Attention ! Cet article est semi-scientifique ! Pour le citer : Grine, E., 2017. Le flow et ses représentations chez les joueurs. Les Chroniques Vidéoludiques.
Le flow et ses représentations chez les joueurs
Le concept de flow, utilisé pour la première fois par Mihaly Csikszentmihalyi définit une situation mentale des individus faisant corps avec leur activité. Il y aurait donc une forme de totale immersion doublée d’une intense conscientisation du moment vécu par le sujet durant son activité pour reprendre la théorie des moments de Lefebvre et Hess. Dans le sport, des phénomènes similaires ont déjà été étudiés et durant lesquels les athlètes témoignaient de moments conscients et inconscients en même temps. Dans The concept of flow (2014), Csikszentmihalyi et Nakamura présente le moment de flow comme un moment durant lequel un individu est totalement dédié à son activité tout en faisant preuve d’une motivation absolue pour s’assurer la réussite.
Ainsi, doté d’une définition plutôt permissive, les applications du flow se retrouvent dans de nombreuses disciplines sportives, ludiques, managériales et même politiques. Dès lors, ce concept nous interroge car son manque de précision lui permet d’être applicable dans de nombreuses et multiples situations. De même, d’autres disciplines que la psychologie positive (dans laquelle le flow s’inscrit) ont déjà largement théorisés sur des mécanismes présentant de fortes similitudes. Ainsi, par exemple, Hess a grandement participé à la construction d’une « théorie des moments » durant lesquels, un agent devient conscient et capable de percevoir l’intégralité de son environnement afin de dédier son entière concentration à une activité. Il prend notamment l’exemple de la tenue d’un journal intime, moment durant lesquels le rédacteur intériorise et conscientise son environnement. En microéconomie orthodoxe, les agents économiques agissent dans leur propre intérêt et nourrissent le mécanisme de « la main invisible », métaphore employée par Smith (1776) signifiant alors une préférence de la demande intérieure pour l’offre intérieure avant l’offre internationale, puis dévoyée par les néo-classiques pour expliquer le mécanisme permettant l’équilibre du marché. En politique, le flow permet d’expliquer les mouvements des électeurs et a posteriori, permet de mieux comprendre pourquoi un candidat a été préféré à un autre. Lakomski-Laguerre et Longuet (2004) ont proposé, en s’appuyant sur la théorie de Schumpeter, des outils de compréhension sur les acteurs hommes et femmes politiques et la façon qu’ils ont d’imposer leur idées et l’idéologie de leur parti politique aux électeurs. Il s’agit donc d’inscrire ces derniers dans une forme de flow dont ils ne sortiront pas jusqu’au jour de l’élection.
Au travers de ces quelques exemples, nous avons montré que cette notion est beaucoup employée et ce, pour de nombreuses disciplines, impliquant alors de nombreuses personnes professionnelles ou amatrices qui la mobilisent dans leurs discours. Nous souhaitons donc proposer une observation générale sur l’emploi de ce concept et les notions, les idées qui lui sont rattachées et ce principalement par les joueurs et les joueuses de jeux vidéo. Le terrain que nous avons mené permet aussi d’illustrer les réactions lorsqu’une personne emploie ce concept à un autre phénomène et les réactions qui surviennent. En l’occurrence, la production vidéo qui fut commentée propose une transition brutale entre le flow appliqué au jeu vidéo et lorsqu’il est mobilisé dans un discours philosophique ou politique. Il sera donc intéressant d’illustrer les réactions de cette transposition afin de caractériser les postures des joueurs ayant reçu ce message. Notre conclusion, ouverte, prendra la forme d’une liste commentée permettant de situer toutes les caractéristiques constituant le flow.
