Petit journal d’aventure et de pensées sur Minecraft

Minecraft (Mojang, 2011) est un jeu qui me suit depuis plus de dix ans maintenant. J’ai commencé à y jouer lors de la béta et très vite, c’est devenu un jeu que j’ai plus consommé en tant que joueur secondaire, à regarder Aypierre ou Fanta & Bob (à l’époque), plutôt qu’en tant que joueur du jeu. J’étais fasciné par les usages de la redstone, ce circuit électrique permettant de créer jusqu’à des ordinateurs complexes au sein même du jeu.

Pourtant, c’est un jeu que je n’ai fini que très récemment. La raison est simple : je n’ai tout bonnement jamais eu l’endurance pour vraiment battre l’enderdragon. Par ailleurs, le jeu, sous couvert d’une esthétique cubique et mignonne, est en réalité très difficile. En particulier lorsqu’il s’agit de mourir : on perd absolument tout, ce qui peut nous ammener à perdre des dizaines d’heures de progression en quelques instants.

Qu’à cela ne tienne, j’ai terminé le jeu le 10 avril dernier après une petite cinquantaine d’heures passées sur le serveur du Potokstan, souvent seul, mais également accompagné1.
En revisionnant les photographies que j’ai prises lors de mon aventure, j’ai cependant pensé à la perte que pouvait représenter la disparition de ce serveur. C’est pourquoi dans cet article, qui prend la forme d’un bref article composé d’un carnet de bord et de pensées. Je répertorie donc de manière parcellaire toute l’aventure que j’ai pu vivre au cours de ces nombreuses heures de jeu à travers des photographies prises ici et là.

La photo d’en-tête a été réalisée par Martin Ringot que vous pouvez suivre sur son compte twitter. Merci Martin de m’avoir accompagné pendant toutes ces heures sur ce serveur de l’enfer.

Carnet parcellaire pour explorateur·ice échoué·e

Du début du serveur jusqu’au 6 mars 2021

Le serveur du Potokstan (qui n’a en réalité pas vraiment de nom) existait avant mon arrivée. Le spawn était merveilleux puisque je me trouvais sur l’île d’une personne ayant construit un phare. Cependant, j’ai vite déchanté quand Rémi vint me chercher : il avait construit un sentier de dirt absolument immonde (l’autobahn) qui rappelait les politiques de grands travaux détruisant le patrimoine naturel d’un pays et son paysage. Par ailleurs, il eut fallu qu’il choisisse le pire endroit de la carte pour installer ce qui allait devenir la colloque : une île ridicule enclavée par des icebergs à perte de vue. Un enfer.

Cela étant, j’ai quand même pu construire, après des heures à explorer un mineshaft une très belle tour de guet, ma première création sur le serveur et dont je suis encore très heureux. C’est très drôle de revoir les photos de cette époque sur le serveur puisque notre île était encore très vide. Hormis un champs au bord de l’eau, il n’y avait quasiment rien d’autre.

Le 13 mars 2021

Au 13 avril, beaucoup de constructions commencent à prendre forme, Laura commençait à construire une tour, Lucas peinait sur la construction d’un chalet sur une île plus loin, la colloque se remplissait de coffre et Rémi avait commencé sa deuxième horreur : une sorte de maison carrée invivable qui de loin pourrait faire penser à Super Meat Boy. On a également tenté de rendre l’autobahn plus beau mais disons qu’il est encore possible d’améliorer le design. Personnellement, ma tour prend sa forme finale puisque j’y adjoint une petite maison colorée de terracotta, blocs qui font partie de mes préférés du jeu.

LAutobahn est un enfer, tout comme ce cube rouge au milieu. On apprend à vivre avec. Il parait qu’il s’agit de métaphores du démerdentiel. Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier. Je ne sais pas.

