Dans ce témoignage, je parlerais principalement du FPS de Blizzard, Overwatch. En un peu plus de deux ans, je me retrouve avec près de 1000 heures en partie ce qui doit approcher des 1250-1300 heures réelles passées dans le jeu en comptant les menus. Il s’agit du premier jeu dans lequel je me suis impliqué autant, en tant que joueur d’une équipe et joueur compétitif, je suis toujours à la recherche de ce qui me fera donner un avantage sur l’ennemi, in-game ou bien en dehors sur les forums, subreddit et autres. Cependant, ce qui m’a fait rester dans les moments sombres des mises-à-jour d’équilibrage qui ont fait stagner la scène compétitive, c’est la communauté entourant le jeu. On peut voir que Blizzard a cherché à créer un jeu aussi social que compétitif et l’ont réussi, encore plus avec les récentes implémentations visant à éliminer les joueurs toxiques, à récompenser les personnes sympathiques et l’implantation du système de recherche de groupe. Il m’est parfois arriver d’éprouver du regret, par rapport à une action que j’ai faite en jeu et je pense qu’il s’agit du seul FPS qui peut faire naître ce sentiment, peut-être grâce à cette dimension sociale.
Axe premier : Le regret dans la fiction
Dans Overwatch, tout est basé autour d’un objectif, cela peut être une zone (appelé « point ») qu’on doit contrôler un certain temps pour gagner ou bien l’escorte d’une cargaison que l’on doit ramener le plus loin possible. Or, le seul moyen pour les défenseurs d’arrêter le progrès et d’être présent autour de l’objectif. Ainsi, en étant mort on ne peut aider notre équipe à tenir l’objectif ou bien à le reprendre, c’est pourquoi il est si important de rester en vie tout en tuant les autres. De plus, chacun ayant un rôle précis dans chaque composition d’équipe, perdre un coéquipier veut dire qu’une partie de ce que votre équipe pouvait faire ensemble ne peut plus être fait ; exemple : si votre « offtank » (tank secondaire) meurt, personne ne peut assister le tank primaire et donc il devra jouer moins agressif : chaque erreur sera nettement plus préjudiciable pour lui.
Si, j’explique cette mécanique c’est que, malgré cette importance de l’avantage que cela donne, il arrive parfois que l’on regrette d’avoir tué un ennemi ou bien de l’avoir fait d’une certaine manière. Par exemple, en tant que Fatale (un sniper qui est donc un personnage qui doit avoir de très grandes mécaniques au niveau de la viser), quand je duel une autre Fatale, une sorte d’honneur veut que l’on cherche à non pas mettre deux balles consécutives dans le corps, mais plutôt une dans la tête. D’un point de vue purement stratégique, il est préférable que quelqu’un vienne déranger la Fatale adverse et que l’on tir à ce moment-là mais on ressent parfois alors un « déshonneur », comme j’aime l’appeler, car ce comportement me rappelle un peu les combats de chevalier. J’ai l’impression que tous les personnages fragiles mais qui peuvent se retrouver puissant en duel ont cette sorte de code d’honneur. Etant spécialiste Ana et Zenyatta, deux soigneurs très souvent l’objet des tirs adverses qui se reposent énormément sur la visée, s’il m’arrive de devoir duel une Ana ou un Zenyatta adverse, ma raison me dit de me coordonner avec mes alliés pour l’éliminer, mais j’éprouverais tout de même un regret de ne pas l’avoir fait en duel.
Axe second : Le regret et le sentiment d’échec.
Je rencontre bien sûr le regret dans Overwatch, lorsque j’ai fait une action préjudiciable à mon équipe ou bien lorsque l’on perd un teamfight par ma faute. L’autre regret que l’on croise sur la scène compétitive peut être quand on est dans un match serré, voir qu’on est en train de perdre mais qu’on reprend l’avantage car une personne en face a décidé de troll ou bien se fait déconnecté. La victoire est toujours bienvenue, mais elle a un goût de cendre. Ce jeu est particulièrement vicieux si on ne s’y prépare pas, puisque chacun à un rôle à jouer, il suffit qu’un maillon de la chaîne des étapes à réaliser n’ait pas été concrétisé pour que tout le plan d’attaque tombe à l’eau. On peut connaître un regret également quand on arrive à la victoire à l’aide de stratégie pas très élaborée mais très efficace, il arrive alors qu’on sente une impression de regret du fait que l’on ait en quelques sortes « voler » la victoire aux ennemis qui parfois utilisent une stratégie nettement plus complexe mais qu’ils n’ont pas pu concrétiser. Peut-être encore une fois une relation avec les combats de chevaliers, ne pas se battre à la loyale peut apporter la victoire mais est-ce que l’on désir l’obtenir de cette manière ?
Axe troisième : Game designer le regret.
