai opté pour une présentation du débat entre catharsis et apprentissage social. J’ai ensuite proposé un historique des relations entre jeux vidéo principalement et utilisations pédagogiques. Cela m’a permis de faire un crochet par les ludiciels des années 1990 avec Adi et Adibu. J’ai par la suite enchainé avec des formes de serious games (l’extraordinaire PepsiMan notamment !) jusqu’aujourd’hui où l’on pense plutôt les jeux comme support de scénarios pédagogiques.

Après cela, Je m’étais engagé à transmettre des connaissances sur la posture de l’accompagnateur ou de l’accompagnatrice lors d’une activité pédagogique mobilisant un jeu. Cela comprend notamment l’importance d’analyser les game designs et les gameplays des jeux de sorte à déterminer les situations potentielles d’apprentissage qu’ils contiennent ainsi que les événements d’apprentissage. Pour expliquer tout cela, j’ai eu la possibilité de présenter une courte séquence d’Undertale (Fox, 2015) dans laquelle Toriel explique au joueur ou à la joueuse le système de combat. Cette situation contient plusieurs événements, j’en ai identifié trois : 1/ une phase de transmission-réception 2/ une phase d’expérimentation et 3/ une phase de restitution.

Sans poursuivre dans les détails, ces deux premières heures se sont bien déroulées. Cependant, il convient de revenir maintenant sur la méthode que j’avais employée pour scénariser mon contenu. Ainsi, plutôt que de proposer un contenu linéaire dans lequel tout est prévu selon une chronologie unique, je me suis plutôt inspiré des « bingos conférences » d’Alexis Blanchet, notamment celle qu’il a réalisée avec Mathieu Triclot, Ginger Force et mea. J’ai donc préparé un support de formation avec une vingtaine de diapositives toutes reliées les unes aux autres par des liens hypertextes. Les règles étaient simples, un ou une participante pioche un numéro, celui-ci fait référence à une diapositive. Une fois arrivés sur ladite diapo, nous réalisons ensemble l’activité qui peut être : (1) une transmission de ma part d’un contenu théorique, (2) une activité à réaliser de manière collective comme un débat, (3) une analyse d’un jeu (monopoly, « papers, please », trivial pursuit, Undertale, etc.) ou (4) une citation à discuter.

De manière générale, cette façon de scénariser un contenu pédagogique nécessite un équilibrage. J’ai eu pendant mon intervention une remarque me demandant si la structuration de la séance était vraiment aléatoire ou s’il s’agissait simplement d’un voile d’ignorance cachant une structure linéaire. Sur le coup, j’ai botté en touche pour maintenir l’intérêt. Si le contenu avait vraiment été linéaire, l’équilibrage n’aurait pas posé de problème. Or, le format de « bingo-formation » entraine une part de risque de mon côté puisque je ne savais pas de quoi j’allais parler ou de la façon dont j’allais animer une séquence ainsi qu’une part de risque du côté de mon public : allaient-ils repartir avec l’ensemble des objectifs pédagogiques atteints ?

Sur la vingtaine de diapositives prévues, nous n’en avons finalement parcourues que sept. Je devais donc m’assurer que l’intégralité de mon propos et des apprentissages incontournables soient abordés, peu importe la diapo. Il me semble que c’est un exercice que j’ai réussi. Par contre, j’ai l’impression de ne pas être tombé sur des situations véritablement variées. Nous avons fait finalement beaucoup d’analyses de cas. De même, nous n’avons pas eu l’occasion de lire de citations. De même, nous n’avons pas eu l’occasion de jouer effectivement à des jeux afin de les étudier ensuite. Tout cela m’amène à penser qu’il est nécessaire que je revois l’ensemble de mon support afin de rééquilibrer les différentes activités entre elles. A posteriori, je pense qu’il sera nécessaire que je diminue le nombre d’études de cas en remplaçant certaines par des citations ou d’autres types d’extraits.

Cependant, comme je le disais plus haut, peu importaient véritablement les diapositives et les activités pourvu que j’atteigne les objectifs fixés en amont. C’est pourquoi finalement le support n’est resté qu’un support. Par contre, cela a généré un nouveau stress puisque régulièrement, je devais vérifier avoir présenté les éléments incontournables. Cela a donc réduit aussi l’importance du support par rapport à mon propos ainsi que par rapport aux activités.