Méthodologie
Afin de mener cette recherche, nous avons mis en place une proto-méthode de recherche-création. Nous nommons cela une proto-méthode puisque la détermination de cette méthode est venue a posteriori de la création. Nous faisons donc plutôt un usage détourné d’une création vidéo et n’avons pas, dans la conception de cette vidéo, pensé de manière explicite une procédure de recherche. Formalisée de la sorte, il sera donc important de prendre en compte cette première limite dans notre réflexion. Deuxièmement, les commentaires extraits de cette vidéo ne constituent pas non plus un échantillon représentatif des différents profils sociologiques des joueurs de jeu vidéo. Nous pouvons cependant supposer qu’il s’agit plutôt d’un profil homme (94% de la communauté est genrée masculine entre 18 et 34 ans et habitant en France) ayant atteint un niveau licence ou master.
Les données permettant d’établir cela sont émises par YouTube et transmises au propriétaire de la chaîne hébergeant la vidéo concernée. Nous avons procédé par dépouillement des commentaires, lectures complètes et réponses ou compléments d’information. Si une discussion s’engage, nous y avons participé jusqu’à épuisement du ou des intervenants. Enfin, nous avons recensé les commentaires entre la publication de la vidéo (le mercredi 5 juillet 2017) et le dimanche 9 juillet 2017 matin. L’intégralité des commentaires est accessible en annexe du présent document. Nous n’avons exclu aucun commentaire même lorsqu’ils ne présentaient aucune réaction par rapport au contenu de la vidéo. Enfin, nous avons organisé notre synthèse selon des grands thèmes sur lesquels les commentaires reviennent fréquemment.
Résultats de la recherche
Qui déclenche le flow ? Le game design a-t-il pour finalité le flow ? L’éthique du flow ?
Les personnes ayant commenté la vidéo semblent plutôt dans la discussion pour répondre à ces questions. Tout d’abord, le discours concernant les développeurs concernant leur potentielle prétention à susciter voire imposer le flow est globalement rejeté. Le développeur du jeu est associé à une représentation plutôt positive et humble ce qui va à l’encontre des propos tenus dans la vidéo.
Si je souhaitais clairement attaquer afin de faire réagir concernant le développeur, il semble qu’il y a eu en parallèle un message involontairement véhiculé par la vidéo : le flow serait une finalité à atteindre. Malgré cette externalité, les personnes ayant commenté ont pu prendre la parole sur justement cette recherche du flow. Il apparait alors que selon les réponses obtenues, le flow n’est pas un état mental à atteindre mais plutôt quelque chose d’inhérente à l’activité vidéoludique. Ainsi, le flow peut alors être considéré comme un moyen servant d’autres objectifs, soit définis par le game designer soit définis par le joueur. De même, le flow est tant que tel n’est pas une notion particulièrement perçue comme négative. Cependant, il est intéressant de remarquer que certains commentaires illustrent un déclic chez leurs auteurs lorsque le flow est appliqué à autre chose que les jeux vidéo, notamment concernant le caractère politisé de la vidéo. Nous préférons considérer ce constat de manière délicate puisqu’il peut s’agir d’un transfert du dogme proposé dans la vidéo. Cependant, d’autres commentaires ont salué le parti pris de la vidéo puisque cela leur a permis d’interroger la notion puisque celle-ci était alors considérée comme fréquente dans les discours actuels sur les jeux vidéo.
