Le Crypto Art est un mouvement artistique récent dans lequel les artistes produisent des œuvres qui vont ensuite être distribuées par des crypto art galeries tout en s’appuyant sur une technologie blokchain. Une blockchain est une technologie de transmission d’informations dont la distribution est gérée de pairs-à-pairs. Autrement dit, il s’agit en somme d’une base de données dont les informations sont partagées au sein d’un réseau et validées directement par les utilisateurs et utilisatrices de ce réseau. Sécurisées cryptographiquement, les blockchains permettent d’offrir une alternative décentralisée à de nombreux systèmes d’informations.
Bien que la présentation de ce qu’est une blockchain soit simpliste ici, cela permet tout de même de comprendre les enjeux liés au crypto art. Une œuvre fait partie d’une blockchain lorsqu’elle est tokenisée, c’est-à-dire qu’elle a suivi un processus par lequel un set de donnée est défini par une suite de caractères randomisés. Chaque œuvre est donc associée à un seul et unique token sur une blockchain. L’intérêt de ce procédé est d’assurer une certaine rareté à l’œuvre, rareté qui est reconnue par le réseau (Finucane, 2018)[1]. Si pour une image, il n’y a qu’un seul et unique token, alors cela revient à la considérer comme étant la seule et unique véritable image et donc en somme, la seule à avoir une véritable valeur. En réalité, plus que l’image (qui peut être téléchargée, réuploadée, etc.) en tant que telle, c’est le titre de propriété qui a une valeur.
Autrement dit, pour ce qui est du marché de l’art, à l’heure de son immatérialité, les blockchains sont cruciales puisqu’elles contredisent la reproductibilité infinie, pour citer Walter Benjamin, et rendue possible par la dématérialisation de l’art (Lippard, Chandler, 1967)[2]. Par le processus de tokenisation, il est possible d’imposer une rareté dans un espace numérique et donc techniquement reproductible à l’infini. Par ailleurs, les utilisateurs et utilisatrices, pour gérer leurs possession, possèdent des wallets dans lesquels se trouvent leur token. Cela donne un caractère d’hyper-portabilité selon Franceshet et al (2019)[3]. De fait, le crypto art est particulièrement une affaire économique puisque les tokens sont comme des titres de propriété qui s’échangent sur un marché secondaire, le tout soutenu par une blockchain.
De plus en plus de ponts se tissent entre le monde du jeu vidéo et les technologies Blockchain. L’un des exemples les plus probants est CryptoKitties, une plateforme vidéoludique de collection et de reproduction de chats présentés comme uniques puisque le service et les utilisateur·ice·s passent par la blockchain Ethereum pour pouvoir échanger ces NFTs dont les plus chers sont estimés à plus de 1,5 millions d’euros (999 ETH). Au-delà d’un simple outil facilitant la collection, les blockchains peuvent représenter un enjeu pour le partage des données entre les joueur·euse·s d’un même jeu et pour le game design en général. Cet article vient donc situer depuis une perspective critique les enjeux de l’usage des blockchains et du crypto art dans le game design des jeux vidéo.
Citation conseillée pour cet article :
Grine, E., (2021). Quels enjeux vidéoludiques pour les blockchains . Les Chroniques Vidéoludiques. URL : https://www.chroniquesvideoludiques.com/quels-enjeux-videoludiques-pour-les-blockchains/
Quels sont les enjeux autour du crypto art et des blockchains ?
Franceshet et al, dans leur article publié en 2020, ont fait émerger un ensemble de thèmes féconds pour discuter des NFTs et du crypto art. Tout d’abord, au niveau artistique, le crypto art n’apporte rien de purement artistique qui ne soit pas déjà existant. Cela étant, ils pointent également que la nouveauté provient surtout de la combinaison entre arts numériques et blockchains, nouveauté qui offre alors de nouvelles interconnexions entre milieu économique (les galeries d’art, les places de marchés) et les modes d’évaluation des œuvres. L’explication provient surtout du fait que les blockchains créent des systèmes générant de la rareté au sein d’un réseau, ce qui est nouveau pour les plateformes et plus généralement Internet.
