The Last of Us est un jeu qui propose à son joueur une quête de rédemption d’une génération humaine auprès de la suivante. Une forme de lettre d’excuse pleine de fautes.
Comme si l’on prenait conscience que notre système ne permettait pas aux générations futures de vivre. Une fois la catastrophe survenue, l’enjeu est de savoir comment redonner espoir et décence à nos enfants.
Pour illustrer cela, le jeu nous propose d’incarner Joël, parent qui lors des premières émeutes perd sa fille. Le jeu construit alors une relation entre ce père et une enfant, Elie, qui progressivement deviendra fille adoptive.
Il y a donc d’abord un échec puis une réussite. La première descendance meurt, la seconde survivra. Cela est nécessaire afin d’expier nos péchés, pour employer le champ lexical du théisme dont les prénoms Joël et Eli sont issus.
Le game design doit donc nous faire ressentir la chute de la civilisation humaine puis son renouveau et ce, à travers une focale faite sur la relation entre Joël et Elie. Pour illustrer cela, le jeu nous fait vivre en tant que joueur toute une série d’événement mais nous n’allons retenir ici que l’introduction et la conclusion du jeu car ce sont les plus intéressants en termes de construction narrative puisqu’elles sont bâties en miroir.
Au début du jeu, vous incarnez Sarah, fille de Joël et symbole de la génération sacrifiée. Il fait nuit et nous évoluons dans un espace clos.
Joël dit la vérité à Sarah et donc au joueur : il faut fuir. Puis séquence en voiture avec la radio qui permet de situer les événements.
Ensuite, Sarah étant blessée, Joël doit la porter pour s’échapper des humains contaminés.
Sarah meurt. Elle est l’allégorie de l’humanité et de l’espoir que Joël, incarnation de la civilisation, n’a pas su protéger.
Cette introduction illustre la déchéance de l’humanité. La conclusion du jeu est l’exact opposée.
Elie, fille adoptive, est retrouvée endormie.
Puis vient une séquence durant laquelle Joël doit la porter pour fuir les humains cette fois.
On retrouve ensuite Joël et Elie en voiture, cette fois avec un flashback qui nous explique ce qu’il s’est passé pendant la courte ellipse vécue.
Enfin, le joueur incarne de nouveau l’enfant devenant adulte, nouvelle génération dans ce monde qui a vécu très longtemps sans enfant. Il fait jour, et nous évoluons dans la nature. Elie n’est plus l’allégorie de l’humanité.
Joël ment à Elie sur les événements qui se sont déroulés pendant sa perte de conscience et donc au joueur : S’il y a une nouvelle civilisation après l’épidémie, celle-ci sera bâtie sur des mensonges, nécessaires ou peut-être pas.
The last of us est un voyage en occident, une recherche d’un monde meilleur mais celui-ci ne sera pas le monde qui a été connu. Le message est clair et expéditif. Il n’y a pas de retour possible. Il faudra vivre avec hontes et regrets mais l’on vivra.
La construction en miroir de l’introduction et de la conclusion du jeu nous fait passer par la déchéance pour le renouveau mais celui-ci n’est pas un retour à l’origine, juste un nouvel équilibre. ■
Esteban Grine, 2017.