Le 28 mars 2021

A cette date, la plupart du mineshaft est balisé. J’avais fait plusieurs tentatives infructueuses afin de trouver du diamant. La raison de ces échecs fut l’absence d’optimisation dans le minage. Cependant, c’est vers ce moment que je décide de véritablement mener du minage optimisé afin d’extraire tout le diamant situé dans les niveaux les plus bas. En parallèle, j’ai entrepris la réalisation d’une pièce dédiée aux enchantements. Il a fallu pour cela que j’aille chercher des vaches sur une île relativement éloignée de la notre, ce qui fut une galère sans fin. Par la suite, j’ai commis un affront en reproduisant une «ferme des 1000 vaches», une aberration écologique qui n’a sa place que dans un jeu vidéo, et encore. L’objectif est de pouvoir fabriquer des livres à partir du cuir de vache et de cannes à sucre. Tout le processus est globalement assez ennuyant et répétitif. Cependant, c’est nécessaire dans le but d’obtenir l’enchantement «Fortune 3» qui multiplie le loot. En parallèle, dans la mine, j’avais soigneusement signalé le diamant trouvé afin de ne pas le miner tant que n’aurions une pioche avec «Fortune 3».

Le 7 avril 2021

Ça y est, la pioche «Fortune 3» est obtenue, ce qui permet de passer de zéro à presque un stack et demi de diamants. J’ai cependant eu la mauvaise idée de me constituer une armure complète en diamant, armure que je perds à peine une heure plus tard en tombant dans la lave. En parallèle, on a fait un changement majeur sur le serveur : dorénavant, mourir ne nous fait plus perdre nos items et notre expérience. Honnêtement, sans cela, j’aurai fini par abandonner car c’est vraiment à partir de ce moment que j’ai compris à quel point Minecraft est en réalité un jeu difficile pour la personne souhaitant atteindre sa fin. C’est aussi à cette date que je finalise ma première usine à XP. Tout cela rend l’expérience bien plus facile puisque dorénavant mes équipements enchantés rende l’exploration, le minage et les constructions bien plus aisé·e·s. A partir de là, tout fini par accélérer. La fin est proche.

Le 9 avril 2021

Après avoir trouvé une forteresse, bâtiment que je cherchais depuis au moins le 28 mars, j’ai enfin pu mettre la main sur des blaze rodes et donc sur des «yeux de l’ender». Avec seulement 2 ou 3 yeux, je suis parti chercher le portail vers l’End, dernier lieu avant de conclure l’aventure.

Le 10 avril 2021

Entre le 13 mars et le 10 avril, j’ai quasiment joué seul, ce qui était parfois un peu déceptif même si j’ai fait moult avancées que je n’avais jamais faites auparavant. Cependant, Le 10 avril est également le retour de Martin sur le serveur. Après avoir finalisé l’après-midi un rapide métro dans le Nether permettant de rapidement aller au portail de l’End depuis la maison, on décide de s’équiper pour aller battre l’Ender Dragon le soir. De 21h à 21h30, nous nous équippons en armure, en flèches et autres enchantements puis à 21h30, nous partons nous battre contre le boss de fin. S’en suit une bataille épique que les joueurs et joueuses de Minecraft connaissent déjà mais qui pour moi est quelque chose d’émotionnellement très fort. Cela faisait dix ans que je jouais au jeu par intermittence. Atteindre sa fin représentait donc en quelque sorte un succès personnel. J’avais déjà pu lui dire directement également mais battre le dragon avec Martin fut aussi un très beau moment. L’aspect coopératif du jeu prend vraiment toute sa signification dans la construction de moments partagés comme celui-là.
Le franchissement du dernier portail du jeu m’a également permis de découvrir l’End Poem, un long texte qui précède les crédits et qui conclut l’aventure. Là, c’est une révélation pour moi car en plus d’être un très beau texte, son message s’inscrit à la fois dans l’abhumanisme et la philosophie pérenne. Si par le passé, j’avais toujours inscrit Minecraft

Le 10 avril 2021 (suite)

Mais ce n’est pas tout. A 22h, Laura et Lucas nous ont rejoint, ce qui nous a permis d’aller découvrir ensemble l’End et une première Ender City. C’est de cette façon que l’aventure se termine et c’était la meilleure des fins. Cela n’a que renforcer mon envie de jouer au jeu et de découvrir d’autres de ses secrets. C’est le lendemain que je trouvai les élytres, le plus bel objet du jeu.

de gauche à droite, les avatars de Laura, Martin, moi-même et Lucas.