L’un des arguments centraux des pro-blockchains va également se trouver dans la possible décentralisation et désintermédiation possibles par ces technologies. Puisque tout est géré par le réseau, hypothétiquement, il n’y a plus besoin de middle-men pour gérer les transactions ou pour authentifier les œuvres. Certains tenants vont de fait supposer un engagement plus fort de la communauté faisant partie d’une blockchain puisque celle-ci est à la fois consommatrice et responsables dans une certaine mesure. Par ailleurs, et si l’on parle autant de NFTs ces dernières semaines, c’est parce que les observateurs et observatrices énoncent que l’on est dans une période de ruée vers l’or. C’est de cette façon que Kate Knibbs parle d’un récent phénomène de tokenisation des tweets pour Wired (Knibbs, 2021)[4]. Pour état, le tout premier tweet de la plateforme, le célèbre «just setting up my twttr» du créateur de la plateforme @jack est actuellement en vente sur Valuables et la dernière enchère estime son prix à 2,5 millions de dollars. De tout cela ressort une trajectoire non négligeable : la tokenisation et les blockchains permettent de mettre un prix sur une donnée en la rendant « rare » puisqu’unique et surtout, génèrent des processus de spéculations pour des objets numériques qui n’ont plus rien à envier des galeries d’art brick and mortar. En mars 2021, l’œuvre «everydays: The first 5000 days», un collage de l’artiste Beeple, a été vendu pour la bagatelle de 69 millions de dollars par Christie’s en tant que NFT. La transaction s’est faite en Ether (Reuters, 2021)[5]. Étant donné l’appétence qu’ont certaines communautés de joueurs et de joueuses pour les jeux de hasard et les collectables, il est aisé de voir les paniques morales qui pourraient survenir si ces types de paris (et jeux d’argent) se diffusent. En l’occurrence, les recherches documentent un bon nombre de ces pratiques qui vont du gatcha game au skin gambling qui comme son nom l’indique, est une pratique d’achat-vente de skins d’assets venant modifier l’apparence d’un avatar en jeu (Wardle, 2019)[6].
Autrement dit, depuis une perspective artistique, les blockchains n’apportent à ce jour rien qui n’ait pas déjà été tenté analogiquement. Cependant, les principales innovations portent pour les NFTs sur la formalisation de créations de contrats protégeant les droits d’auteur·ice·s des artistes et pour les blockchains en général : d’une émergence d’une économie décentralisée, supposément désintermédiée (mais dont l’existence même de start-ups se présentant comme galeries de crypto-art rend discutable), où finalement un certain idéal libertarien peut exister, et ce, grâce à une absence totale de régulation encadrée par des instances politiques. L’enjeu économique du crypto art se trouve donc dans le creux de cet idéal.
Quelles sont les controverses actuelles autour du crypto art et des blockchains ?
Bien entendu, les impacts matériels du crypto art et des blockchains ne sont pas négligeables. Très loin de là. Les controverses s’établissent sur trois axes principaux : l’utilisation des blockchains afin de mener des opérations illégales, l’usage de blockchains pour voler des œuvres et faire du recel et enfin, l’impact géopolitique et environnemental de ces blockchains. Cela étant, il mérite d’énoncer un caveat. À ce jour, toutes les blockchains ne sont pas concernées de la même façon et la majeure partie de ces critiques sont faites à l’égard du Bitcoin et d’Ethereum. On sait également que des pays comme la Chine veulent développer des blockchains nationales (Liao, 2021)[7]. Les Big Techs (ou GAFAM) sont également en train de travailler des technologies qui s’inscrivent dans le sillage comme c’est le cas pour Facebook qui se prépare à lancer le Diem, sa propre crypto-monnaie. Cela étant, il est encore difficile de se prononcer sur ces dernières tant qu’il n’est pas possible de constater et de mesurer les pratiques qui découleront de leurs usages.