Jouer puis détourner

L’après-midi a été consacré cette fois aux jeux, entièrement. Pour cela, j’ai scindé cette demi-journée (4 heures) en deux parties. La première permettait aux enseignants de jouer et la seconde avait pour objectif de créer des scénarios pédagogiques. Les deux premières heures ont donc été structurées de la façon suivante : environ 1H30 de jeu sérieux puis trente minutes de debrief collectif. Lorsque j’évoque « jeu sérieux », je fais plutôt référence à la posture ludique demandée et non aux objets en eux-mêmes. J’avais transmis des fiches d’analyse de jeux permettant d’identifier des objectifs pédagogiques observables, les éléments ludiques qui s’y rapportent et sa les événements d’apprentissage qui caractérisent la situation pédagogique. Pendant ce temps-là, il y a donc eu trois groupes d’enseignants en train de jouer à Paper Tales, Sushi Go, Dixit mais aussi Human Ressources Machine. Lors du compte-rendu collectif, chacun des groupes a avancé des observations faites sur les jeux. J’ai été très content de voir les retours et les propositions d’observation. Par contre, il aurait mérité que je prenne plus de temps dans l’explication de la méthode d’analyse afin de ne pas gêner les enseignants lorsqu’il fallait remplir les documents.

Pour la dernière partie de la journée, j’avais prévu des problèmes à résoudre. Sommairement, les enseignants étaient missionnés pour « aider un·e collègue à résoudre un problème qu’il ou elle rencontre dans sa pratique » ; Pour ce faire, les enseignants devaient proposer des scénarios pédagogiques utilisant un ou des jeux comme support. Nous avons donc eu l’utilisation du Dixit pour la création d’un cours de langue, Human Ressources Machine pour des cours d’initiation à la logique algorithmique, la création d’un escape game pour la maitrise d’un système de recherches bibliographiques pour une bibliothèque universitaire, etc. Bref, cela permettait de prendre en compte les enjeux de l’utilisation des jeux dans un contexte pédagogique en pensant aussi l’attitude que doit avoir l’accompagnateur ou l’accompagnatrice. Cela permettait aussi de resituer les jeux pour ce qu’ils sont : des supports. Les enseignants devaient ensuite, à leur tour, présenter le problème et la solution imaginée. Les discussions qui suivirent étaient vraiment passionnantes.

Pour terminer

Voilà donc la façon dont j’ai géré cette première journée de formation que j’ai menée en totale autonomie du début à la fin. Il s’agit d’un premier jet nécessitant des ajustements mais nul doute que cela a plutôt bien fonctionné. Je suis aujourd’hui en train de rédiger un support post-formation qui sera envoyé à l’ensemble du groupe ayant participé à ma journée. Celui-ci comporte l’ensemble des diapositives commentées et augmentées de ressources ainsi que d’une bibliographie plus complète. J’ai hâte de voir la suite et j’espère pouvoir à nouveau organiser ce type de format. ■

Esteban Grine, 2018.

Le protocole des Sessions Innocentes

Les Sessions Innocentes sont une série que j’ai démarrée le 19 mars 2017 et qui s’inscrit dans le cadre de mes recherches. Pour mes travaux, j’ai besoin de réunir des données sur des personnes jouant à des jeux vidéo. Je m’intéresse particulièrement aux enjeux pédagogiques des jeux vidéo qui ne sont pas forcément prévus pour cela. Ainsi, j’exclue de mon corpus tous les serious games pour me concentrer principalement sur les jeux expressifs. Les jeux expressifs sont un méta-genre vidéoludique qui se concentre plutôt sur le ou les discours des jeux vidéo. Le concept a débord été développé par Sébastien Genvo (2013, 2016) et inspira d’autres notions comme par exemple les « jeux du réel », concept utilisé par certains développeurs. Si ces jeux n’ont pas pour volonté de convaincre le joueur, mais plutôt de lui faire ressentir une expérience (de vie par exemple), alors, ces jeux rentrent dans la définition que je donne des concepts.

Ainsi, afin de tester les différentes hypothèses que je développe, je mets en place plusieurs terrains de recherches dont un : les sessions innocentes. Celles que vous pouvez voir sur ma chaîne me permettent de travailler ma méthode de recherche qui s’inspire globalement du thinking aloud protocol. Je demande à mes participants de formuler à l’oral tout ce qu’ils voient et ce qu’ils font. L’objectif de cette méthode est de les forcer à adopter une posture réflexive : ils analysent leurs comportements en même temps qu’ils agissent. Aussi, ces vidéos  me permettent de constituer ce que l’on appelle un « corpus exemplatoire ». Cela signifie que de base, j’assume de ne pas réunir un échantillon représentatif de quoi que ce soit mais que les éléments le constituant me permettront d’illustrer mes propos lors d’une réflexion hypothético-déductive (dans ce type de réflexions, j’émets un ensemble d’hypothèses que je solidifie avec des exemples). Cette méthode peut faire émerger certains biais cognitifs, c’est pourquoi je fais très attention lorsque je l’emploie.