De même , nous considérons le commentaire de « Plein Les Pixels » particulièrement éclairant sur ce sujet : « Certains ont décrété que le JV devait être ceci ou cela, plaisir, mécanique, réflexe, effort, statistiques, investissement long terme ou casual, passivité ou activité artificielle etc. et ça me semble rare (quoique important et précieux) d’interroger ce que tel ou tel modèle dominant ou concept créatif peut cautionner, sur quoi il peut s’aligner, chercher dans quel sens il ‘‘marche’’ ». D’autres commentaires ont particulièrement critiqué cette façon d’interroger l’éthique sous-tendant cette notion. Ainsi Ibx7994 écrit : « tu extrapole de façon absolue sur l’utilisation du flow par ce consortium manipulateur qu’est le grand capitale… Et enfin tu mets de façon ni argumentée ni nuancée tes opinions politiques dans la balance. Bien sûr tes opinions se défendent et bien sûr tout est politique. Mais il y a une différence entre analyser, étudier et expliquer et faire passer ses opinions politiques à la gaveuse sous couvert de parler de jeux vidéo… Ta vidéo est sans nuances, bornée, étroite d’esprit, égocentrique… c’est une honte ». Nous interprétons ce commentaire comme celui d’un joueur (ou d’une joueuse) particulièrement attaché·e à ne pas faire de lien entre le JV et d’autres objets d’études. Cela nourrit notamment la représentation d’échappatoire du jeu vidéo, objet dans lequel les joueurs peuvent s’extraire de leur condition, de manière totalement détachée du monde « réel ». Un autre commentaire étaie cette hypothèse. 2Bornot2B écrit : « le fait que tu donnes ton opinion sur les élections présidentielles, ça me perturbe plus qu’autre chose; je ne trouve pas ça comparable au jeux-vidéo (et ça semble même hors-sujet) ». Enfin, il est particulièrement intéressant de voir des parallèles se dresser entre la notion de flow appliquée au JV puis à des phénomènes plus proches de la vie des joueurs. Deyonnu met en rapport l’expérience de flow qu’il a ingame et dans son travail : « C’est vrai que je suis resté dans l’esprit « le flow dans le jeu vidéo » et ait donc ignoré ces autres facette (ayant moi-même un boulot en usine, je connais cet effet un peu trop bien, m’enfin pas au point de faire comme Charlie Chaplin xD). @Ebruof (ou Fourbe) Hum, je crois que j’ai compris la différence entre les deux, en effet, je parlais surtout de rester dans le rythme du jeu plutôt que de simplement faire une phase de « flow » ».
Immersion ou émersion dans le flow & la compétence du joueur
L’une des premières remarques qui ressort des commentaires concerne le fait que les moments de flow sont des situations agréablement vécues par les joueurs et joueuses. Ceux-ci considèrent avoir un fort degré de contrôle sur les situations vidéoludiques rencontrées. Certains remarquent qu’ils se sentent justement totalement libres, ce qui rentre en contradiction avec le propos de la vidéo. Un commentaire revient et cristallise pour nous une partie de la conception du flow. Meskimo555 évoque la symbiose qui définit cet état. « Etre dans le flow » serait donc proche d’une certaine confusion entre le jeu et le joueur, lorsque ces deux éléments sembleraient indissociables du fait de l’activité vidéoludique qui les comprend. Le flow est aussi parfois compris comme un état de transe durant lequel le joueur devient conscient de toutes ses actions en étant pourtant totalement immergé dans son activité. Bbbbbbbouli évoque cela dans son commentaire. Le moment de flow est selon son propos un moment durant lequel le joueur dépasse sa condition. Le paradoxe assimilant le flow à une forme d’hypnose revient alors au fait d’une compression du temps passé à jouer : l’on ne s’apercevrait alors plus du temps qui passe et ce n’est qu’à la sortie d’un moment de flow que nous comprendrions alors que nous avons vécu une forme d’ellipse. Malgré cela, le commentaire de Campanellaa est très éclairant sur cette dualité : « c’est d’ailleurs pour ça que je ne parlerais pas tout à fait de pilotage-automatique, il y a tout de même une certaine agentivité qui reste, mais celle-ci est perçue comme accentuée, plus forte parce que la capacité d’exécution des tâches est accentuée par le flow ». Ce qui semble central dans une grande partie des commentaires discutant le propos de la vidéo est le fait que pour leurs rédacteurs, le flow est lié à un engagement total mais conscientisé d’un agent dans son activité selon les commentaires reçus. Cependant, cela semble rentrer en conflit avec la pensée de Csikszentmihalyi et Nakamura puisque pour ces auteurs, la conscience de soi s’atténue voire disparait. Le rapport au temps est lui aussi intéressant dans le sens où il ne semble plus y avoir de latence entre l’action et le feedback pour celui qui vit l’expérience, là par contre, cela correspond à l’idée proposée par Csikszentmihalyi et Nakamura.