Dès février 2021, les controverses font surtout référence aux deux derniers axes : le vol et l’impact environnemental. Sur la question du vol d’arts, il y encore peu de recul mais la tendance à retenir est qu’il est techniquement possible aujourd’hui de «forcer» la tokenisation de quelque chose en ligne. Plusieurs lanceur·euse·s[8] d’alerte ont notamment fait réagir Twitter en mettant en exergue des compte comme «Tokenized Tweets» qui par simple mention, va venir tokéniser un tweet et le transmettre dans le wallet (c’est-à-dire le portefeuille de tokens) de celui ou celle qui l’a mentionné (Munster, 2021)[9]. S’ajoute à cela que plusieurs voix s’élèvent contre les NFTs en général et en viennent à les considérer comme des schémas pyramidaux (Day, 2021)[10] tant cette ruée vers l’or rappelle la tulipomanie, cet engouement pour les tulipes dont certains bulbes valaient le prix de maisons au 17ème siècle. De fait, le crypto art est attaqué sur ces deux points : il s’agit en premier lieu d’une bulle spéculative et secondement, il est aujourd’hui possible de « voler » les artistes et faire du recel avec les œuvres qu’ils·elles partagent sur les réseaux. Le crypto art est également controversé pour son appui sur les technologies blockchains dont certaines sont terribles pour l’environnement.
Sur ce dernier point, il semble y avoir consensus dans les recherches académiques sur le fait que si une crypto-monnaie en tant que monnaie d’échange numérique semble soutenable, le véritable coût environnemental se situe dans le minage de blocs (comprenant eux-mêmes une ou des transactions, et ce, par proof-of-work) et la maintenance du réseau des blockchains dites publiques comme le Bitcoin (Giungato et al, 2017)[11].
Pour cette controverse sur l’impact environnemental et géopolitique, il est donc important de comprendre que ce sont surtout les blockchains publiques qui sont concernées étant donné qu’elles nécessitent une quantité non négligeable d’énergie pour le minage par proof-of-work qu’elles impliquent, minage qui est le process par lequel il y a l’ajout d’une unité d’une crypto-monnaie (à ne pas confondre avec la création monétaire par les banques, Everest, 2021)[12]. De fait, pour le proof-of-work, plutôt que d’aller extraire de l’or, un ordinateur résout des séries complexes d’algorithmes, une fois un problème résolu, il est récompensé par un Bitcoin. Il faut savoir que cette blockchain a été pensée pour rendre le minage de plus en plus complexe dans le temps de sorte également à contrôler la création monétaire. Cependant, ce qui en résulte est que le minage est dorénavant réservé à) un tout petit nombre d’utilisateur·ice·s possédant des configurations et des infrastructures qui dépassent largement ceux d’un·e nouveau·elle venu·e (Zucchi, 2020)[13]. Dans un article du Guardian, Lauren Aratani, citant le Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index[14], énonce « qu’une seule transaction de Bitcoin a la même empreinte carbone que 680 000 transactions par Carte Visa ou 51 210 heures de vidéos YouTube » (Aratani, 2021, ma traduction)[15]. C’est pour ces données présentées comme alarmantes que les recherches travaillent sur des propositions visant à décarboner les blockchains (Truby, J., 2018)[16], ou proposer des «green blockchains» (Imbault et al. 2017)[17]. A noter ici que l’impact écologique du Bitcoin restent considérablement derrière l’impact écologique d’industrie bien plus énergivores. Dans tous les cas, on est encore loin de résultats probants pour les blockchains publiques, surtout quand il s’agit également d’un problème géopolitique étant donné que le minage tend à s’ancrer dans des rapports d’exploitation au niveau international.