Suite à la publication de la première session innocente, j’ai eu de très nombreux retours positifs dont certaines personnes qui proposaient de réaliser elles-mêmes ce type de vidéo, me servant ainsi de matière première pour mes recherches. J’en suis extrêmement heureux, c’est génial de montrer que la communauté (si elle existe) s’intéresse aussi à des personnes qui ne jouent pas, ou très peu à des jeux vidéo. Cependant, il faut aussi que ces vidéos soient réalisées avec une certaines méthodes pour qu’elles soient pertinentes. C’est pourquoi dans cette article je vais développer la méthodologie que j’applique et qu’il faudra reproduire ainsi que des éléments techniques à destinations des futurs réalisateurices.

Méthodologie d’entretien

Les sessions innocentes sont des entretiens semi voire non-directifs menés en observation participante. C’est-à-dire que la personne qui mène l’entretien n’influence pas la direction de l’entretien en fonction d’un thème précis. Il est uniquement là pour observer et relancer la personne qui joue, éventuellement pour approfondir la pensée du ou de la joueuse. Voici un petit guide de la façon dont il faut mener l’entretien

  1. Installer le matériel
    1. s’il s’agit d’un jeu sur smartphone, il faut filmer l’écran du smartphone avec une caméra ou un appareil photo de sorte à aussi voir les gestes effectués, les mains.
    2. Idéalement, une deuxième caméra est installée de sorte à aussi filmer le visage de la personne. Si cette dernière refuse d’être filmée, il ne faut conserver alors que la caméra filmant les mains et les actions du ou de la joueuse.
    3. Pour tout autre jeu, idéalement, il faut une captation de l’écran de jeu. Vous pouvez en faire des simples avec des outils comme OBS ou encore Fraps bien que j’ai clairement une préférence pour OBS.
    4. L’ensemble des captations doivent être au minimum en 720p (soit un cadre de 1280 par 720p).
  2. Démarrer l’enregistrement.
  3. Énoncer clairement les consignes et s’assurer que le ou la joueuse les ait bien comprises. Les consignes sont les suivantes :
    1. « Tu/vous doit/devez énoncer tout ce que tu/vous vois/voyez à l’écran. »
    2. « Tu/vous doit/devez énoncer tout ce que tu/vous fais/faites. »
  4. A aucun moment vous ne devez prendre l’initiative sur la prise de parole.
  5. Vous avez le droit d’aider le ou la joueuse mais uniquement sur sollicitation de ce ou cette dernière.
  6. Vous ne devez jamais influencer l’itinéraire du ou de la joueuse, c’est lui ou elle qui a la manette (ou le clavier), vous ne devez jamais indiquer les objectifs à suivre. Si le ou la joueuse vous questionne sur un élément et son utilité, vous pouvez lui répondre. Cependant, vous devez d’abord lui demander si elle comprend ou pas cet élément. A l’issue de sa réponse, vous pouvez lui demander si elle souhaite que vous lui expliquiez totalement l’élément, si il ou elle répond par l’affirmative, alors, seulement, vous pouvez lui expliquer l’élément concernant (dans tous ses détails).
  7. A la suite de la session, vous pouvez tenir un entretien avec le/la joueuse afin de la questionner sur son/ses comportements. Une bonne façon de procéder, par exemple, est de lui recontextualiser une action qu’elle a faite puis de lui demander pourquoi elle l’a faite.
  8. Une fois que vous avez récupéré l’ensemble des rushs, il faut que vous fassiez le montage de la vidéo finale. Celle-ci doit montrer l’écran du/de la joueuse et sa personne en train de jouer de manière synchronisée. Je vous conseille, au début de l’enregistrement, de faire un clap. Je créerai peut-être un jingle que je mettrais à disposition de la communauté pour que vous puissiez l’utiliser avec la charte graphique des SessionsInnocentes ainsi que vous inclure en tant que créateur dans le cadre du projet élargi 😀

La Charte Graphique

J’utilise la police « Lato » pour les titres, principalement ses variantes, « light » et « black ». Je vous invite à utiliser les intros suivantes pour vos vidéos :

Vous pouvez les télécharger ici : liens des sources

Et après ?

Vous avez une totale liberté sur le titre de votre vidéo bien sûr mais je vous demande d’ajouter le  » – Session Innocente « . Aussi, je vous prie de bien vouloir ajouter un lien vers ma chaine youtube ainsi que vers mon site chroniquesvideoludiques.com car, mine de rien, cela me ferait plaisir et gagner en visibilité (concernant ce projet). Une fois que vous avez publié votre vidéo, contactez moi via Twitter (@EstebanGrine) ou Discord (celui de la revue LCV) pour me signaler son existence et je tâcherai de constituer une base de données de toutes les Sessions Innocentes (sous la forme d’un recueil sur le site) 😀

N’hésitez pas à me poser des questions si il persiste une zone de flou dans les commentaires de cet article. ■

Esteban Grine, 2017.