Le flow comme un espace d’apprentissage
A plusieurs reprises les commentaires mentionnent le flow comme une zone d’apprentissage. JustABaziKDude, mais aussi Kago Hyperbrother font un parallèle entre ce qu’ils vivent lors d’un jeu vidéo et l’apprentissage de la musique. Ces deux internautes mentionnent notamment le bonheur lié à la réussite et le fait d’avoir atteint objectif fixé à l’avance. Le flow pourrait alors émerger d’une situation d’apprentissage durant laquelle les apprenants ne reçoivent que des « feedbacks positifs » pour reprendre les termes employés par Kago. Il semble ici qu’il y ait cependant une juxtaposition du concept de flow avec d’autres concepts, notamment celui de la zone proximale de développement, développée par Vygotski en 1934. Ce concept définit la zone mentale dans laquelle un individu, lorsqu’il est accompagné, peut réussir les tâches qui lui sont demandées. Il semble donc qu’ici, le concept de flow soit peu clair sur sa définition. L’on pourrait supposer que les deux notions présentées peuvent fonctionner ensembles et indépendamment. Cela nous permettra de prendre en compte les situations de flow durant lesquelles nous ne pouvons pas constater d’apprentissage effectif.
Dès lors, il est donc plus intéressant de considérer les deux notions comme pouvant être présentes au même moment et que celles-ci peuvent avoir un certain degré de corrélation. Par contre, il convient de clairement énoncer que les deux notions peuvent aussi émerger de manière indépendante.
Quelles représentations associées aux jeux vidéo et quel flow correspondant ?
Cette question est particulièrement intéressante dans le sens où c’est en observant les genres présentés et évoqués dans les commentaires que l’on peut définir ceux qui seraient les plus propices. Par ailleurs, cela permet aussi de définir quels sont les éléments qui sont liés au flow. A la première lecture et selon les différents exemples mentionnés en commentaire, il apparait que les éléments narratifs, n’étant pas mentionnés, ne font pas partie des éléments déclencheurs d’un moment de flow. Au contraire, ce sont plutôt les interactions directes et les mécaniques de gameplay qui permettraient cela. Ainsi, les jeux mettant l’emphase sur une action frénétique sont plus revenus en exemple que les jeux accentuant la narration et la découverte du récit. Dès lors, il devient possible de dissocier les jeux en fonction du potentiel flow qu’ils peuvent susciter chez le joueur. Les genres qui reviennent dans les commentaires sont les suivants : les schmups, les jeux de combat en FPS, les jeux musicaux et les jeux mettant l’emphase sur le développement de réflexes chez le joueur et la rapidité des feedbacks. Ainsi, les jeux Touhou, Hotline Miami, les jeux de sports (Fifa notamment). Chacun des jeux évoqués nécessitent une assez forte réactivité. Il semble donc que le flow soit fortement lié, selon les commentaires recensés, à la rapidité de réaction des joueurs.
Cependant, cette représentation est fortement critiquable d’un point de vue scientifique et semble exclure trop rapidement d’autres facteurs déclencheurs potentiels de flow. Nous pensons notamment au fait qu’un joueur peut aussi se sentir dans le flow d’un visual novel alors que ce genre vidéoludique ne présente que très peu de situations demandant au joueur d’être rapide et réactif. L’une des pistes que nous pouvons envisager concernerait alors l’investissement émotionnel dans l’activité que le joueur mène. Nous supposons ici qu’un alignement serait alors nécessaire entre l’investissement émotionnel, la compétence du joueur et la compétence nécessaire. Ces trois éléments nous permettent de dégager alors plusieurs situations durant lesquelles le flow peut, ou non, émerger.