As a substitute for the present monetary system, bitcoin will remain a niche market as bitcoin mining will consume more and more energy, and considering the transition of all monetary systems to the new cryptocurrency, this would result in a huge amount of energy consumed to maintain the entire virtual monetary system at the actual bitcoin mining rate. To maintain profitable mining revenues, miners use more and more powerful and less energy-demanding hardware, starting from the CPU, and passing through GPU, FPGAs and recently ASICs to follow economic sustainability and placing bitcoin farmers in the countries with the cheapest electricity prices. (Giungato et al, 2017)
Si la conclusion de Giungato et al. semble encore nuancée, ce n’est pas le cas de travaux plus récents qui constatent que si certaines régions du monde développent des filières estampillées «blockchain», c’est parce qu’il y a une certaine évangélisation de la technologie (comme nouvelle solution à tous les problèmes) poussée par les pays les plus à la pointe technologiquement. C’est en tout état la conclusion de Olivier Jutel qui a observé le développement d’une forme d’impérialisme technologique et idéologique avec le développement de projets en lien avec des blockchains dans le pacifique. Son ultime conclusion est à ce sujet alarmante :
« Under the guise of humanitarian innovation, blockchain threatens a history of indigenous self-determination and in seeking to bring into being the world it describes necessarily relies upon the mediating institutions of imperial power rather than technological merit. » (Jutel, 2021)[18].
Quels enjeux pour les jeux vidéo dans tout cela ?
À partir de tout ce qui a déjà été partagé, il est intéressant de prendre du recul par rapport aux controverses évoquées. La première raison à cela est tout d’abord qu’un studio n’est pas obligé d’utiliser une blockchain publique pour intégrer cette technologie dans un jeu. Il est donc important de partir avec un regard assez neutre, notamment parce que le déploiement d’une blockchain privée n’engendre pas les mêmes consommations énergétiques. Dans un article de 2018, Gatteschi et al adressent des enjeux précis comme la nécessité d’une base de données partagée qui puisse être écrites par plusieurs utilisateur·ice·s ou sur la nécessité d’intégrer une désintermédiation, ou encore de tenir à cahier des transactions visible à toutes et tous (Gatteschi et al, 2018)[19]. Bien que leur travail ne portât pas précisément sur le jeu vidéo, cela permet tout de même de dresser des parallèles avec les nécessités du game design.
Autrement dit, l’intégration de ce type de technologies fait également référence à l’intention des studios de proposer des expériences qui vont, par exemple, se reposer sur des contenus générés par les utilisateurs et utilisatrices. Cela fait sens aussi si un studio pense au développement d’une plateforme d’échanges entre les joueurs et les joueuses. L’argument mis en avant est qu’une blockchain permettrait une meilleure gestion des collectables tout en assurant qu’il n’y ait pas de fraudes entre les joueurs et joueuses (Tuna, 2019)[20]. Une blockchain permet aussi de transposer des phénomènes de rareté analogiques vers des raretés numériques. Certaines recherches parlent d’ailleurs d’une nouvelle forme d’économie ludique (Serada et al., 2020)[21]. C’est pourquoi aujourd’hui on trouve un nombre important de jeux de cartes à collectionner intégrant une blockchain pour la gestion des assets et autres collectables. C’est le cas notamment du jeu Gods Unchained qui a débauché l’an dernier Chris Clay qui travaillait auparavant sur Magic Arena[22].
Cependant, ce qui peut sembler paradoxal, c’est que malgré les ponts qui se dessinent aisément entre blockchain et jeux, c’est l’absence totale des plus gros acteurs lorsqu’il s’agit de jeux à collectionner. En effet, des jeux comme Magic The Gathering ou PokémonTCG semblent être des candidats idéaux. Or, à ce jour, les seuls NFTs existant de Magic ont été deux artworks qui ont par ailleurs été délistés étant donné que Wizards Of The Coast n’a pas encore pris position sur le sujet des NFTs[23]. Cependant, on peut voir émerger une première controverse qui se situe surtout entre une entreprise possédant les droits d’exploitations des œuvres produites par ses artistes (recruté·e·s ou sur commande). Il s’agit ici clairement d’une controverses qui dépasse les jeux de cartes à collectionner puisqu’en mars 2021, Artstation, une plateforme de partage réputée permettant aux artistes de diffuser numériquement leurs travaux, a statué contre l’arrivée des NFTs sur la plateforme et ce, malgré des tentatives d’essais[24]. Cette tension est importante lorsque l’on sait que bon nombre d’artistes se sentent dépossédé·e·s de leurs créations dans l’industrie du jeu vidéo, surtout quand ces créations sont soumises à des accords de confidentialités. De fait et dans ce cadre, il me semble que les NFTs font aussi référence à un débat plus large sur la propriété des assets.
