Lorsque je propose de conceptualiser les jeux vidéo comme des systèmes sociaux, c’est parce que je fais l’hypothèse qu’un jeu propose une structure composée de relations sociales entre des individus joueurs et des individus non joueurs. En septembre, j’ai joué à plusieurs jeux qui se focalisent particulièrement sur l’empathie qu’un joueur ou une joueuse peut ressentir à l’égard soit d’autres êtres humains, soit à l’égard de personnages fictionnels. Cependant, il est plus question ici de partager deux brefs ressentis sur deux jeux qui m’ont rappelé cette problématique : kind words et Sayonara Wild Hearts. Chacun de ces jeux installent un lien empathique et c’est ce que je veux aborder maintenant, dans la façon dont ces jeux instaure un rapport à l’autre ou à soi.
C’est à propos du rapport avec les autres que kind words est un jeu particulièrement intéressant à analyser. En effet, dans ce jeu, l’objectif est d’échanger des lettres avec des inconnus dans l’objectif de leur partager nos problèmes ou de proposer des solutions aux leurs. A défaut, il est toujours possible de leur partager quelques mots de sympathie. Dès le début d’une partie, quelques indications nous invite à nous comporter d’une certaine façon : Kind words propose une forme de safe space dans lequel les joueurs et les joueuses sont invité·e·s à se comporter de manière humble, sensible et empathique. Ainsi, nous avons là finalement un jeu en ligne dans lequel les joueurs et joueuses interagissent de manière bienveillante. La structure du jeu elle-même oriente ces comportements. Je n’ai pas fondamentalement envie de partager certaines des requêtes que j’ai envoyées mais j’en ai postées quelques-unes sur Twitter, ce qui me semble amplement suffisant pour signaler les larmes qui me sont montées aux yeux à la lecture des réponses.
Sayonara Wild Hearts se revèle quand à lui plus personnel dans le sens où le jeu agit comme métaphore de la reconstruction d’une personne suite à une rupture amoureuse. Contrairement à Kind Words, il n’est donc pas question ici de rentrer en contact avec d’autres joueurs et joueuses. Au contraire, il s’agit plutôt d’explorer l’état psychologique d’un personnage fictif. On pourrait supposer que cette rupture a terriblement modifié la façon dont ce personnage, une jeune femme, perçoit chacune des facettes de sa personnalité. Le jeu nous les fait détruire avant de nous offrir une réconciliation conduisant à une paix intérieure retrouvée. En sauvant sa propre vie (celle de l’avatar du moins), c’est le monde que nous sauvons dans Sayonara Wild Hearts. A l’instar de Kind Words, c’est aussi un jeu pour lequel j’ai ressenti une montée de larmes. Lors d’une soirée, j’ai fait le mode « album » qui enchaîne l’intégralité des chansons (et donc des niveaux) d’une seule et unique traite. Dans le noir, face à mon écran, le jeu va crescendo jusqu’à la libération finale de sa conclusion. J’en avais le souffle coupé tellement je m’étais pris à l’ambiance, aux lumières, etc.
J’ai joué successivement à ces jeux lors d’une période de stress et de déprime. Plus que théoriser sur ces jeux, j’ai simplement envie d’écrire mon amour. En préparant ce billet, je les avais nommés « lofideo games » et même si ce terme n’a aucun intérêt descriptif ou autre, j’avais aimé les nommer ainsi pour leur associer un genre musical que j’écoute beaucoup lors de mes déprimes. Bref, face à l’incohérence de mon propos et l’absence de logique de ce billet, je ne peux qui réitérer mon amour pour ces deux jeux. ■
Esteban Grine, 2019.