Situations desquelles le flow peut émerger dans le cadre des JV, E. Giner, 2017. |
Investissement émotionnel |
Compétence du joueur |
Compétence nécessaire |
Moment de flow |
Type de flow |
Fort |
Fort |
Fort |
Possible |
Immersif |
Fort |
Fort |
Faible |
Possible |
Automatique |
Fort |
Faible |
Faible |
Possible |
Immersif |
Fort |
Faible |
Fort |
Peu possible |
Frustrant |
Faible |
Faible |
Fort |
Très peu possible |
Automatique / résigné |
Faible |
Fort |
Faible |
Possible |
Automatique |
Faible |
Faible |
Faible |
possible |
Automatique |
Il semble important de mentionner que ce tableau n’est finalement que peu pertinent par rapport à l’usage initial du flow et cela semble rentrer en contradiction avec certaines représentations du flow de Csikszentmihalyi et Nakamura. Le flow véritable tel qu’il semble être présenté ne peut émerger que d’une situation où la compétence du joueur et le niveau de défi (la compétence nécessaire) semblent élevées.
Ce qui semble intéressant dans les commentaires est encore une fois la présence d’un paradoxe dans les représentations du flow. Il semble qu’il y ait une confusion entre l’état de relaxation et l’état de flow. Cette confusion peut notamment s’expliquer par le fait que les deux états se reposent sur la notion de bien-être. Cependant, les différentes qualifications que nous faisons du flow, bien que pouvant sembler d’aberrations pour les connaisseurs de la notion, montrent une difficulté cette fois propre au jeu vidéo. En effet, cette notion regroupe de nombreuses activités vidéoludiques qui possèdent chacune des particularités précises. Ainsi, il nous semble que la compréhension même du flow est limitée par la compréhension même et les limites cognitives que nous avons pour définir la notion de « jeu vidéo ».
Discussions sur l’association flow-conservatisme
L’association entre le flow et le conservatisme au niveau philosophique et politique a particulièrement été discutée en commentaire. Il semble tout d’abord important de rappeler que cette lecture du flow est défendue notamment par Ian Bogost (2016). Cette association d’idées a globalement bien été reçue dans les commentaires. De même, le ratio pouces bleu/gris de YouTube semble nous indiquer que d’une manière générale, la conclusion de la vidéo a plutôt bien été accueillie bien que la transition est considérée comme surprenante. Nous savions ce segment du contenu particulièrement sensible puisque nous associons une idée globalement positive et appréciée à une notion plutôt dépréciée, il nous semble, par la population ayant commenté cette vidéo. Sans que les commentateurs soient forcément d’accord, pour ceux qui ont rédigé un avis sur ce point, ils ont globalement été ouverts à la discussion.
Les commentaires négatifs ont particulièrement été vindicatifs comme déjà mentionné. Plus globalement que seulement les aspects politiques, il semble que le flow ne convienne pas forcément à toutes les sphères ou les phénomènes de la vie d’un individu. Dès lors, le rejet de l’application de ce concept à la vie politique illustre, selon notre interprétation, chez certains joueurs une volonté de dissocier l’activité vidéoludique de tout autre comportement qui pourrait avoir une volonté, ou du moins une teinte, politique. Un premier argument que nous acceptons et rédigé par Campanellaa concerne le fait que le flow et un moment qui s’applique uniquement à l’individu, ou l’agent, et l’appliquer à un phénomène plus grand serait un non-sens. Dès lors, appliquer le flow à un collectif, d’électeurs comme cela est fait dans la vidéo, ne serait pas possible. Cependant, nous modérons cela en énonçant des états similaires ont été constatés au niveau d’une équipe ou d’un ensemble. C’est le cas par exemple du group flow. Walker (2010) a notamment étudié cela et à travers une étude menée, a constaté des expériences de social flow. Dans ce type d’expérience collective, des individus indépendant et agissant dans leurs intérêts personnels profite du et participe au flow des autres. Il est à ce sujet très intéressant de dresser des parallèles avec l’économie classique et néoclassique puisque celles-ci font appel au mécanisme de la main invisible qui peut se constater effectivement de la même manière et dont la définition est proche.