Par ailleurs, un enjeu de game design porte sur l’association d’un objet utilisable en jeu, avec des mécaniques ludiques associées et d’un Token particulier qui ne ferait pas que référence à l’asset ou au skin. Si des jeux comme Gods Unchained s’en sortent, c’est finalement parce que sous couvert d’une blockchain pour les échanges, le studio maitrise la chaine de production des cartes et gère dans une certaine mesure également le marché. Cette maitrise de la chaine de production peut entrer en conflit avec l’usage d’une blockchain. En effet, à plusieurs reprises j’ai pu voir l’argument que Magic n’a pas besoin de blockchain car le studio est en situation de monopole, maitrise les quantités de productions et la rareté des cartes. De fait, en termes de game design, l’usage d’une blockchain semble relié à l’intention d’un studio d’empouvoir ses audiences et particulièrement lorsqu’il s’agit d’UGC qui pourraient être utilisés en jeu. Une blockchain permettrait potentiellement donc de gérer les faux tout en offrant un espace de développement pour des «proxy», compris ici comme des assets alternatifs. Magic est particulièrement concerné par cela puisque certain·e·s artistes vendent des cartes non officielle mais aux mêmes effets de sorte à proposer des variations esthétiques de terrains par exemple[25].
On s’aperçoit qu’une blockchain soulèvent de nombreuses autres questions en termes de game design et de la distribution communautaire des possibilités de production. Autrement dit, Magic n’a pour l’instant aucun intérêt à perdre son statut de monopole sur la création des cartes de son jeu. Cependant, cette technologie serait potentiellement particulièrement intéressante pour des jeux comme Minecraft ou Roblox. Il existe déjà quelques exemples allant dans ce sens comme enjincraft, un plug-in pour Minecraft permettant de monétiser des contenus en jeu (Humbert, 2020)[26]. Les blockchains sont aussi particulièrement pertinentes si elles permettent le transfert d’un asset d’un jeu vers un autre jeu. On peut imaginer que cela pourra intéresser certain·e·s joueur·euse·s de Pokémon par exemple.
Ouvertures
Si le crypto art, les crypto-monnaies et les blockchains sont aujourd’hui, à raison, le berceau de nombreuses controverses, il n’y a aucun doute sur l’engouement observable pour ce que cela peut apporter en termes de décentralisation et de désintermédiation. Cependant, ce que révèlent les blockchains publiques, c’est surtout l’inverse. Le fait que certains discours, visibles, les considèrent dorénavant comme des schémas pyramidaux en est un constat non négligeable. Malgré ce tableau négatif, je n’ai pas trouvé de cas où des blockchains privés, où les mécanismes d’inflation et de spéculations seraient mieux contrôlés et où les agents seraient connus, évolueraient de la même façon. De fait, il est important de distinguer la tech blockchain des crypto-monnaies car sans ces dernières, les enjeux autour du minage seront bien différents. De même, si le Bitcoin fonctionne sur des algorithmes du type proof-of-work, il existe d’autres possibilités comme les proof-of-stake et proof-of-authority qui sont de plus en plus suggérées et qui sont moins énergivores (Jones, 2017)[27]. De fait, lancer un service sur une blockchain publique, comme c’est le cas avec les récentes controverses, ne ferait qu’étendre l’ensemble des problèmes environnementaux, sociaux et géopolitiques actuelles au service concerné (en étant tout de même mesuré sur ce point car tout service utilisant une blockchain publique ne va être concerné à même niveau par la spéculation autour des NFTs ou autre).