Je n’ai jamais joué à Metal Gear Solid malgré sa bonne réputation donc je vais vous parler de mon expérience avec le jeu « Life is Strange » car j’étais ici, aussi, face à un choix difficile : décider de la mort de Chloé, devenue tétraplégique et qui nous le demande après avoir pris de la morphine qui l’a shoot un peu. Elle nous demande alors si on ne voudrait pas abréger ses souffrances en sur-dosant la morphine, on apprend que le traitement de Chloé coûte trop cher à sa famille aussi et qu’elle s’inquiète pour eux. A ce moment-là, Max se trouvait dans le présent alternatif mais je ne savais pas que Max pourrait revenir dans l’autre timeline donc j’importais beaucoup d’importance à ce choix. J’ai donc fermé le jeu et je me suis posé pendant plusieurs jours quel choix précédant m’avait ramené face à celui-ci. Comme si je choisissais de ne pas choisir, je renie un peu le choix à faire. J’en suis allé à regretter de faire des actions qui aux premiers abords semblaient du bon sens. Après cela, j’ai un peu perdu de vue le jeu car je refusais de faire le choix, mais j’y suis revenu car une amie m’avait dit de ne pas trop y accorder d’importance.
Comparer ce type de regret avec le regret de n’avoir pas réussi à gagner face à un adversaire est aussi absurde que de comparer le regret d’avoir été injuste avec un inconnu avec le regret d’obtenir une mauvaise note. Le dernier est un regret car dans un système de compétition, on ne s’est pas satisfait face à tel ou tel critère, dans un jeu celui-ci sera une élimination sur un adversaire ou une victoire, dans un système scolaire c’est un objectif comme une mention ou bien se placer au-dessus de certains dans le système hiérarchique. Tandis que le regret que j’ai ressenti dans Life is Strange touche à notre base même, il questionne et remet en doute nos valeurs, ce que l’on croit et nos objectifs. Je définirais l’un comme la crainte qu’on n’arrive pas à l’objectif alors que l’autre est plus dévastateur, car il pourrait briser la raison même pour laquelle on ait agi de cette manière au départ, voir comment on va réagir à l’avenir.
Axe quaternaire : L’impact du regret sur la vie du joueur ou de la joueuse.
D’un point de vue compétitif, le regret est un outil aussi puissant que la satisfaction d’une victoire. En effet, lorsque l’on regrette d’avoir mal joué d’une certaine manière, il y a nettement plus de chances qu’on ne répète plus cette erreur. C’est pourquoi il est important de s’enregistrer et d’analyser tous nos faits et gestes en jeu afin de voir quelles erreurs nous avons fait et de voir leurs implications dans l’issue du combat. On vient alors plus facilement à regretter de s’être positionné ici alors que l’on avait vu cet ennemi qui va nous prendre par notre flanc par exemple. Il s’agit là du type de regret lié au non-accomplissement d’un objectif. Dans les différentes équipes pour lequel j’ai joué, j’étais connu comme quelqu’un qui analyse assez profondément et qui avait tendance à voir plus loin que le simple prochain fight, cela vient en grande partie au regret que j’ai eu au fil de mes heures de jeu pour ne pas avoir prévu à l’avance un coup de l’ennemi qui était prévisible.
Le second type de regret dont j’ai parlé est selon moi davantage utile dans d’autres jeux – à être plus précautionneux que ce que je fais – ne jamais prendre les choses comme des vérités absolues, notamment dans les mises en place de l’intrigue où souvent les péripéties viennent d’une vérité trop facilement admise. En reprenant le choix de Life is Strange, celui-ci m’a fait me questionner sur le suicide accompagné qui pourrait être exercé dans les hôpitaux : est-ce que donner le contrôle complet sur sa vie ne serait pas juste un droit ? Est-ce que donner de l’importance à une proclamation alors que l’on se trouve dans un cadre spécifique ne peut pas nous mettre enclin à prendre des décisions hâtives mais définitives ? Accordons-nous trop d’importances aux derniers mots alors que l’on doit être certainement trop troublé pour choisir réellement si on veut vraiment partir maintenant de manière douce ou bien vivre jusqu’au dernier moment ? Je pense que le jeu vidéo en nous mettant en acteurs et non pas spectateur est le meilleur média pour nous faire se poser ces questions.
J’ai remarqué que tout comportement en jeu se reflète sur notre comportement en-dehors, pour prendre mon exemple, depuis que je joue ce type de rôle très fragile mais qui doit penser à beaucoup de choses en même temps, j’arrive mieux à estimer les conséquences de mes actes dans chacun des scénarios possibles, c’est comme si j’avais entrainé mon cerveau dans la simulation qu’est le jeu vidéo à penser plus rapidement et à ne pas omettre des possibilités. Après tout, qu’est-ce que le jeu vidéo sinon qu’un monde virtuel pour nous amuser mais aussi nous faire poser des questions bien réelles ? ■
Texte anonyme, 2018.
Source :
Image : Figure 3 : Wisp, 1er Novembre 2015, «yes homo » blog : http://yeshomo.net/life-is-strange/