L’enjeu que nous identifions ainsi ne concerne finalement plus vraiment alors l’échelle à laquelle le flow se situe. Au contraire, avec notre lecture des commentaires, nous interprétons que l’enjeu se trouve plutôt autour de l’intensité et de la temporalité d’une expérience de flow. Il semble qu’il s’applique à une période de temps plutôt restreinte et de manière constante mais l’interrogation que nous soulevons est de savoir si nous pouvons aussi considérer des moments variables en intensité comme faisant partie d’une même expérience de flow. Une fois ce travail fait, il devient alors possible de statuer sur différents phénomènes.
Conclusions
A l’issue de cette première recherche exploratoire sur les représentations que les joueurs attribuent au flow, il apparait que cette notion reste globalement vague sur les limites de sa définition. Cela a contribué à la multiplicité des utilisations qui en sont faites et ce, avec des définitions partielles, sélectives des éléments constitutifs du flow. Mais globalement et à partir des représentations qui ont été transmises dans les commentaires qui ont été dépouillés, nous pouvons apporter des éléments de conclusion (notre opinion personnelle apparait en parenthèse). Voici donc ce à quoi correspond l’idée du flow selon les personnes ayant répondu en commentaire de la vidéo :
- Le flow n’est pas une finalité du game design (en accord) ;
- Le flow est une situation de bien-être (en accord);
- Le flow est un moment durant lequel le joueur est immergé et conscient de sa situation (en désaccord) ;
- Le flow ne sous-entend pas forcément une situation de liberté d’action (en accord) ;
- Le flow est relatif à certains genres vidéoludiques (en désaccord) ;
- Le flow sous-entend une situation d’apprentissage (en désaccord).
Limites
Cette recherche s’est appuyée sur un corpus relativement maigre et issu d’une population non représentative. La présente étude doit donc contenir un certain nombre de biais, c’est pourquoi elle ne pourrait être envisagée autre que ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire une synthèse de commentaires avec discussion. Cependant, il convient de dire que pour la personne souhaitant approfondir ce sujet, ce travail illustre à son niveau la polysémie des représentations du concept de flow sans discuter la pertinence du concept lui-même tel qu’il a été défini par Csikszentmihalyi et Nakamura. Enfin, nous assumons le fait que nous proposons une critique du concept de flow ancrée politiquement, ce qui se constate dans les propos que nous tenons ici et dans la vidéo. Le lecteur devra donc tenir aussi de cela lorsqu’il souhaitera discuter nos propos.
Esteban Grine, 2017.
Bibliographie
- Bogost, P.I., 2016. Play Anything: The Pleasure of Limits, the Uses of Boredom, and the Secret of Games. Basic Civitas Books, New York.
- Hess, R., Deulceux, S., 2012. Sur la théorie des moments. Chimères 13–26.
- Lakomski-Laguerre, O., Longuet, S., 2009. Une approche subjectiviste de la démocratie : l’analyse de J.A. Schumpeter, Abstract. Cahiers d’économie Politique / Papers in Political Economy 29–52.
- Nakamura, J., Csikszentmihalyi, M., 2014. The Concept of Flow, in: Flow and the Foundations of Positive Psychology. Springer Netherlands, pp. 239–263. doi:10.1007/978-94-017-9088-8_16
- Smith, A., Garnier, G., 1776. La Richesse des nations. Tome I. Flammarion, Paris.
- Walker, C.J., 2010. Experiencing flow: Is doing it together better than doing it alone? The Journal of Positive Psychology 5, 3–11. doi:10.1080/17439760903271116
[1] Les données sont accessibles sur demande ou directement sur la vidéo. Aucun commentaire n’a été supprimé.
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