Pour ce qui est des jeux vidéo, l’usage de blockchain publique semble discutable étant donné que l’on trouve des travaux de recherches indiquant que cela n’est pas viable :
« the cost of running something like this on the Ethereum blockchain or any other blockchain not designed specifically for the purpose of just the game would probably not be worth it, but someone may prove this to be wrong » (Swannack, 2020)[28].
Mais cela reste sujet pour de futur progrès potentiels. De fait, c’est la mise en place de blockchains privées ou de blockchains publiques ne reposant pas sur du proof-of-work qui peut être pertinente à partir du moment où un studio souhaite susciter un sentiment de propriété encore plus fort pour des assets numériques et ce, avec un impact environnemental négligeable. À titre personnel, l’idée de créer de la rareté est éthiquement injustifiable, mais il est facile de me contredire en avançant qu’il ne s’agit-là que d’étendre des pratiques qui se font déjà matériellement (d’où l’intérêt de considérer la matérialité des NFTs) – et je me contredis facilement tant je suis heureux de posséder un drain de mana, une carte magic qui vaut la bagatelle d’une cinquantaine d’euros maintenant.
L’usage d’une blockchain peut aussi être faire sens pour la gestion d’UGCs. Cependant, en termes de gameplay, les blockchains ne semblent pas être, à ce jour, particulièrement mobilisées. Jason Rohrer a récemment tenté une expérience, au demeurant très critiquée, pour inviter l’audience joueuse à véritablement commettre des actes de vols et pour dire la chose de manière humoristique, je ne vais pas me risquer à défendre ce choix de game design : « working in moral gray areas, and I love crackpot ideas, pyramid schemes, etc.» (Rohrer, 2021, pour Kotaku)[29]. Ultimement, je reste dans l’expectative d’un empouvoirement des joueurs et des joueuses avec un impact environnemental minime mais il est hors de question de s’extraire de toutes les questions éthiques que cela soulève.
esteban grine, 2021.
[1] Finucane, B. P. (2018). Creating with blockchain technology : the “provably rare” possibilities of crypto art (T). University of British Columbia. Retrieved from https://open.library.ubc.ca/collections/ubctheses/24/items/1.0370991
[2] L. Lippard and J. Chandler. The dematerialization of art. Art international, 11, 1968.
[3] Massimo Franceschet, Giovanni Colavizza, T’ai Smith, Blake Finucane, Martin Lukas Ostachowski, Sergio Scalet, Jonathan Perkins, James Morgan, Sebástian Hernández; Crypto art: A decentralized view. Leonardo 2020; doi: https://doi.org/10.1162/leon_a_02003
[4] Knibbs, K., 2021. The Next Frontier of the NFT Gold Rush: Your Tweets. Wired. URL : https://www.wired.com/story/nft-art-market-tweets/
[5] 2021. Crypto investor ‘Metakovan’ named as buyer of $70 million digital artwork. Reuters. URL : https://www.reuters.com/article/us-auction-christie-s-nft-idUSKBN2B42MG
[6] Wardle, H. (2019). The same or different? Convergence of skin gambling and other gambling among children. Journal of gambling studies, 35(4), 1109-1125.
[7] Liao, R., 2021. China’s national blockchain network embraces global developers. TechCrunch.
[8] https://twitter.com/WeirdUndead/status/1369210982518693888?s=20
[9] Munster, B., (2021). People Are Stealing Art and Turning It Into NFTs. Vice. URL : https://www.vice.com/en/article/n7vxe7/people-are-stealing-art-and-turning-it-into-nfts
[10] Day, A., (2021). NFTs Are a Pyramid Scheme and People Are Already Losing Money. Fstoppers. URL : https://fstoppers.com/opinion/nfts-are-pyramid-scheme-and-people-are-already-losing-money-554869
[11] Giungato, P., Rana, R., Tarabella, A., & Tricase, C. (2017). Current trends in sustainability of bitcoins and related blockchain technology. Sustainability, 9(12), 2214.
