Durant 1 mois entier, à peu de chose près, je n’ai pas eu accès a mon ordinateur fixe. Ordinateur sur lequel j’avais passé 3 ans de ma vie, plusieurs milliers d’heure, à jouer, regarder, rire, rencontrer des gens et m’amuser. J’ai tout fait sur cet ordi, j’ai trouvé mes passions, mes amis, un objectif. Plutôt des objectifs. Je m’y suis réfugier, pendant une année entière, j’ai pleuré devant cet ordinateur, j’ai insulté la terre entière devant cette ordinateur, j’y ai remis en cause mon existence, celle de toute la planète, j’ai compris qu’on ne pouvait pas y faire grand-chose finalement. Et tout ça lors mon année d’entrée en seconde. Mais pendant un mois je n’ai pas pu approcher cet ordinateur. Résultat perte de repères, je ne sais plus quoi faire chez moi, j’ai bien mon ordinateur portable qui me permet de jouer a des jeux de cartes en ligne, mais bon. Impossible de lancer de triple A. J’improvise un moyen pour parler à mes amis sur discord via mon téléphone mais je m’ennuie.
Je n’avais pas connu cet sensation depuis que j’étais petit. Je n’en reviens pas tellement le temps semble long. Après à peine une semaine je me couche à 22h tous les soirs parce que je suis fatigué, pas parce qu’on m’y oblige. Le sommeil arrive vraiment. J’arrive donc sans trop de mal à me réveiller à l’heure que je souhaite. Ma mère voit le progrès. Elle met directement en cause l’ordinateur, je réfute. Ce n’est pas ça, ça ne peut pas être ça. Je continue, les vacances arrivent bientôt, je dessine, je continue le fameux carnet que je devais remplir chaque jour. Je sociabilise, mes relations évoluent, je tombe amoureux, peut être trop vite, je m’arrête, je réalise que ce n’est pas de l’amour… Je suis triste, mélancolique, mais je dors bien, je dessine encore et toujours. Je fais les fameuses « flammes » sur Snapchat, je me sens adolescent, dans l’air du temps, je fais comme tout le monde. Ma carte mère ne veut pas arriver, j’attends, je m’occupe de mon voyage de l’année prochaine, j’envoie des mails, je me renseigne, j’écoute de la musique.
J’ai des conversations, de longue conversation avec une fille, je suis content c’est pas comme la première fois, mais là je doute, je me demande si j’interprète mal ce que je ressens, si c’est de l’amour. Je regarde la lune, les étoiles, j’attends le prochain message, je ne l’ouvre que 2 minutes après, j’vous dit je suis adolescent. Puis je pars en vacances. J’oublie cet ordinateur, je réalise ce qu’il m’a fait, comment j’ai grandi avec lui et pourquoi je suis comme ça. Je continue de parler, mais physiquement, je fais mes adieux à mon ami de longue date, jamais je n’oublierais le regard qu’on s’est lancer après avoir écouté un énième trac d’Orelsan. Puis je rentre et je suis surpris, ma carte mère est réparé je bondis dans la voiture, mais le réparateur n’est pas là, je suis déçu. Je retrouve ma maison elle sent bon, elle sent le printemps, le linge frais, j’adore l’odeur. Je me couche tard, je me prépare à son retour, je rejoue à des jeux, je continue de parler, de dessiner. Je passe des moments simples, je joue aux cartes, je vais au restaurant avec ma famille. Puis, le réparateur revient, je lui donne ma tour, ma carte mère. Puis j’attends,j’attends, j’attends, j’attends, j’attends en faisant tout et rien. Je joue, je lis, je dessine, je discute, je me demande quand ce sera fini, quand est-ce que je pourrais y avoir accès. La nuit suivante impossible de dormir, je me réveille tôt, transpirant d’inquiétude. J’attends l’appel, j’attends la délivrance. Je le veux j’en ai besoin, je veux retrouver tout ça, cette vie, ces moments. J’y vais – je l’ai, je branche mon écran, je vois le logo s’allumer. Je suis heureux, une petite larmichette, je réalise que c’est stupide, mais je suis euphorique. J’embrasse ma mère, je change le fond d’écran et je télécharge Steam.
A ce moment-là je suis pris d’un doute, j’ai bien vu que mon disque dur est toujours rempli de tous mes jeux mais, je n’en veux pas, je sélectionne le dossier : 1.3 téraoctet. Je réalise. Quasiment 3 ans de ma vie, des milliers d’heure de jeux, des expériences touchantes, frustrantes, stressantes, horrifiques, intemporelles. Des histoires d’amitié, de trahison, d’amour, de partage… Tout ça dans une petite boite. Tout ce que ça m’a apporté, tous ce que j’ai pu y perdre. Est-ce que ça valait le coup ? Est-ce que je regrette de ne pas avoir passé plus de temps à faire comme les autres, à enrichir mes réseaux sociaux, à profiter de ma vie d’étudiant, de mon statut. Je ne sais pas. Je fais le vide, respire… Désinstaller, oui. J’ai un ami à qui je parle au moment où j’appuie sur le clic de ma souris. Je me crispe puis je clique. Je regrette instantanément je n’ai plus de jeux auxquels jouer, enfin, je ne pourrais plus passer mon temps à faire ça. Je respire puis je regarde mon clavier, ma souris, mes écrans. Je quitte mon siège, j’éteins mon ordinateur. Je sors de ma chambre, je monte dans mon bureau et je prends mon téléphone. Je dis à celle que j’aime ce que j’ai à lui dire. Ma vie de joueur ce termine ici, le 05/05/18. ■
Anonyme, 2018.