S’épanouir dans Breath of the Wild et Super Mario Odyssey quand il faut encore tout apprendre
Chaque Noël est l’occasion pour moi de mesurer l’accessibilité fondamentale de plusieurs jeux vidéos, les adultes très peu habitués au maniement d’une manette s’essayant aux jeux de leurs enfants. Cette année, une Switch, Zelda Breath of the Wild et Super Mario Odyssey sont sous le sapin. Ma tante novice les essaie tous les deux.
Premier point, les premières minutes de jeu sont frustrantes quel que soit le jeu : Mario et Zelda nécessitent tous deux une coordination mouvement/action immédiate. Cette frustration se dissipe cependant très rapidement avec Mario : le motion control, plus intuitif, permet de ne se focaliser que sur un bouton en plus du joystick (le bouton de saut).
Zelda au contraire nécessite immédiatement l’utilisation d’un arsenal d’actions différenciées délicates à manier, et demande très rapidement un maniement coordonné de la majorité des boutons de la manette. Cependant, il est toujours possible de fuir lors d’une situation difficile, et aucun obstacle n’interdit de se déplacer ou d’aller voir ailleurs. Cette flexibilité, bien qu’existante, est différente dans le cas de Mario qui fonctionne avec des palliers de boss à battre et un level design orienté de manière utilitaire.
Les deux jeux accordent une liberté certaine dans la manière dont le ou la joueur·se appréhendera le plateau du prélude dans Zelda et les premiers mondes de Super Mario Odyssey. Breath of the Wild propose de comprendre les interactions possibles avec son environnement d’une manière certes empirique mais nécessitant la compréhension d’un nombre important d’actions spécialisées, tandis que Mario n’en propose que deux: lancer son chapeau et sauter. Tout·e joueur·se est théoriquement capable d’accéder à la totalité des premiers mondes après quelques minutes d’apprentissage : Toutes les zones sont accessibles sans utiliser de sauts complexes.
Voir l’entrée dans le monde du jeu comme une phase d’épanouissement plutôt que de frustration
Dans le cas de Breath of the Wild, outre l’absence d’obstacles incontournables, une importante expérience contemplative est proposée pour qui ne parviendrait pas à manipuler correctement cet arsenal d’action. Un jeu secondaire est présent sous la couche tutoriel du plateau du prélude, un jeu permettant de s’écarter de la lourdeur de l’arsenal d’actions et de simplement profiter du paysage. C’est une couche de jeu essentielle pour les nouv·eaux·elles joueur·ses, qui trouveront dans cette pratique une manière de faire leurs marques et de s’habituer au maniement complexe des deux joysticks.
Voila deux rapports à l’accessibilité différents pour deux jeux phares d’une console grand public.
Mécaniques complémentaires et mécaniques additionnées
En outre, maîtriser les mécaniques de Zelda Breath of the Wild consiste à coordonner de nombreuses actions contextuelles et leurs combinaisons, tandis que Mario permet, à partir de deux actions, de construire des actions nouvelles à la manière d’un puzzle dont les pièces seraient l’ordre et le rythme dans lesquelles chacune des actions de base sont employées.
Le large panel d’actions de Mario se découvre au fur et à mesure que l’on maîtrise ses subtilités : On n’est jamais submergé sous le nombre d’actions immédiatement disponibles, puisque les actions auxiliaires ne se découvrent que lorsque l’on maîtrise les actions de base. Outre tout cela, Zelda dispose d’un plafond de maîtrise étonnamment bas au vu de son arsenal d’actions étendu. On peut expliquer cela par la contextualité de ses mécaniques : elles se complètent mais ne s’additionnent pas. De son côté, le plafond de maîtrise de Mario est extraordinairement haut, ce qui peut paraître aussi étonnant à la vue du faible nombre de ses actions de base, cela peut cependant s’expliquer par l’universalité de ses mécaniques, qui s’additionnent parfaitement.
Un level design inclusif
On peut voir en quoi les deux jeux parviennent à promettre une bonne accessibilité fondamentale : pour un·e tout·e nouveau·lle joueur·se, il est possible de se promener et de profiter du paysage le temps de prendre ses marques dans Breath of the Wild, tandis que la prise en main formidablement simple de Mario et l’accessibilité de son level design permet de se confronter immédiatement à ses obstacles. Il offre la possibilité de découvrir les contrôles si particuliers de la manette tout en parcourant simplement les premiers mondes.
En fin de compte, ma tante s’amuse beaucoup sur les deux jeux, et c’est peut être le plus important. ■
Baptiste Sibony, Les Chroniques du Désert Rouge, 2017.