[12] Pipkin, Everest, (2021). HERE IS THE ARTICLE YOU CAN SEND TO PEOPLE WHEN THEY SAY “BUT THE ENVIRONMENTAL ISSUES WITH CRYPTOART WILL BE SOLVED SOON, RIGHT?”. URL: https://everestpipkin.medium.com/but-the-environmental-issues-with-cryptoart-1128ef72e6a3
[13] Zucchi, K., (2020). Is Bitcoin Mining Still Profitable? Investopedia. URL : https://www.investopedia.com/articles/forex/051115/bitcoin-mining-still-profitable.asp
[14] https://cbeci.org/cbeci/comparisons
[15] Aratani, L., (2021). Electricity needed to mine bitcoin is more than used by ‘entire countries’. The Guardian. https://www.theguardian.com/technology/2021/feb/27/bitcoin-mining-electricity-use-environmental-impact
[16] Truby, J. (2018). Decarbonizing Bitcoin: Law and policy choices for reducing the energy consumption of Blockchain technologies and digital currencies. Energy research & social science, 44, 399-410.
[17] Imbault, F., Swiatek, M., De Beaufort, R., & Plana, R. (2017, June). The green blockchain: Managing decentralized energy production and consumption. In 2017 IEEE International Conference on Environment and Electrical Engineering and 2017 IEEE Industrial and Commercial Power Systems Europe (EEEIC/I&CPS Europe) (pp. 1-5). IEEE.
[18] Jutel, O. (2021). Blockchain imperialism in the Pacific. Big Data & Society, 8(1), 2053951720985249.
[19] Gatteschi, V., Lamberti, F., Demartini, C., Pranteda, C., & Santamaria, V. (2018). To Blockchain or Not to Blockchain: That Is the Question. IT Professional, 20(2), 62–74. doi:10.1109/mitp.2018.021921652
[20] Tuna, E., (2019). An unexpected but ideal union: Magic and Blockchain. Medium. URL : https://medium.com/gardeneroracle/an-unexpected-but-ideal-union-magic-and-blockchain-382fe17e8d4
[21] Serada, A., Sihvonen, T., & Harviainen, J. T. (2020). CryptoKitties and the New Ludic Economy: How Blockchain Introduces Value, Ownership, and Scarcity in Digital Gaming. Games and Culture. https://doi.org/10.1177/1555412019898305
[22] URL : https://venturebeat.com/2019/08/08/gods-unchained-blockchain-card-game-adds-magics-chris-clay-to-its-deck/
[23] URL : https://articles.starcitygames.com/2021/03/16/first-magic-art-nft-surfaces-then-taken-down/
[24] URL : https://magazine.artstation.com/2021/03/a-statement-from-artstation/
[25] URL : https://www.mtggoldfish.com/articles/the-fake-card-problem
[26] Humbert, T., (2020). EnjinCraft : le plugin blockchain open-source pour Minecraft. JdG. URL : https://www.journaldugeek.com/2020/07/02/enjincraft-plugin-blockchain-open-source-minecraft/
[27] Jones, B., (2017). ‘The hidden cost of Bitcoin? It may be making you money, but it’s hurting our planet’, Futurism, Earth and Energy, 18 December 2017 (https://futurism.com/hidden-cost-bitcoin-our-environment) accessed 7 January 2019.
[28] Swannack, Raymond A., « Using Blockchain for Digital Card Game » (2020). EWU Masters Thesis Collection. 601.
[29] Grayson, Nathan,(2021). Game Artists Not Happy That Developer Is Selling Their Nearly Decade-Old Work As NFTs. Kotaku. URL: https://kotaku.com/game-artists-not-happy-that-developer-is-selling-their-1846465316