Depuis le 11 avril 2021

En réalité, pendant toute la durée de ma partie, j’ai environ joué une à deux heures par jour et ce, entre 22h et 1h du matin. Ce qui qu’avec du recul, le nombre d’heures accumulées grimpe vite. Depuis, avec Martin, on s’affaire à améliorer notre colloque et plus généralement notre île. J’ai construit une pyramide inversée, réalisé un pixel art de Mario. Avec Martin, nous avons construit une usine à mobs (Lucas nous a un peu aidé). Pendant que je suis parti découvrir de nouveaux biomes pour continuer l’aventure, Martin à réalisé des stations de tri. Ce qui fait qu’on s’est mis à la redstone. Après avoir farmé les crânes de wither skeletons, avec Lucas, nous avons battu le Wither et installé un beacon. Nous préparons maintenant de nouvelles aventures pour aller explorer les temples sous-marins et les demeures dans les jungles. Il y a donc encore quelques heures devant nous.

Quelques pensées au-delà du jeu

Le fait d’avoir autant joué au jeu en si peu de temps a beaucoup vivifié mes réflexions à son égard. Tout d’abord, ma façon jeu s’est énormément structurée en fonction des contenus en ligne que j’ai consommé. Que cela soit des wiki ou des chaînes YouTube, cette écosystème a énormément entretenu mon appétence pour le jeu. Je pense tout particulièrement aux vidéo de Wadzee dont le montage et le rythme m’ont vraiment fait bingewatcher l’intégralité de ses séries. Au-delà de cette chaîne en particuliers, j’ai aussi une pensée pour les vidéastes spécialisé·e·s dans la décoration comme TrixyBlox qui entreprend des constructions monumentales ou Zaypixel qui propose des constructions cosy. Tout·e·s deux proposent de merveilleux contenus.

Par ailleurs, à force de penser au jeu, j’ai de plus en plus envie de travailler scientifiquement dessus. En particulier, l’un des écarts que j’observe porte sur l’absence de considération discursive ou narrative sur Minecraft, jeu étant bien plus étudié pour son régime d’expérience (Mavoa et al., 2018), ses utilisations pédagogiques (Nebel, 2016) ou thérapeutiques, etc. En particuliers, l’End Poem m’a tellement touché que je pense qu’il y a là matière à une étude du jeu qui va au-delà de ses aspects ludiques. En effet, ses aspects discursifs sont lus généralement depuis une perspective critique (Dooghan, 2019) que moi-même j’ai pu aborder (encore aujourd’hui). Hors, il semble tout à fait envisageable de voir une pluralité de discours vidéoludiques qui se coconstruisent à partir de la structure du jeu et des audiences. Ce sont des travaux que j’aimerai d’avantage voir et qui permettrait de repenser Minecraft au-delà d’une perspective finalement assez simple du jeu qui masque les façons dont les communautés se structurent autour du jeu, partagent des connaissances, élaborent des systèmes de sciences populaires (notamment à l’égard des citations d’auteurs·ices d’inventions ingame), c’est tout cet espace qu’il faut aujourd’hui cartographier.

esteban grine, 2021.


Bibliographie

  • Dooghan, D. (2019). Digital conquerors: Minecraft and the apologetics of neoliberalism. Games and Culture, 14(1), 67-86.
  • Mavoa, J., Carter, M., & Gibbs, M. (2018). Children and Minecraft: A survey of children’s digital play. New Media & Society, 20(9), 3283-3303.
  • Nebel, S., Schneider, S., & Rey, G. D. (2016). Mining learning and crafting scientific experiments: a literature review on the use of minecraft in education and research. Journal of Educational Technology & Society, 19(2), 355-366.

1[ Un grand merci aux compagnon·ne·s de jeu : Martin, Lucas, Laura Lesli.e et Rémi !]